Deuxième Nuit - 4

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Janet

Cette fois c'est fini, foutu. Je suis finie, foutue. Tout ça pour quoi ? Parce que j'ai couru droit vers ma tombe, aveuglée par la lumière de mystères insolubles. Je vais mourir dans un brouillard d'interrogations encore plus opaque, les os broyés entre les crocs d'un monstre robotique, mon sang dégoulinant entre ses rouages et ma chair lacérée par son crochet. Et demain, des mômes joueront avec lui. Des enfants comme l'était mon frère. Mon cœur se serre à cette pensée. Je suis désolée Nathan, tellement désolée. Je n'ai rien fait, rien accompli. Je n'ai rien prouvé, je ne t'ai pas vengé, je n'ai pas découvert la vérité sur ta disparition. Je ne t'aide sans doute pas à reposer en paix. J'ai juste gâché ma vie. Désolée.

Désolée, vraiment. Même la vision ridicule de Foxy cul par-dessus tête ne me donne pas le sourire, ne me rend pas hilare et ne me redonne pas courage. Même s'il a l'air étrangement passif, de temps en temps, je n'arrive pas à en être curieuse. De toute façon, quand sa propre curiosité passe, qu'il est à quelques centimètres de moi, il ne tarde jamais à me sauter à la gorge. Cette fois, ça sera la bonne. J'aurai beau jeter tous les classeurs de cette pièce, tous les bibelots du monde, retourner toute la pièce, ça ne lui fera rien. Si j'arrive à le ralentir assez longtemps, ça ne sera que le temps de laisser arriver ses trois horribles collègues pour être démembrée dans un festival de sang et de violence. J'ai tellement envie de pleurer...

Et pourtant je hurle, je hurle vainement, je hurle de peur, je hurle pour ma vie. Je t'ordonne de fuir comme si tu allais vraiment le faire. Pour une raison qui m'échappe, tu t'es arrêté. Pourquoi ? Qu'est-ce qui fait que tu as toujours l'air aussi curieux et hésitant ? Tu as presque l'air calme parfois ! Plus je te vois, plus j'ai l'impression d'arriver à décoder tes expressions, ta tête qui se penche, tes yeux sans vie qui me contemplent. Qu'est-ce qui a attiré ta morbide attention ? Mes yeux se baissent à nouveau sur le médaillon à tes pieds qui semble avoir accaparé toutes tes pensées. Tu réfléchis bien trop pour un robot, tu es trop curieux.

Comme si tu avais du mal à lire, tu te penches un peu plus, comme si tu plissais les yeux pour mieux voir. Et soudain, tu te recules. Tu as l'air d'avoir eu peur de quelque chose et tu me toises avec insistance, comme si quelque chose t'avais frappé, que je t'avais fait quelque chose. Ta main se porte au bijou sur le sol. Je me redresse d'un coup. Non ! Arrête ! Prends tout ce que tu veux mais pas ça ! Prends ma vie, prends mon sang, ma carcasse, mais ne me prends pas mon frère ! Je veux hurler mais tu me doubles. Les larsens font longtemps écho et je dois fermer les yeux et me boucher les oreilles. Je dois être plus vulnérable que jamais, à ta merci, et pourtant... tu déguerpis, comme je te l'ai demandé.

Pourquoi est-ce qu'il vient de partir ? Pourquoi cet animatronique vient-il de me laisser la vie sauve ? Pourquoi avait-il l'air si effrayé ? Pourquoi a-t-il pris ce bijou ?! Ça n'a aucun sens ! Sans même prendre la peine de fermer les portes, je regarde les écrans de surveillance. Je ne remarque même pas Freddy, Bonnie et Chica quand ils apparaissent devant les caméras. Je cherche Foxy jusqu'à le trouver et le suis d'écran en écran, de pièce en pièce alors qu'il semble fuir quelque chose. Mais qu'est-ce qui s'est passé... ?

Poussée par un élan sans doute suicidaire, un désir insensé, je m'élance à sa poursuite sans réfléchir, obnubilée, je crois, par le collier qu'il vient de me subtiliser.


Foxy

J'aurais pu te démembrer sans le moindre problème, j'aurais pu faire couler de ton corps cette belle couleur rouge que j'aime tellement sans même me soucier de tes supplications, de tes pleurs ou de la terreur se noyant dans ton regard paralysé par la détresse et la peur. J'aurais pu te faire vivre si fidèlement cette souffrance que j'ai subie. Tu aurais su, tu aurais compris pourquoi... pourquoi nous détestons tellement les nouveaux comme toi. Même si... je ne te détestais pas vraiment, moi. C'est juste que... cette couleur. Elle me rappelle tellement cet homme... Elle me rend fou ! Je la hais ! Je la déteste autant que les autres ! Elle m'insupporte autant qu'elle me fait peur. Tu ne la portais pourtant pas, hier ? Je me trompe ? Alors pourquoi ? Pourquoi, alors que nous nous étions tant amusés cette première nuit, as-tu choisis de lui ressembler ? C'est dommage... pourtant, je t'aimais bien.

Mais maintenant... maintenant je ne comprends plus. Pourquoi est-ce que je suis en train de m'enfuir ? Pourquoi est-ce que je n'ai plus été capable de te regarder dans les yeux sans revoir le visage de la petite fille que tu cachais à l'intérieur de ton bijou ? Pourquoi est-ce que ma haine envers toi s'est brusquement transformée en peur... ? Une peur profonde et insoutenable, comme si j'étais tout simplement incapable de te faire du mal ? Alors puisque je n'ai pas d'autre choix pour l'instant, je ne peux que courir. Courir aussi loin que possible, retourner à Pirate's Cove et ne plus en sortir jusqu'à percer le secret de ce médaillon que je tiens entre mes doigts.

Il ne me vient même pas à l'idée que tu aies pu me suivre. Je ne me soucie pas non plus des copains devant lesquels je passe sans m'attarder. Ils doivent sans doute penser que tu m'as repéré, fermé la porte au nez au tout dernier moment et que je suis en train de rentrer, tout frustré, à mon point de départ. Ils ignorent sans aucun doute que je viens de t'accorder une vie que je n'aurais laissée à aucun autre avant toi.

Et alors que je m'enfuis comme si j'étais moi-même la proie d'un monstre, j'essaie de comprendre. Comprendre ce qui me pousse à essayer de... me souvenir. Me souvenir que je n'ai rien à faire ici, me souvenir qu'avant le Freddy Fazzbear's Pizza, il y avait autre chose. Me souvenir de quelque chose qui me semble à la fois si loin et si proche.

Je retrouve la familiarité de mon rideau mauve aux étoiles blanches et roses... enfin... enfin je me sens chez moi, enfin je me sens un peu plus à l'aise... tandis que paradoxalement, la solitude et l'obscurité de la pièce semblent me terrifier. J'ai l'impression d'être au beau milieu d'un cauchemar... je tremble, je ne sais plus quand j'ai tremblé pour la dernière fois. Je me réfugie derrière eux et me recroqueville sur moi-même autant que possible. J'ai presque la désagréable sensation d'être à bout de souffle et je ne peux plus chasser ton visage de ma mémoire. Je revois tes yeux terrifiés et je me sens plus triste encore. C'est... comme une douleur. Tellement désagréable. Et tellement intriguant à la fois. Qu'est-ce que tu as bien pu me faire, Nouveau, pour me mettre dans un état pareil ?

Je retrouve peu à peu mon calme. Mais je n'oublie pas pour autant que je viens de fuir face à quelqu'un d'aussi faible que toi. Ça me met en rage, je me sens à la fois pitoyable et impuissant. Je ne comprends pas, et ne pas comprendre m'est si insupportable que ne peux retenir un mouvement brusque de mon crochet qui déchire partiellement le rideau derrière lequel je me cache. Finalement, je m'assois sur le bord de la petite scène, défoulé... en quelque sorte. Mais j'ai toujours l'impression de sentir un... poids peser sur moi. C'est cette chaîne. Ce collier brisé que je tiens au creux de ma main. J'ouvre mes doigts mécaniques et mes yeux jaunes se posent sur la chaînette que je t'ai prise. Je la contemple, la détaille, comme s'il s'agissait d'un objet précieux. Je la lève au niveau de mes yeux et les médailles pendouillent dans le vide. Je les approche pour mieux distinguer les écritures et je peux alors lire un nom sur la première médaille. Janet.

J'ignore comment je le sais... mais je comprends immédiatement qu'il s'agit du nom de la petite fille de la photo que je m'empresse de regarder à son tour. Janet. Je connais ce nom, sa consonance, la sensation qu'il me procure, je l'ai déjà entendu, plusieurs fois...il y a... longtemps. Janet. Ce nom résonne dans ma tête comme un écho lointain, l'écho d'une voix douce, aiguë et pleine de joie. Janet. Il est doux, il me semble presque qu'il a une saveur sucrée. Janet. Il est réconfortant et apaisant. Janet. Il me rend triste... si triste. L'espace d'une seconde, je me sens tellement seul. J'oublie mes désirs de vengeance, la violence et la belle couleur rouge... ou plutôt... je me souviens... je me souviens de celle de tes cheveux. La même que... Je baisse le regard... la photo. C'est toi. C'est toi, n'est-ce pas, Nouveau ? Sur la photo ? Alors mon regard se perd sur la seconde image. Celle du petit garçon. Un sentiment étrange m'envahit et j'approche plus près encore la photo pour la détailler plus en profondeur...

Et puis j'entends un bruit de pas pressés... Ce n'est pas Freddy, ce n'est pas Chica, ce n'est pas non plus Bonnie. Alors c'est toi ? Janet ?

Five Nights for Foxy (FR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant