La nuit les étoiles

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"- On peut pas tout gâcher comme ça, comme t'as dit on était rien alors pourquoi on foutrait tout en éclat ?" tentais-je d'expliquer à mon interlocutrice

"- Parce que je sais pas je te pensais tellement pas comme les autres que j'ai fini par croire que t'étais cette personne si unique qu'on rencontre qu'une seule fois dans sa vie et qui nous sauve de notre merde quotidienne. J'avais juste de l'espoir."

"- Et Lucas ? Si Lucas c'est pas cette personne, pourquoi tu lui laisses une chance à lui ? T'attends qu'je couche avec une autre avant de retourner ta veste ?"

La petite brune ne répond pas. Elle me regarde, je ne sais pas si elle réfléchit ou si elle se fiche de ce que je viens de lui dire. Son regard viens rencontrer le miens et elle me murmure de m'en aller. J'acquiesce et prends la porte sans me retourner. Arrivé en bas de l'immeuble je monte dans ma voiture et un tas de questions viennent m'envahir. Qu'est-ce qui m'arrive putain ? J'suis trop khabat pour réfléchir je sais pas quoi faire et le fait de pas avoir le contrôle de la situation ça m'fait peter un plomb. On dirait que c'est Irina seule qui a toutes les cartes en mains, y a qu'elle qui puisse tout réussir comme tout foutre en l'air.

Je lève les yeux et observe le salon encore éclairé de la petite polonaise, j'ouvre ma fenêtre et m'allume une clope, des bruits se font entendre dans l'immeuble. C'est Irina. Et Lucas. Elle crie, lui aussi, puis la porte claque. Puis plus rien, et j'aperçois enfin la silhouette de mon pote traverser la cour de l'immeuble et s'en aller. Elle vient de tout foutre en l'air. Je démarre ma voiture d'un coup sec ce qui fait sursauter un petit groupe de jeunes qui passait par là. Je commence à rouler sans vraiment savoir dans quelle direction, je roule et c'est le principal. J'ai jamais trop eu l'habitude de faire ça tout seul, y a toujours ce bon vieux Luji pour m'accompagner dans mes balades nocturnes, j'ai l'impression que tout par en couille depuis qu'elle est là. Je m'allume une clope en tenant le volant d'une autre main, je fume trop, je fume pour rien, j'ai déjà pensé à arrêter mais même ça j'en suis pas capable. Quelques kilomètres plus tard je m'arrête et gare ma voiture non loin de l'immeuble, dans le parc de la dernière fois, là où madame Irina semblait si innocente et pleine d'ambition. C'est qu'une garce en réalité. Là, devant le décor presque macabre qui s'offre à moi, je pense à moi. A ce que je suis devenu, ça faisait longtemps que j'avais pas pensé à moi. J'suis qu'un échec, j'arrive à rien, même pas à être un petit peu fier de moi, j'ai pas ma place ici. Je vais finir par me jeter dans le vide si ça continue, vaut mieux que je me reprenne et que j'arrête de couler pour les autres, ils ont qu'à couler tout seul. J'empoigne mon téléphone et le petit bout de papier froissé au fond de ma poche et note le numéro de la fille de la boîte. Au bout de deux bip elle me répond, elle m'indique une adresse, je murmure un "j'arrive", et raccroche aussitôt.

IRINA

L'album de Jaden Smith résonne dans mon appartement, je ne sais pas vraiment quelle heure il est, le grand soleil m'indique qu'on est sûrement en plein après-midi.  Accompagnée de mon joint je saute sur le canapé du salon en pleurant. Je suis d'un ridicule sans nom. Je n'ai pas revu toute la bande depuis un petit moment déjà. Ils ne m'adressent plus la parole. Je passe maintenant mes journées à réviser mon concours,à prendre des photos en tout genre, des gens, des choses, parfois moi-même. Quelques fois je les nomme, quelques fois les images parlent d'elles-mêmes alors je n'ai pas besoin de les nommer. Je travaille à mi-temps dans une petite librairie non loin de chez moi, c'est un boulot tranquille, je passe le quart de mes journées à dévorer des livres sur l'astronomie. Malgré toute ma petite vie bien remplie je me sens terriblement seule. J'ai un collègue à la librairie, Rayan, mais il est pas comme les garçons, personne sera jamais comme eux et je dois avouer que leur présence me manque même si je n'aurais jamais l'audace de retourner vers eux.

L'HirondelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant