Labyrinthe : Origine

Chapitre 8 : Dreamwalkers

Je vérifiai les deux côtés de la rue à l'aide de rapides coups d'œil. Personne ne m'avait suivie. Du moins, je n'avais repéré personne.

Je m'étais attendue à être pistée par l'un des deux frères, ou au moins par un quelconque homme de main. Mais je ne voyais rien... Toujours méfiante, je décidai d'aller quand même jusqu'au point de rendez-vous. C'était un petit café assez fréquenté, et c'était justement la raison pour laquelle je l'avais choisi. Je m'y sentais plus en sécurité. Et puis, ici, personne ne faisait vraiment attention à ce qui se disait aux autres tables. Trop de conversations mêlées.

En arrivant, je la vis. Lili. Mon amie d'enfance... Le simple fait de la voir agissait comme un baume de soulagement et effaça mon stress et mon anxiété. Je me dirigeai vers elle, le sourire aux lèvres.

Je m'assis simplement en face d'elle, et appréciai les retrouvailles avec un instant de silence.

"Ça fait tellement longtemps !" m'exclamai-je, incapable de me retenir.

"Je suis très heureuse de te revoir." répondit simplement Lili, toujours en lui souriant.

C'est à ce moment que le serveur intervint pour prendre ma commande. Je demandai un café au lait. Je n'avais pas soif, mais il aurait été suspicieux de ne rien prendre.

"Tu as bien eu mon message, alors ?" fis-je, excitée.

"Oui, bien sûr ! Sinon je n'aurais pas..." commença Lili, alors qu'elle remarquait mon regard, qui passait de table en table d'un air suspicieux. "Oh, ça ! On n'a personne avec nous, je m'en suis assurée. Tu es beaucoup trop parano, ma chérie !" ajouta t-elle en riant.

"Prudente, c'est tout." m'excusai-je brièvement. "Enfin, c'est bon de te voir aussi...", avouai-je en me détendant un peu plus.

"Tu as besoin de moi alors ?" demanda Lili. "Dans quel genre de situation tu as réussi à te mettre cette fois-ci ? On dirait que tu as des tueurs à gages aux trousses."

"Je préférerais !" plaisantai-je, un rire jaune bloqué dans ma gorge. "J'ai accepté un boulot et je n'aurais pas dû."

"Mauvaise paye ?" supposa mon amie.

"Mauvais employeurs." rétorquai-je du tac au tac. "Et pourtant tu me connais, je ne suis pas difficile."

"Sympa..." commenta alors Lili.

"Oh ! Non, je ne parle pas de toi, toi c'était... C'était génial !" bafouillai-je pour me rattraper. Je n'aurais jamais pensé qu'elle aurait pu le prendre pour elle.

"Je sais bien, je te taquine !" fit Lili en riant, alors que le serveur revenait. Elle attendit qu'il se fut assez éloigné pour reprendre : "Alors, pourquoi tu m'as rappelée ?"

"J'ai... Besoin d'infos." hésitai-je. 

Le dossier était brûlant.

"Sur qui ?"

"Sur mes employeurs, justement. Les frères Lauzan." annonçai-je, sans même me demander si elle les connaissait.

Lili avait le bras long, et une liste de contacts très intéressante.

"Oooh... Ça... C'est un sérieux morceau auquel tu t'attaques, là. Juste, qu'est-ce qui te fait croire que je les connais ?" remarqua Lili.

"Je te passe le détail, mais j'ai étudié quelque chose en rapport avec les travaux de Darn. Et ils se sont montrés sérieusement intéressés... En recoupant mes infos, j'ai appris qu'ils avaient une connexion avec lui." expliquai-je alors.

"Darn... Je... Je ne l'ai pas revu depuis pas mal d'années, tu sais." bredouilla Lili, confuse.

"Peu importe ! Donne moi ce que tu sais." fis-je alors avec un geste d'impatience.

"Chaud devant !"

C'était le serveur. Il avait choisi le pire moment... Je sifflai entre mes dents avant de me retenir. Je collai un faux sourire radieux sur mes lèvres et le remerciai d'une voix que je voulais chaleureuse. La frustration s'y lisait peut-être un peu trop.

Il fallait attendre qu'il s'éloigne à nouveau pour que son amie puisse enfin lui livrer ce qu'elle savait.

"Écoute... Ce que faisait Darn... Je ne suis pas sûre qu'il faille s'en inspirer. Ou même s'y intéresser. Tu n'en tireras rien de bon." essaya Lili.

Je soupirai, et gardai le silence quelques instants. Comment la convaincre ?... Sans trop en dévoiler.

"Je sais ce que faisais Darn. Ce que je cherche ce sont juste les failles des frères à exploiter." annonçai-je d'une voix déterminée.

Lili se montra soudain horrifiée :

"Tu sais ?... Comment tu sais ?"

"Le projet Dreamwalkers. J'y ai participé. Pas en tant que dirigeante, mais on a tous vu comment ça s'est passé. A la fin, Darn a trouvé ce qu'il cherchait, et il est parti avec." racontai-je d'un ton que je voulais calme.

En vérité, je bouillais à l'intérieur.

"Et tu savais ce qu'il cherchait ?" demanda Lili, d'une voix chevrotante.

"J'en ai une petite idée, mais il faut encore que je la précise...", esquivai-je alors.

Lili ne devait pas être au courant. Cela avait une importance vitale. Ce serait aussi dangereux pour elle-même que pour les autres.

"Marie... S'il-te-plaît... Moi je sais ce qu'il recherchait. J'ai vécu avec Darn pendant trois ans, et je sais ce qui l'obsédait. Tu te souviens de ce que je t'avais dit quand on travaillait sur Chimera tous les trois ?"

" "Ce qui l'intéresse ce n'est pas la biologie ou les concepts, c'est le monstre lui-même." " citai-je doctement. "Je sais. Mais si je te disais que je lutte justement contre lui, qu'est-ce que tu en dirais ?"

"Je te dirais d'arrêter immédiatement. Et puis, lutter, qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu descends toi-même faire le boulot ? Je croyais que tu bossais pour les Lauzan ?"

"Les Lauzan, ce n'est qu'un intermédiaire. Mon réel objectif, c'est Darn. Mais pour l'atteindre j'ai besoin de passer par eux d'abord."

"Tu ne vas pas l'atteindre, Marie... Tu vas... Tu vas t'écraser comme un moustique s'écrase sur un pare-brise. Tu comptes vraiment t'attaquer à lui toute seule ?"

"Je ne serais pas seule." répliquai-je simplement.

"Alors là, il va falloir m'expliquer." fit son amie avec une moue dubitative.

Je pris une longue inspiration. Je pouvais lui dire. C'était mon amie, après tout.

"J'ai l'intention de remettre sur pied le projet Dreamwalkers."

Lili restait silencieuse, comme sonnée.

"Qui...? Qui voudrait faire ça ?"

"Je n'ai pas encore trouvé." avouai-je, gênée. "Mais si je n'ai pas de volontaires, je vais devoir faire sans."

"Tu n'as pas le droit." fit Lili, révoltée, "Tu ne peux pas imposer ça comme ça, à n'importe quel inconnu."

"Quoi ? Tu veux en faire partie, toi ?" suggérai-je, remplie d'espoir.

Lili ne répondit rien, ramassa son sac et s'éloigna, l'air indigné. J'oubliai toute retenue, et l'appelai en criant :

"Reviens ! Et pour les Lauzan ?..."

Mais elle ne se retourna que pour lui adresser un signe grossier.

Je venais sûrement de perdre une bonne amie.