Chapitre 20 : Confidences

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Il me regarda d'un air sidéré, et je perçus une note de colère dans son regard. Étrange que j'arrive à déchiffrer ses émotions si facilement. Il détourna son regard de moi, les sourcils froncés, comme à son habitude. Jon Snow était donc susceptible, c'était bon à savoir. Il se détourna, et je m'empressai de le retenir avant qu'il ne parte. J'étais peut-être allée trop loin, surtout en parlant de Melissandre, compte tenu de ce qu'elle avait fait à la pauvre Shireen. Mais me comparer à ce genre de monstre aurait du me mettre en colère plus qu'autre chose...

- Je ne suis pas une sorcière, Jon. J'ignore d'où me viennent mes dons, mais je suis née comme ça. Je ne vénère aucun Dieu, je ne sers que ceux que j'ai envie de servir. Si vous n'êtes pas un ennemi de la Reine, vous ne risquez rien avec moi.

Il me regardait toujours, les sourcils froncés. Était-ce sa marque de fabrique ? Elle ne lui allait pas. Puis il sa tourna de nouveau vers la mer. Il semblait en pleine réflexion. J'aurais tellement aimé trouver un moyen de lui prouver qu'il pouvait me faire confiance... Mais il fallait pourtant que j'essaie. Je n'étais son ennemie.

- Mes pouvoirs m'effraient plus qu'autre chose, vous savez. Je ne m'en sers qu'en cas de vrai besoin. Je ne ferai jamais de mal à une personne au nom d'un Dieu, et encore moins par plaisir.

Il se retourna vers moi, et hocha la tête, sans dire un mot. Il n'était toujours pas convaincu. Mais tôt ou tard, j'étais certaine que j'y parviendrais. Nous nous remirent à marcher, lentement, sans dire un mot. Mais cette fois-ci, le silence n'était pas pesant. Maintenant que j'étais dehors, je me sentais beaucoup mieux.

- Moi non plus, je ne vénère pas le Dieu de la Lumière. Mais je vénère les Anciens Dieux. Du moins, je l'ai fait pendant longtemps.

J'avais oublié à quel point la religion avait une place importante dans la vie de ces gens. A mon époque, la majorité des personnes que je connaissais étaient athées. Nous avions arrêté de croire en l'existence d'un Dieu après tout ce que notre monde avait subi. La famine, la pauvreté, le durcissement des conditions climatiques...

- Ce n'est plus le cas, aujourd'hui ?

Il réfléchit à nouveau avant de répondre :

- Je n'ai plus prié depuis longtemps.

Je ne savais pas comment interpréter cette phrase, alors je ne répondis pas. Mais je fus surprise qu'il se confie à moi de cette façon. J'imagine que ce ne sont pas les genres d'aveux qu'il aurait pu faire à ses conseillers. Peut-être voyait-il en moi une amie. Ou du moins, une alliée. Ce qui n'était déjà pas si mal. Je croisai alors son regard. Son expression était indéchiffrable, et à cet instant, j'aurais tout donner pour savoir ce qu'il avait dans la tête. Cet homme pouvait être un livre ouvert par moments, et un homme mystérieux juste après. C'était étrange. Et je n'aurais pas du m'inquiéter de tout cela de cette façon. Il était exclu que je m'attache à cet homme. J'étais ici pour le convaincre de mourir pour sauver le monde, et le mien. Et plus je passais de temps avec lui, plus je me rendais compte que le moment venu, j'en serais incapable. Il ne méritait pas ça. Je finis par détourner la tête avant lui. 

Nous continuâmes à marcher, mais un coup de vent finit par éteindre notre lanterne. Nous nous retrouvâmes dans le noir complet. Je m'approchai alors de Jon, saisit sa lanterne, puis la rallumai en y invoquant une flamme.

- Comment cela fonctionne ?

Voyant mon regard interrogatif, il poursuivit :

- Vos... Dons. Vous viennent-il naturellement quand vous en avez besoin ? Ou bien est-ce difficile ?

- Eh bien... Au départ... Je devais me concentrer pour canaliser mon énergie. Je risquais à chaque instant de... Faire exploser quelque chose. C'est plus facile, maintenant. Et ça me prend moins d'énergie. Plus je les utilise, plus j'ai l'impression qu'ils se renforcent. 

Je ne mentais pas vraiment. Maîtriser ces dons avait été une des étapes les plus difficiles de mon entraînement. Mais une fois que j'avais réussi à les maîtriser parfaitement, je n'avais plus envie de quitter la simulation. Envoyer des flammes, réduire en bouillie des murs entiers... Le retour à la réalité sera difficile, quand il me faudra y renoncer. J'y étais habituée, à être si forte.

- Cela doit être incroyable. Sur un champ de bataille, de savoir que vous êtes invincible. Je vous ai vue vous battre. Aucune armée ne pourrait vous survivre...

Je lui sourit, flattée.

- Je ne pense pas être aussi puissante que cela. Et je ne suis pas immortelle. Je peux mourir de la même façon que n'importe qui.

- Inutile d'être aussi modeste...

Cette fois, il sourit franchement, et je ne pus m'empêcher de l'imiter. Il y avait bien longtemps que je ne m'étais pas sentie si... Légère. L'espace d'un instant, j'en avais presque oublié la raison de ma présence ici.

- Avez-vous trouvé un forgeron, finalement ?

- Non, pas encore. Mais Ser Davos pense en connaître un. Mais d'après lui il se trouve certainement à Port-Réal. Il est un peu risqué de s'y montrer, en ce moment...

- La Reine ne peut plus rien vous refuser, désormais, répliquai-je. Mais il est clair qu'il n'est pas prudent de vous y voir en ce moment. Je suppose que Cersei vous a demandé de lui jurer allégeance ?

- En effet.

- Et vous avez préféré répondre à l'invitation de Daenerys, une personne étrangère ?

Décidément, cet homme était impossible à cerner. Avait-il accepté parce qu'il avait conscience que des dragons sur un champ de bataille faisait toute la différence ? 

- Ma sœur a tenté de m'en dissuader.

- J'aurais fait la même chose, à sa place.

Je me sentais tellement à l'aise avec lui désormais que je ne prenais même plus la peine de prendre des pincettes. Je savais aussi que je n'avais pas à craindre ses réactions, il ne semblait pas du genre à se mettre en colère facilement.

- Vous devriez demander de l'aide à Tyrion. Il a toujours vécu là-bas, il pourra vous aider à passer inaperçu. Même si je vous conseille de ne pas y aller personnellement.

- Vous cherchez donc à me protéger, vous aussi ? demanda-t-il avec un léger sourire

- Comme si vous en aviez besoin...

Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant