Les yeux de Willow s'ouvrirent brusquement. Elle était tombée du chêne, le sursaut provoqué par son cauchemar ayant été plutôt violent. Son crâne avait cogné contre l'une des épaisses racines de l'arbre. Ceci lui était arrivé plusieurs fois auparavant. Réussir à dormir sur une branche n'était pas toujours facile. Mais cela n'était n'arrivait jamais sur son saule. Il la portait parfaitement, ne la laissait jamais tomber.
Se frottant l'arrière de sa tête afin d'adoucir la douleur du choc, la jeune fille se retourna et prit ses affaires, qui, étant au plus bas du tronc, se trouvaient désormais à sa hauteur. Enfin, elle repéra sa montre et regarda l'heure : 2h47. Parfait, elle qui avait miraculeusement réussi à s'endormir tôt avait finalement dû tomber de cette branche. Au moins, elle avait dormi deux heures. Sachant qu'elle ne pourrait pas faire mieux, elle reprit position sur l'une des branches du chêne imposant, la lumière de la lune comme seule éclaireur. Les silhouettes des arbres étaient toutes visibles dans la nuit, les branches telles leurs bras, se tendant vers le ciel ou la terre. Au bout, les feuilles, caressées par le vent, bougeaient légèrement. Chaque arbre se mouvait différemment, sonnait différemment, communiquait différemment. La lumière lunaire donnait à sa forêt, un mystère indescriptible, comme si celle-ci progetait le passé douloureux de Willow. La pleine lune, visible à travers les arbres, aussi magnifique et merveilleuse qu'à son habitude, renforçait le mystère qui pesait sur le paysage. Au milieu, elle reflétait une silouhette féminine tournoyante, sa chevelure rousse brillant dans la noirceur de la nuit. Sa robe d'un blanc nacré se fondait avec la paleur étonnante de sa peau. La jeune femme paraissait floter, voler. La grâce de ses mouvements la rendaient si envoûtante que jamais un être vivant ne pourrait détacher son regard de sa danse, de ses yeux bleus qui percaient votre âme de leur profondeur. Ses chaussons de danse, aussi blancs que sa robe, n'étaient pas abîmés par la terre. Rien ne les touchaient, rien ne les affaiblissaient. Le visage de l'être, pâle tel la lune, avait une expression douce et rassurante. Son aura semblait protéger chaque particule autour d'elle. Elle se déplaçait, à l'aide de pas de danse, sa grâce la portant toujours. Arrivée au chêne, ses pieds quittèrent la terre. La jeune femme était comme plus légère que l'air. Enfin, elle vint se poser au bout de la branche de Willow, où elle étira ses lèvres en un sourire merveilleux, apaisant. Un sourire qui vous faisait oublier toute peine, toute douleur. Willow tremblait de tous ses membres. Elle s'avança le plus doucement possible avait d'éviter une chute, ses tremblements étant incontrôlables. Elle n'était qu'à quelques centimètre de l'être hors du commun. Alors, le plus beau reflet de la lune disparut.
Willow se trouvait au bout de la solide branche du chêne, seule, sa main tendu vers le vide. Elle l'avait perdu. Pour toujours. La noirceur de la nuit avait repris le dessus. Willow avait froid. Pas un froid causé par la température, mais un froid causé par la solitude, par la perte. Elle n'arrivait pas à ressentir de la peine. Du moins, pas encore. Pour le moment, elle ne ressentait que le vide de son coeur. Elle ne bougea pas pendant des heures, repensant à l'être d'une beauté irréelle qu'elle avait vu. Qu'elle avait pensé avoir vu. Le soleil levé refusait de réchauffer son âme.
Le matin étant finalement arrivé, Willow descendit de la branche et se dirigea vers le saule, ses affaires en mains. Elle n'avait pas oublié la présence de Luna et de ses amies, mais elle ne pouvait plus rester loin de lui. Arrivée, la main qui serrait le coeur de la jeune fille, le perçant profondément de ses ongles, refusa de partir. Le soulagement ne se fit pas ressentir dans tout son corps, comme elle l'avait espéré. Ses pas ne se firent pas plus légers. Elle atteint son abris, sans que la sécurité ne revienne à elle. Elle rengea ses affaires et se dirigea vers les tentes des trois amies. Elle ne fut pas encore arrivée qu'elle les vit, se dirigeant vers l'extérieur de la forêt. Elle s'apprêtait à partir mais son regard croisa celui de Luna. La peur s'empara d'elle, mais Luna ne lui addressa qu'un sourire discret et rassurant. Alors, les trois intruses disparurent derrière le feuillage des arbres. Willow était enfin seule à nouveau. Pourtant, elle ne se sentait pas mieux. L'image de la danseuse lunaire restait en elle. Elle ne voulait pas la quitter, elle s'accrochait, lui rappelant que jamais elle ne la verrait à nouveau si ce n'est dans ses pensées. Lui rappelant qu'elle n'était pas réelle et qu'elle ne le serait jamais. Retournée au saule, Willow explosa. Elle haissait le monde. Elle détestait ces sourires qui ne restaient jamais, elle détestait ces yeux faussés par la peinture qui les rendait plus beaux, plus doux alors qu'ils n'étaient que peine. Elle détestait ces mouvements robotiques de la vie. Elle détestait ces humains cruels et hypocrites, se convaincant de leur bonté après avoir méprisé la différence. Après l'avoir détruite. Le soleil la repugnait, lui rappelant que le beau temps n'était synonyme que de la souffrance de la nuit du 22 juillet. Les feuilles vierges de Willow étaient répandues dans la terre, noircies et déchirées de part ses mouvements de colère. Elle criait, pleurait. Elle détestait le monde que l'humain avait créé. Elle rêvait de nature et de liberté tandis que l'humain avait choisi le pétrole, les bureaux et l'argent. Elle revoyait tous ces gens revendiquant la cruauté des loups tandis qu'ils portaient leur masque d'être civilisé après avoir menti, trahi, torturé, tué. Avant, rien de tout cela n'existait. Avant l'humain, la nature pure régnait, les animaux étaient libres. Avant l'humain, la Terre était belle. Elle se détestait elle-même pour faire partie d'une espèce aussi affreuse. Elle visionait sa mère, ses vrais yeux rassurants, son sourire honnête et durant, son visage doux. Elle se rappelait sa bonté, sa tolérance et son courage. Elle se remémorait son respect et son humilité. Elle se souvenait sa différence dont elle avait hérité. Willow n'avait jamais perçu sa mère comme humaine. Elle la percevait comme divine, comme le reflet de la lune qui, dans la nuit, veillait sur chaque être. C'est pourquoi l'hallucination qu'elle avait eu le matin même lui avait paru si réel.
La culpabilité dans le coeur de Willow était comme visible. Elle n'avait rien fait cette nuit d'été. Elle aurait pu l'arrêter, mais elle n'avait rien fait. Elle avait taché les draps, les murs, les meubles de sa maison de sang à jamais. Elle avait surtout taché ses mains de cette substance rouge qui resterait éternellement. Le corps inerte de sa mère sous ses yeux serait à jamais gravé dans sa mémoire. L'arme à feu composée de métal froid et dur resterait là, aux côtés de ce corps qui l'avait portée durant neuf mois, aux côtés de ce coeur qui l'avait aimée. Les yeux bleus, rassurants, paisibles et apaisants maintiendraient désormais ce vide, cette absence de lumière. Cet être serait à présent sous terre, seul. Tout cela pourquoi ? Pour la vie qu'elle avait donnée. Pour un nouveau-né qui avait hérité de ses yeux et de sa différence. Pour une jeune enfant toujours seule. Elle avait abandonné la vie pour sa meurtrière. Pour Willow. Alors, le plus beau reflet de la lune avait disparu à jamais, laissant la nuit vide.
L'explosion de sa colère calmée la jeune fille sécha ses larmes. Elle chassa les pensées sombres de son esprit, sachant qu'elles reviendraient bientôt. Elle se trouvait détestable. Les humains étaient détestables. Cependant, elle avait réussi à s'échapper. C'était la seule bonne chose qu'elle avait faite. Elle n'avait pas suivi la société. Elle avait respecté le souhait de sa mère, qui était devenu le sien. Elle était restée unique.
Enfin, son esprit vidé, elle vit la catastrophe qu'elle avait causée. Les feuilles, les crayons, les livres étaient tous éparpillés autour d'elle. Les pages des ouvrages étaient endommagées, les feuilles blanches étaient inutilisables. Ces pauvres objets étaient detruits, tout comme elle. Elle n'avait pas réussi à se contrôler. Sa colère s'était montrée comme elle le faisait rarement, mais jamais aussi brutalement. Au moins, ses dessins étaient saufs. Alors, Willow se leva du coin de l'arbre où elle s'était recroquevillée afin de remettre en ordre le désastre. Si elle ne pouvait pas remettre en ordre celui de son coeur, au moins elle le pouvait pour ces objets inanimés.
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Air
Mystery / Thriller*cette histoire est en pause* Au loin, on pouvait apercevoir une jeune fille. Elle devait être adolescente. Elle avait grimpé sur un arbre et était maintenant allongée sur une branche, un livre à la main. Les pages étaient cornées et la couverture é...