Première Nuit - 2

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Janet

Cet écran m'ennuie, ces caméras m'ennuient, ce ventilateur m'ennuie. À quoi ça sert, un ventilateur, en Janvier ? Y a plus sympa comme presse-papier... Je soupire. Après avoir regardé les caméras pendant une demi-heure, actionné et désactivé les lumières parce que ce restaurant miteux n'a pas assez de courant, j'ai fermé les deux portes de mon bureau pour en faire le tour, fouiller tous les placards, tous les casiers. Rien, rien, rien. Il n'y a rien, pas le moindre dossier, pas le moindre dessous de table sur lequel on aurait griffonné quoi que ce soit à propos des disparitions d'il y a dix-sept ans. Rien à propos du scandale sanitaire, rien du tout. Et c'est bien normal. Après tout, pourquoi auraient-ils quoi que ce soit de compromettant là-dessus ? Surtout dans le bureau du gardien de nuit qui n'a rien à voir avec tout ça.

J'ai retrouvé ma lettre de motivation dans laquelle j'ai écrit à quel point ce restaurant a bercé mon enfance et que je serais ravie d'aider à son bon fonctionnement et sa réhabilitation. Foutaises. J'aurais tout fait pour avoir ce poste, tout, n'importe quoi. Pourquoi ? Pourquoi ? J'aurais pu faire n'importe quoi d'autre, caissière, agent en station service, n'importe quoi, pourquoi ici ? J'ai tellement besoin de réponses... tellement besoin d'être en paix avec moi-même. Mais je ne le serai jamais, je le sais bien. Je ne peux pas oublier ce frère perdu. Je ne peux pas m'empêcher, ignorant ce qu'a été son sort, d'imaginer tout ce qu'il a pu subir, toujours pire, toujours plus atroce, toujours plus horrible. Je sais que je ne serai jamais apaisée et pourtant, j'ai l'espoir insensé que ces cinq nuits changeront quelque chose. J'ai besoin de l'espoir que me donne le restaurant de mes cauchemars.

Je retourne à mon bureau et décroche le téléphone où Henry m'appelle. Je reste sérieuse et pro, j'arrive même à feindre un semblant de bonne humeur.

-Oui moi aussi Foxy était mon préféré ! On avait tous les produits dérivés à la maison, mon frère adorait son croch... et. Hm, je te rappelle plus tard, je dois vérifier quelque chose.

Je repose le combiné sur son socle et soupire en me prenant la tête dans les mains, c'est trop dur, c'est trop de souvenirs. C'est trop douloureux. Même si j'oublie une seconde... la seconde d'après fait plus mal encore, comme une chute de plus haut. Je fais se succéder les caméras, Bonnie est effrayant avec son visage contre l'objectif, Freddy déambule doucement, Chica aussi, Foxy se cache encore. Il va être une heure, bientôt. Bon, j'ai dit que je devais vérifier quelque chose, autant le faire... j'en ai assez de rester ici.

Je rouvre les portes, saisis ma lampe torche et m'engouffre dans les couloirs. C'est interdit, c'est insensé, mais je le fais. Personne ne le ferait, mes prédécesseurs ont laissé des avertissements, c'est dangereux, mais je le fais. Je me demande comment ces robots font pour venir harceler le gardien, est-ce qu'ils savent dans quelle pièce il est ? Ou est-ce qu'ils ont un moyen de le repérer ?J'imagine que je le saurai bientôt... J'allume ma lampe de poche et commence à évoluer dans les couloirs réservés au personnel. Il y a des affiches partout pour célébrer la réouverture, celles d'il y a un an et demi quand le restaurant a ouvert et celles d'il y a six mois pour fêter la première année sans drame; celles qui ont fini par me rappeler que cette pizzeria m'obsède. J'imagine qu'il fallait bien les mettre quelque part.

Mes pas résonnent dans tous les couloirs vides, les portes glissent doucement contre le sol, balayent les dalles d'un léger souffle. Je préférerais qu'elles grincent. Au loin, j'entends des bruits mécaniques, des pas, ces saloperies doivent être en train de se balader impunément dans le restaurant. J'ouvre une autre porte et déglutis doucement. Ah, je viens de me rappeler que c'est dangereux. Pourquoi je ne suis pas restée dans mon bureau blindé ?

Devant moi se trouve Foxy. Rouge, un menaçant crochet à la place d'une main, un bandeau inutile sur le visage... je crois que ce n'est pas le plus grand de tous les animatroniques, mais il reste plus imposant que moi. Je n'ai pas trop envie de me faire enfermer dans un costume effrayant, je ferais peut-être mieux d'essayer de rebrousser chemin discrètement...


Foxy

Je m'immobilise dans le couloir. J'ai entendu du bruit. Un bruit de pas. Mais pas le bruit de pas caractéristique de mes amis. Un pas léger, fluide, bref sur le carrelage, presque feutré et surtout, lent. Très lent. Planté sur mes deux pattes métalliques, je regarde à droite, puis à gauche, puis encore à droite, mes oreilles bougent dans un petit bruit de mécanique qui ressemble un peu à celui de la caméra qui balaye les pièces. Il y a quelqu'un dans le couloir. Il est tout proche. Et l'obscurité ne me dérange pas... même dans le noir je suis fort à Cache-Cache, c'est moi qui compte ? D'accord.

Un... deux... trois... Mon cache-œil m'empêche de voir du côté droit et ma paupière gauche se ferme à son tour. Le décompte se poursuit et les bruits de pas deviennent de plus en plus forts. Tu ne m'échapperas pas. Qui est là ? C'est toi le nouveau ? D'habitude tu ne sors jamais de ta chambre, non ? Alors pourquoi tu sors cette fois ? Tu as envie de jouer ? Tu t'ennuies ? Moi aussi je m'ennuie, et je ne suis pas très patient. Trente-cinq, trente-six, trente-sept... Tu te rapproches encore. Je t'entends... Mais toi tu ne sais pas que je suis là. Je devrais peut être te donner un indice.

-Dum Dum De Dum... Je chantonne de ma voix à peine distordue.

J'avance les yeux fermés. La topologie de la pièce est imprimée dans ma mémoire, je n'ai pas besoin de voir pour te chercher. Soixante-dix, soixante-et-onze, soixante-douze... Je t'entends... tu es tout proche. Les pas sont plus forts, plus rapides. Je m'immobilise à nouveau. Cent ! Prêt ou pas j'arrive. Ma paupière droite se redresse et je ne bouge plus, comme une statue. Mes capteurs ont fini par repérer du mouvement dans le couloir. Une petite silhouette se déplace dans ma direction et s'arrête devant moi. Une fille... celle de cet après-midi, avec la couleur de cheveux qui me rappelle ma fourrure. C'est toi, le nouveau ? Et alors que ton regard se pose longuement sur moi pour me détailler, je peux facilement analyser les traits de ton visage qui se tordent pour me dévisager. Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu me fixes comme ça ? Arrête de me regarder...

Lentement, je baisse la tête vers toi pour plonger mes yeux jaunes dans les tiens. Le bandeau sur mon œil se redresse d'un coup dans un petit clic sonore et la lueur qui s'en échappe éclaire ton visage. Arrête de me regarder comme ça... tu m'énerves... tu m'énerves vraiment... Je me penche vers toi, la raideur de mon corps de métal mal entretenu me donne l'impression d'être désaxé et ma mâchoire pleine de dents tranchantes vient s'ouvrir d'un seul coup comme si elle venait d'être soudainement désarticulée.

Comme ça tu continues de me fixer ? Je n'aime pas qu'on me regarde comme ça... Ça me rappelle que je suis terrifiant. Ça me rappelle que je n'ai rien à faire ici. Ça me rappelle... Que c'est un adulte comme toi qui m'a fait du mal. J'ai oublié des choses... mais je n'ai pas oublié la peur et la douleur. Tu as peur, le nouveau ? Je le vois dans tes yeux. Je te fais peur, c'est ça ? Tu n'as aucune idée de la peur que j'ai eue moi aussi... tu n'as pas la moindre idée de la douleur que j'ai ressentie ! Tu as beau avoir une jolie couleur de cheveux, je n'aime vraiment pas la façon dont tu me regardes. Et puisque tu n'as plus envie de jouer à Cache-Cache, je vais t'attraper et te broyer les os. Puis je t'enfermerai dans l'un de ces costumes pour que tu ressentes la douleur...

 Je m'apprête à bondir. Ma gueule est grande ouverte, je prends de l'élan et me jette sur toi, le crochet en avant...

Five Nights for Foxy (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant