De Carrozzu à la station d'Ascu Stagnu (2ème partie)

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Morgan marchait d'un bon pas devant ses compagnons. Malgré la fatigue due à sa courte et mauvaise nuit, il ne voulait pas flancher ni montrer le moindre signe de faiblesse.

Et il comptait bien arriver au refuge d'Ascu Stagnu plus tôt que prévu.

La raison de son empressement était son envie de récupérer quelques heures de sommeil. Il avait pu le constater depuis son départ de Calenzana, plus ils arrivaient tôt dans les hébergements du GR20, plus ils pouvaient profiter d'une certaine tranquillité. Le luxe d'Ascu Stagnu était ses chambres de quatre personnes au maximum et surtout la possibilité d'y prendre une douche bien chaude.

Il n'en fallait pas plus au parisien pour retrouver un semblant de motivation, lui qui ne cessait de compter les heures qui le séparaient de son retour dans le monde civilisé.

Concentré sur les deux randonneurs qu'il suivait toujours de près, Morgan s'arrêta en même temps qu'eux pour faire une courte pause et boire un peu d'eau. Il s'avança ensuite vers eux et se joignit à la conversation. Les deux hommes effectuaient le GR20 pour la troisième fois et ils ne manquaient pas d'anecdotes. Contrairement à lui, ils dormaient sous tente pour rendre leur expédition plus naturelle. Même s'ils en convenaient cela avait aussi des désavantages.

— Ce matin, ça n'a pas arrêté les allées et venues le long de notre tente. Je n'ai jamais compris tous ces excités du timing ! Et ils sont bien plus nombreux qu'on le pense. Entre ceux qui courent, ceux qui doublent ou triplent les étapes, les abrutis qui se rendent dans les secteurs interdits, y a de quoi faire ! Enfin bref. L'année dernière, à chaque étape, tout le monde ou presque avait déjà mis les voiles quand nous sortions seulement de notre tente. Parce qu'on apprécie la tranquillité.

— Mais en partant si tard, vous n'avez jamais eu de soucis de ravitaillement ?

— Plusieurs fois oui, nous avons eu cette mauvaise surprise. Nous devions nous réapprovisionner en nourriture après cinq étapes et quand nous sommes allés trouver le gérant du refuge, surprise, il ne restait presque plus rien. Le gars nous avait alors indiqué qu'il attendait cinq mulets dans la journée. On a eu droit à un saucisson corse et puis c'est tout. Mon dieu, je l'ai savouré cette putain de charcuterie !

— Pourtant vous avez l'air d'être des habitués des randonnées non ?

— Ça, c'était lors de notre première expérience. Nous avons beaucoup appris de nos erreurs. D'ailleurs lors de notre premier GR20, nous nous sommes plantés sur cette étape. Nous avions suivi une fausse piste mais heureusement, nous avons croisé des Allemands qui nous ont remis sur le bon chemin. C'est qu'on peut vite se perdre si on n'est pas attentif !

Rafael et Lena arrivèrent alors à hauteur de Morgan et de ses compagnons. Ils saluèrent ces derniers et échangèrent quelques impressions au sujet de l'étape du jour. Le petit sourire narquois de Rafael interpella le parisien et il eut très vite la réponse à ses interrogations.

Le corse, qui s'amusait à nier son client, s'adressa à l'un des randonneurs sur le ton de la confidence :

— Vous savez qu'au lac de Muvrella nous risquons de croiser des mouflons ?

— Oui, le topo l'indique clairement. Mais à nos deux derniers passages nous n'en avons jamais vu. Ce sont des animaux craintifs je pense.

— Sauf quand ils se sentent menacés par l'attitude de certains touristes irrespectueux. Mais ce n'est clairement pas votre cas. Cela fait plaisir de voir enfin des randonneurs intelligents sur le GR !

Morgan comprit l'allusion à l'épisode de la vache et il se rembrunit. Décidément, Rafael ne manquait jamais une occasion de lancer une petite pique contre lui. Et pour l'empêcher d'en rajouter une couche, il invita le petit groupe à reprendre la marche. Cependant lorsqu'ils atteignirent le lac de Muvrella et que le jeune homme sortit sa gourde pour se désaltérer, l'ami de Lena ne put s'empêcher de lui rappeler d'un ton moqueur qu'il n'y avait aucun point d'eau jusqu'au refuge d'Ascu Stagnu.

Un pinzutu dans le maquisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant