CHAPITRE 7: Combattre sa volonté

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  Anaïs soupira en s'adossant au mur. Elle se laissa glisser jusqu'au sol et attrapa sa bouteille d'eau posée à côté d'elle. Deux mois s'étaient écoulés depuis qu'elles étaient entrées dans ce monde. Pendant le premier mois, la jeune fille s'était totalement détachée de la réalité. La jeune fille mangeait peu et passait ses journées à pleurer. Elle pensait qu'elle était dans un rêve, et que d'un instant à autre, elle allait se réveiller. Mais en voyant Zoé et Ivana s'entraîner dur pour l'expédition, elle s'était mise en colère contre elle-même. Ses deux amies voulaient sauver Océane, et tout ce qu'avait fait Anaïs, c'est se morfondre pendant un mois, alors que leur amie était peut-être en grand danger. Deux semaines auparavant, Jellan leur avait proposé d'aller sur Terre. Et même de voir leurs parents, bien que ceux-ci ne les reconnaîtront pas. Anaïs et Ivana avait catégoriquement refusé, mais Zoé se porta volontaire pour aller là-bas. Ainsi la jeune fille avait pu vérifier les paroles de Jellan. Lors de son retour elle avait vaguement répondu aux questions de ses deux amies avant de s'enfermer dans sa chambre.

   Un jour, Jellan les fit se réunir dans son bureau en toute urgence. Il informa les jeunes filles qu'un de ses contacts disait avoir aperçu des Ombres dans la région de Manaïr. Le jeune homme avait envoyé plusieurs espions en repérage, et il semblait que ceux-ci avaient localisé la forteresse des Ombres. Jellan informa rapidement les jeunes filles : lui et ses hommes s'étaient donnés rendez-vous dans une semaine pour une réunion stratégique, et ainsi partit le plus vite possible à l'assaut de la forteresse, tout en ayant établi un plan. Les trois jeunes filles devaient se tenir prêtes. La mission de sauvetage allait bientôt commencer.

***

   Océane regarda pensivement par la fenêtre. Elle ne voyait pas au delà de la grande muraille qui entourait la forteresse. Pendant les premières semaines, elle était restée seule, enfermée dans cette salle. C'était à en devenir fou. On lui donnait, deux fois par jour estimait-elle, un repas. La nourriture n'était pas spécialement bonne et très répétitive mais elle avait fini par s'y habituer. La cellule où elle était captive devait mesurer cinq mètres sur quatre, et ne comportait aucune fenêtre, empêchant ainsi Océane de connaître l'heure. Elle avait une montre, mais on lui avait retiré lors de son enlèvement. Dans cette salle sombre il n'y avait comme meuble qu'un petit lavabo salle et deux couchette posées par terre, dont l'une était vide depuis le premier jour de sa captivité. Et n'avait revu Nils que deux fois, lors des examens qu'on lui faisait passer. En effet, tous les deux jours environ, on venait la chercher et on l'emmenait dans une grande salle éclairée. C'était les seuls moments où la jeune fille pouvait apercevoir la lumière du jour. On la menottait alors sur une chaise et une personne l'interrogeait.

   Contrairement à ce qu'on aurait pu croire venant de cette organisation de criminels, la personne qui la questionnait était plutôt douce et calme. Sur les premières séances, Océane n'avait que fait hurler des insultes sur cet hommes. Celui-ci n'avait même pas cillé, n'avait mimé aucun geste de violence ni formulé de menaces. Il lui parlait gentiment, lui demandait de coopérer en lui montrant quels seront les avantages. Océane aurait le droit de sortir de sa cellule toute la journée, de se promener dans le château accompagnée d'un garde, et même peut-être dans le jardin selon son niveau de coopération. Elle pourrait avoir accès à de meilleurs repas et de manger avec de la compagnie si elle le désirait, avoir un petit animal pour se divertir, tout cela en récompense de ses actions. La jeune fille avait d'abord refusé, mais au bout de quelques semaines seule dans le noir, elle avait craqué et accepté peu à peu la coopération, à certaines conditions : elle avait demandé à que Nils lui tienne compagnie. L'homme fut légèrement surpris par sa demande, et répondit seulement qu'il allait en faire-part à ses supérieurs.

   Quelques jours plus tard son interrogateur lui expliqua que le jeune garçon refusait de coopérer et même de parler. Cependant Océane le supplia tellement qu'il accepta de l'emmener dans sa cellule. On lui banda les yeux et on la fit tourner sur elle-même, sûrement pour lui cacher la position de Nils dans la forteresse. Après quelques minutes de marche à l'aveugle, on lui retira le bandeau et un des gardes qui l'accompagnait lui souffla à l'oreille :

- Vous avez dix minutes.

   Puis il ouvrit une porte et la poussa à l'intérieur, avant de refermer l'entrée. La jeune fille mit quelques secondes à s'habituer à l'obscurité. Elle appela doucement :

- Nils, tu es là ?

   Dans un coin de la salle, une forme se leva difficilement. Le jeune garçon lâcha :

- C'est toi...

   Il gémit et tituba, menaçant de tomber. Océane courut le rattraper, l'aida à s'asseoir et s'agenouilla à côté de lui. Elle murmura :

- Tu es en mauvais état, Nils... Je vais te sortir d'ici, ne t'inquiètes pas, lui dit-elle.

   Le jeune garçon la regarda en secouant la tête :

- Tu... Tu es de leur côté, maintenant, n'est-ce-pas ? Alors pourquoi es-tu revenue ?

Océane s'énerva :

- Qu'est-ce que tu racontes, Nils ? Jamais je n'ai été leur amie. Ils sont mes ennemis, et je compte toujours m'enfuir. Mais je ne partirai pas sans toi.

   Nils la repoussa et cria :

- Alors pourquoi tu coopères ? C'est comme ça que tu te bas ?

   Océane le regarda longuement puis soupira :

- Et toi, Nils ? C'est en restant dans cette cellule que tu crois que tu peux faire avancer les choses ? Est-ce que tu penses vraiment que mourir est nécessaire ?

   Elle s'approcha de lui et planta ses yeux dans les siens, à quelques centimètres du jeune garçon.

- Moi j'avance. Je ne compte pas rester ici. Et si faire ton rebelle ne te fait pas sortir, alors arrête de le faire, et suit une autre route.

   Nils la regarda quelques secondes en gardant le silence, puis murmura :

- Tu es forte, Océane, n'est-ce-pas ? Moi je n'arrive pas à ressentir autre chose que du dégout et de la haine pour ces criminels.

   Océane fit mine de se lever, mais se rassit et entoura le jeune garçon de ces bras :

- Je ne suis pas forte. Je suis tout sauf forte. Mais je ne compte pas rester ici. Il y a des gens qui m'attendent à la maison, et je veux les revoir.

   Elle se redressa. Des larmes coulaient sur ses joues. Nils tremblait, mais pas de peur ou de rage, mais d'émotion. La jeune fille continua :

- Je les déteste du plus profond de moi, car ils nous ont fait du mal. Même si je refuse de coopérer, je le fais malgré moi, pour partir, et retrouver les gens que j'aime. Mais je ne veux pas partir sans toi, Nils.

   Ils restèrent un long moment à se regarder, en silence. Soudain, la porte s'ouvrit, et le garde rentra en ordonnant :

- Les dix minutes sont passées, vous devez sortir, mademoiselle.

   Océane se leva lentement et s'apprêta à sortir, quand Nils attrapa sa main. Elle se retourna, le jeune garçon la regardait. Il la pris soudainement dans ses bras et la serra en lui chuchotant dans l'oreille :

- Je ne veux pas non plus partir sans toi, Océane. Je vais me battre.

   Le garde approcha et la tira vers la porte en brandissant son revolver sur lui. Nils le menaça du regard, puis finit par lever les mains en soupirant. Le jeune garçon recula et s'assit contre le mur. La dernière chose que la jeune fille vue lorsque la porte se ferma fut Nils qui lui adressa un petit sourire triste. 

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