Chapitre 33 : L'attente

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Pourquoi le combat ne s'arrêtait-il pas ? Ils avaient déjà perdu. Tout perdu. Jon continua de balancer des coups d'épée de tous côtés, mais le cœur n'y était plus. Il n'avait plus aucun espoir de s'en sortir. Il avait l'impression de se sentir vide. Son état était encore au-delà de la fatigue extrême. Il était juste... Vidé. Et il semblait que ça lui était nécessaire, que ça lui éviterait, tout simplement, que la douleur ne prenne toute la place. Il ne cessait de revoir son visage pâle s'éteindre. Pendant un instant, ses cheveux avaient pris une teinte rousse, son visage s'était allongé, et il s'était retrouvé des années plus tôt, à Château Noir. Il revoyait la femme qu'il aimait mourir. 

Il ne savait pas si il aimait vraiment Heather, il n'avait pas eu assez de temps pour comprendre ce qu'il ressentait vraiment pour elle. Mais lorsqu'elle avait disparu, il avait ressentit la même douleur. Béric était enfin parvenu à briser un gros morceau de glace, et les hommes s'empressèrent de se réunir au pied de la montagne. Le Limier cassa à son tour d'autres morceaux, si bien que le passage entre eux et les Morts était infranchissable. Les Morts ne pouvaient la contourner sans passer par l'eau. Ils étaient sauvés, mais pour combien de temps ? Les Morts restaient tous alignés, sans bouger, à fixer les survivants, dans un silence pesant. Dès que la glace se reformerait, ils seraient fichus. Épuisé et à bout de force, Jon s'assit à même la glace, les mains sur le visage. La scène se déroulaient encore et encore devant ses yeux. Il revoyait son expression quand il était enfin revenu à remonter à la surface, les poumons en feu. L'expression de véritable joie de le voir en vie de le quitterait jamais. Et c'était la dernière image qu'il souhaitait conserver d'elle. Parce qu'il revoyait sans cesse la vie qui la quittait. Il revoyait sans cesse le moment où elle s'était volatilisée. Un instant plus tôt, elle était dans ses bras. Celui d'après, à la place de son corps, Jon n'étreignait plus que le vide. Comment était-ce possible ?

Le Soleil commençait à se coucher, et le froid se faisait encore plus mordant. Il avait encore les vêtement trempés, qui commençaient à geler et à durcir avec le froid. Et ce n'était sans doute rien comparé au froid qu'il ferait lorsque la nuit tomberait. Tout ce qu'il voulait désormais, c'était s'allonger et ne plus jamais se réveiller. Il ferma les yeux, tentant d'échapper au froid et à la douleur qui le consumait, quand une main s'abattit sur son épaule. Jorah le secoua :

- Relevez-vous. Vous devez rester en mouvement, ou vous aller geler sur place.

Jon fut surpris que ce dernier essaie de l'encourager à tenir bon. Il était convaincu depuis leur rencontre qu'il le détestait. Il l'aida à se relever, mais Jon se rendit compte qu'il ne tenait plus sur ses jambes. Il ne se souvenait pas avoir déjà eu aussi froid. Il tourna la tête, et remarqua que ses compagnons n'étaient guère dans un meilleur état que lui.

- Elle ne viendra pas, murmura-t-il, la voix cassée.

- Bien sur qu'elle va venir, répliqua Jorah. Faites-moi confiance.

Sa confiance aveuglante envers la Reine des Dragons était stupide. Après tout, pourquoi risquerait-elle la mort d'un de ses dragons pour sauver quelques pauvres hommes intrépides et stupides ? Son corps s'engourdissait de plus en plus, et il savait qu'il sombrerait dans peu de temps... Alors qu'il commençait à flancher, Jorah, maintenant aidé de Béric, le maintint.

- Tenez bon, lui dit ce dernier.

Les derniers rayons du Soleil commençaient à disparaître. Dès que la nuit serait tombée, le froid redoublerait. Combien de temps c'était écoulé depuis sa disparition ? Quelques minutes ?Quelques heures ? Il n'en pouvait plus. Il voulait que tout s'arrête. Alors que tout espoir semblait l'avoir quitté pour de bon, un cri strident retentit dans le lointain. Jon se demanda si il était réel ou si il l'avait imaginé. Puis ce cri se reproduit quelques secondes après, plus près cette fois. Il vit Jorah lever les yeux vers le ciel, le regard plein d'espoir.

Quelques minutes plus tard, une ombre gigantesque apparut, et un immense brasier s'ouvrit alors sur le sol. Le fracas de la glace se brisant et les os des Morts entrain de se disloquer sous la chaleur prouvèrent à Jon qu'il ne s'agissait pas de son imagination. Les Morts furent réduits en poussière en quelques secondes. Elle était là. Ils étaient sauvés. Dans un dernier regain d'énergie, Jon brandit son épée, prêt à se battre à nouveau. Mais son corps semblait ne plus vouloir lui répondre. Dans le ciel, le rugissement retentissait toujours, tandis que des colonnes de flammes se déversaient sur la glace. La confrontation entre le feu et la glace était impressionnante. Alors que les morts qui les entourait quelques minutes plutôt étaient décimés, Daenerys, monté sur le dragon noir, dont Jon ne se souvenait plus du nom, ordonna à celui-ci de se poser, à quelques mètres de lui. Le Limier fut le premier à monter sur le dragon, aidé de Béric. Jorah, non loin de là, s'approcha pour soutenir Jon et ensemble, ils se dirigèrent vers la créature. Arrivés à sa hauteur, Jon se rendit compte que les Morts avaient commencé à reprendre du terrain. Il s'écarta de Jorah, l'épée brandie, et commença à en abattre plusieurs, tandis que ses dernières forces l'abandonnaient.

- Grimpez, vite ! s'écria Daenerys, la main tendue vers lui.

Jorah agrippa alors Jon par le col, en lui criant :

- Ce n'est pas le moment de jouer les héros, venez !

Résigné, Jon obéit et s'approcha du dragon. Daenerys lui tendit de nouveau sa main, et aidé également de Jorah, il grimpa sur le dos de la bête. Cette dernière s'envola avec un cri perçant, et tandis que les étoiles commençaient à apparaître, Jon sombra.

Entre deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant