CHAPITRE 3

161 49 8
                                    

« L'alcool a été fait pour supporter le vide de l'univers, le balancement des planètes, leur rotation imperturbable dans l'espace, leur silencieuse indifférence à l'endroit de votre douleur. » — Marguerite Duras


ZARA


Le taxi déboula quelques minutes plus tard, devant la boîte de nuit que m'avait indiqué Marco. Les néons rouges des lettres de l'enseigne, enroulées par un dragon menaçant, se reflétaient dans les vitres du véhicule. Je soupirai, plus par habitude que par réel lassitude, payai le chauffeur et sortis sur le trottoir faisant face à l'entrée béante de l'établissement.

Une queue monstre était déjà formée alors qu'il n'était même pas vingt-trois heures. À croire que les jeunes de Los Angeles passaient leurs vacances de juillet à attendre devant un night-club branché de la ville, plus dans l'espoir d'apercevoir des personnalités importantes, que par réel envie d'y pénétrer. Serait-ce alors encore plus jouissif de passer devant eux sans gène aucune ?

Certainement.

Mais dans le fond, qui s'en souciait ? Ce sentiment de supériorité était devenu commun pour la jetset de Hollywood. Il n'y avait plus rien d'agréable dans le fait d'avoir des privilèges.

Je me dirigeai directement vers le videur qui, évidemment, ne me reconnut pas. La littérature, cela ne devait pas trop être son truc, bien que ma tête défilait à la télé depuis déjà de nombreuses semaines. Comme si j'étais devenue le nouveau divertissement à la mode.

Mon nom n'était pas sur la liste et Marco ne m'avait pas attendue, comme l'incontestable fêtard qu'il était. Lui et la galanterie, cela faisait deux aussi.

Je soufflai bruyamment en fouettant l'air chaud du soir de ma main, comme si ce simple geste pouvait rafraîchir ma peau. Qu'est-ce que l'homme pouvait être stupide parfois...

Le videur se trouva embêté un instant, et malgré mon insistance il semblait de plus en plus déterminé à me faire dégager d'ici. En fait, j'étais sur la liste, je le savais, Marco ne me laissait jamais en plan. Mais il me faisait toujours le plaisir de m'inscrire sous le nom le plus détestable de l'univers, celui qui le glorifiait par la même occasion.

— Regardez si "la Bella exclusive de Marco Jordi" est inscrit sur votre liste, lâchai-je finalement lassée de cette attente.

Le videur, un homme brun apparemment habitué des salles de sport, dont le physique était assez cliché pour ce travail, fronça les sourcils un instant avant de relever sa tête vers moi. Oui, ce nom était vraiment sur sa liste.

Il parut déstabilisé un moment puis se reprit rapidement avant de me répondre.

— Il m'a demandé de vous poser une question avant de vous laisser rentrer, pour être sûr qu'il s'agisse bien de vous, commença-t-il, son air sévère ayant retrouvé la courbure de ses sourcils.

— Quatre, répondis-je avant même qu'il ne prononce un mot.

Encore une fois, le videur parut surpris, mais acquiesça et retira le cordon pour me laisser entrer. Ce n'était pas trop tôt, les jeux de Marco commençaient légèrement à me taper sur le système. En réalité, il n'y avait même pas de question, j'étais juste supposée répondre quatre pour assurer mon véritable lien avec Marco Jordi.

C'était ingénieux dans un sens, mais qu'est-ce que ça pouvait m'emmerder ! Il ne pouvait pas tout simplement se contenter d'inscrire mon nom ? Je suppose que cela serait beaucoup moins drôle pour lui.

Le club était bondé, l'odeur de transpiration et de cigarette remontant à la surface, symboles vivants de la débauche et de l'extase. Les haleines empestaient l'alcool, l'herbe parfois, et cette ambiance généralisée de lâcher prise commun me donnait déjà la gerbe rien d'en slalomant à travers toutes ces personnes qui se déhanchaient indécemment sur la piste. La musique était comme d'habitude, trois fois trop forte, et toujours aussi nulle, bien que cela ne semblait pas le plus important dans l'histoire.

BACKSTAGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant