Mais qu'il est con ce mec !

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Les touristes commençaient à affluer sur le parking et Lena fut soulagée de quitter l'endroit. Il y avait du monde pour ce début du mois de juin et cela lui faisait craindre le pire pour les deux mois suivants durant lesquels l'île allait voir sa population multiplier par dix avec la déferlante touristique. La jeune femme savait que, sans cela, la vie serait compliquée en Corse mais ce qui l'insupportait c'était, d'année en année, de constater que les comportements des visiteurs étaient de plus en plus inacceptables.

En secouant la tête elle regarda un gros SUV venir se garer n'importe comment en plein milieu du parking :

- Ouais vas-y fait comme chez toi connard ! Dire que la haute saison n'a même pas encore commencé...

Morgan regarda la jeune femme d'un air un peu étonné :

- J'ai un peu de mal à suivre. On est bien d'accord que sans le tourisme la Corse serait un peu dans la merde non ? Alors pourquoi se montrer aussi...agressif avec les gens qui viennent ici en vacances ?

- Parce que nous en avons marre de les voir se comporter comme s'ils étaient en pays conquis, parce que nous en avons marre d'être considérés comme des hommes de la préhistoire et parce que nous en avons marre de ceux qui arrivent à contourner les lois pour construire d'affreuses maisons qui défigurent notre littoral, voilà pourquoi.

- Oh...doucement la tigresse on rentre les griffes, j'y suis pour rien moi.

- Mais avant de venir, tu avais, et tu as toujours, des préjugés à notre encontre n'est-ce pas ?

- Depuis quand on se tutoie ?

- Hum...ouais pardon, quand je suis énervée je ne réfléchis pas toujours à ce que je dis.

- Bah en fait, ça ne me dérange pas. On a le même âge non ?

- J'ai vingt-six ans.

- Ouais bon, t'as que deux ans de moins que moi. On va quand même devoir se supporter pendant deux semaines complètes, c'est un peu ridicule de continuer à se vouvoyer non ? En plus, ça me rappelle les foutus exigences de ma mère et tout son blabla stupide sur l'étiquette.

- L'étiquette ?

- Tu vois, en plus d'être un Parisien, je suis aussi un fils de bourges. Et même, plus exactement, je suis un descendant d'un bâtard non légitimé de Charles Ier de Lorraine, duc d'Aumale, gouverneur de Picardie. Et pour que cet ancêtre renonce à ses prétentions au sujet du duché d'Aumale, il a pu garder ce nom et a obtenu une partie de la fortune de son père. J'ai donc le même aïeul que plusieurs rois de France.

- Waouh.

- D'après ce que je sais, mes aïeux ont été assez vexés de cette non-reconnaissance et ils ont tout fait pour continuer à s'enrichir. Mon arrière-grand-père aurait pu s'abstenir de travailler, tout comme mes grands-parents et mes parents mais ils ont suivi à la lettre les directives héritées de ce mec. Enfin bref, j'aurais préféré avoir une famille normale.

- Normale ?

- Ouais, du genre, celle où tu ne dois pas être en costard cravate pour dîner, celle où t'as le droit de porter un vieux t-shirt et un pantalon de jogging troué le dimanche, celle qui te permet de passer des vacances dans un camping totalement pourri, tu vois le genre ?

- N'empêche qu'avoir du fric ça aide.

- Ouais. Mais ça ne t'apporte pas d'amis. Je veux dire, les vrais, ceux sur qui tu peux toujours compter et qui sont là pour toi et pas pour tes tunes.

Un pinzutu dans le maquisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant