6. Infinity

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        Harry souffla un bon coup et se leva. Il marcha au milieu des tables où quelques étudiants concentrés finissaient leur examen avec difficulté, penchés au dessus de leur bureau. Il remit sa feuille au surveillant, signa la fiche de présence et sortit de la salle. Sa période d'examen était enfin terminée et il avait devant lui deux bonnes semaines de vacances avant de reprendre les cours.

          Il allait enfin pouvoir retourner au pont pour ses discussions nocturnes avec Louis. Il avait croisé le garçon la veille au parc alors qu'il révisait pour son dernier examen. Le bouclé avait eu un choc en voyant Louis en pleine journée pour la première fois. Dans l'obscurité, il n'avait jamais vraiment détaillé le jeune homme mais en pleine journée, il ne pouvait pas le rater et bien qu'il avait l'air vraiment mal, on ne pouvait pas dire qu'il était moche. Ses cheveux châtains en pétard et ses beaux yeux bleus pourraient faire craquer n'importe qui. De plus, l'attitude du jeune homme avec lui, l'avait laissé ahuri. Ils se connaissaient à peine et le fait que Louis tienne autant à leurs conversations, lui avait fait du bien. Il avait eu l'impression que quelqu'un se soucier enfin réellement de lui mais maintenant qu'il y repensait, il avait peur de se faire des idées. Pourquoi un garçon comme Louis s'intéresserait à quelqu'un comme lui ? Il était d'un ennuie mortel, pas spécialement beau et complètement dépressif. Aaron lui avait dit : personne ne pourrait s'intéresser à lui, il était bête et n'avait aucun intérêt. Il était prêt à parier qu'il avait raté ses examens. Son cœur se serra à cette pensée et sa bonne humeur disparut aussi vite qu'elle était arrivée. Il rentra chez lui, ne s'arrêtant même pas à la boulangerie où il prenait son goûter habituellement et où il ne s'était pas arrêté de la semaine d'ailleurs. Il monta dans le bus, s'assit et regarda, par la vitre, le paysage défiler. Il descendit à son arrêt, la tête baissée. En marchant dans la rue, il croisa une mère et sa fille. 

« - Ma chérie, tu es bien consciente que Poudlard et tout ça, ce n'est pas la vrai vie ? Il faut que tu arrêtes de passer ton temps à rêver et que tu commences à t'intéresser à ce qu'il se passe dans le monde, disait la mère. »

Il n'en entendit pas plus. Cependant, ces quelques mots le plongèrent dans une colère noire. Qu'est-ce qu'il détestait ces mots-là, "arrête de rêver", "ce n'est pas la vrai vie". On le lui avait répété tout le long de son adolescence mais la vrai vie c'était quoi ? Allumer la télé pour découvrir aux infos qu'il y a encore eu un attentat faisant des dizaines de mort, qu'une gamine a encore été enlevé, qu'on a rouvert une affaire sur un pédophile parce qu'on a trouvé de nouveaux éléments ? Plus rien n'était naturel dans cette vie. Les ados préfèrent s'insulter les uns les autres plutôt que d'assumer leur différence, les gens se méfient les uns des autres. Un jour, on t'accueille en héros, le lendemain, on t'oublie déjà. On préfère se cacher derrière un écran, plutôt que de se parler en face à face. On détruit tout ce qui nous entoure. Les riches se noient dans leur argent tandis que les pauvres triment toute leur vie pour payer le loyer. Le monde est remplie d'inégalités et de manipulation. Et on fait des reproches aux rêveurs ? Pff, société de merde. 

         Harry rentra chez lui et la routine reprit. Il enleva ses chaussures dans l'entrée, posa sa veste sur le porte manteau. Il embrassa sa mère aux fourneaux et répondit positivement quand elle lui demanda si son examen s'était bien passé. Il salua sa sœur encore une fois avachie dans le canapé devant une émission de télé-réalité stupide et il grimpa les escaliers jusqu'à son minuscule studio où il s'enferma. C'était un vendredi soir et le vendredi soir, il mangeait avec sa famille. Il soupira et alluma une cigarette qu'il fuma sur le bord de la fenêtre. Le bouclé fumait rarement, seulement quand il avait besoin de se détendre ce qui était le cas. Il tira une taffe, laissant la fumée envahir sa bouche, lui irriter la gorge et remplir ses poumons avant de tout relâcher en soufflant un petit nuage. Qu'est-ce qu'il aimait cette sensation. Il entendit vaguement sa mère l'appelait. Harry soupira en écrasant sa clope à peine consumée dans le cendrier sur le bord de sa fenêtre, il s'aspergea de déodorant et mâcha un chewing-gum à la menthe avant de descendre. À table, sa mère et son beau-père discutaient joyeusement avec Gemma qui racontait sa vie comme chaque fois qu'elle venait et Harry ne pouvait s'empêcher de se demander comment elle pouvait avoir autant de choses à raconter sur une seule journée. Il s'installa en souriant, complimenta sa mère sur son poulet au curry, écouta attentivement sa sœur lui parler du nouveau mec de sa colocataire et demanda à Robin si sa journée s'était bien passée. Puis, il débarrassa la table, salua sa famille et remonta dans son petit appartement. Son sourire disparut à peine la porte franchie et il s'empressa de s'allumer une deuxième cigarette.  Tout en portant le petit bâton de nicotine à ses lèvres, il souleva sa manche découvrant un bras couvert de cicatrices plus ou moins récentes. Il soupira une énième fois. Après tout, c'était ce à quoi ressemblait sa vie : un long soupir. Il voulait pleurer mais ses larmes avaient trop coulé. Il voulait quelqu'un auprès de lui, quelqu'un qui ne demanderait pas pourquoi mais qui serait simplement là. Toutes les nuits, c'était la même chose debout sur ce pont. Combien de fois avait-il souhaité que quelqu'un reste ? Combien de nuits avait-il passé à compter les étoiles en tentant de réparer son cœur ? Harry avait l'impression de faire ça depuis toujours sans jamais aller mieux. Peut-être que c'était ça son problème. Peut-être qu'il était trop brisé pour que quelqu'un essaye de le réparer. Peut-être qu'il était juste bon pour la poubelle. Son téléphone sonna. 

Kill Myself || Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant