Chapitre 1

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Lorsque l'on observe l'océan, il apparaît comme une merveilleuse infinité bleutée, toutefois, ce qui se trouve en dessous peut paraître bien plus étrange. Sur la surface se trouve une myriade de terres qui ne sont que les feuilles d'un arbre qui étend ses racines jusqu'aux profondeurs de l'existence même, qui face à ses peurs les plus grandes, préfèrent s'échapper vers le ciel.

Une de ces terres se nomme l'archipel Sahosa où vivait la famille Eo,constituée de Séa et de son fils ; Ki. Ils vivaient à l'écart de toute civilisation dans leur maison sur pilotis en se nourrissant de la pêche et d'algues.
Une existence simple comme beaucoup d'autres sur le Grand Océan.

C'était l'année du Vieillard, la famille Eo avait été invitée au grand village pour célébrer l'âge de son doyen, qui permettrait la prospérité à la tribu tant qu'il vivrait.
Cependant, la grande île était loin et la vieille pirogue que Ki utilisait pour pêcher mettrait au moins une journée pour y arriver, sans considérer l'éventualité d'un jour venteux rendant le voyage presque périlleux.

Séa cuisinait un assortiment d'algues pour le festin du village.
C'était la coutume. Chaque famille présente pour la fête devait ramener un plat traditionnel connu uniquement de la famille, et Séa connaissait une recette exquise d'un mélange d'algues que sa mère lui avait enseigné, et avait eu l'idée de rajouter du poisson, mais pas n'importe lequel, un poisson rare appelé Hoïu que seul son fils savait aujourd'hui où pêcher.
"Hoïu" signifiait"contre le venin" car sa peau d'écailles appliquée sur une blessure envenimée absorbait le venin de n'importe quel animal connu.
La recette de Séa avait besoin de ces poissons, elle demanda alors à son fils d'aller en pêcher quelques-uns.

"Ki."appela Séa. Mais le garçon ne répondait pas, elle attendit un instant avant de répéter ;

"Ki!"

Un enfant apparut dans l'encadrement de la porte de sa chambre. Il était assez maigre et portait un pagne de tissu d'un brun unifié qu'il mettait chaque jour.
Il avait la peau mate dû à sa vie de pêcheur constamment sous les rayons des soleils jumeaux. Il avait des cheveux bruns mi-longs. Il souriait de toutes ses dents jaunes àsa mère et lui répondit ; "J'étais debout mais je ne t'avais pas entendu."

Séa ne releva pas et lui demanda d'aller pêcher des poissons Hoïu pour son plat.

Mais avant tout, elle ouvrit grand ses bras et son fils se jeta dedans, embrassant sa mère.

Ki était très heureux de sa vie avec sa mère, il passait les plus grandes parties de sa journée a pêcher des poissons pour les relâcher, à part lorsqu'il avait faim ou que sa mère en demandait.Le midi et le soir, il rentrait pour manger les bons plats que Séa lui préparait avec les algues qu'elle récoltait tôt dans la matinée.
Ils dormaient tous les deux sur un fin tapis de feuilles des grands arbres des plages, qui constituaient également le toit de la maison. Avant de se coucher, Séa lui racontait la même histoire qu'à chaque nuit, l'histoire de l'Homme qui frappait. Cette histoire le fascinait autant qu'elle l'effrayait.

Elle se produit si loin dans le passé que rares sont les personnes qui s'en rappellent aujourd'hui.
C'est l'histoire d'un homme qui un jour, se sentant aussi puissant qu'un géant, décida de sortir de chez lui et d'essayer de tester son impression de force. Alors ils'attaqua aux arbres, il les trancha d'une seule main un par un jusqu'à tomber sur un rocher.

Enivré par sa puissance, il envoya un coup de poing qui ébranla le rocher et le détruit. Orgueilleux, il se demanda s'il pouvait fendre l'océan comme il l'avait fait avec le rocher. Il s'approcha alors de la plage et envoya son poing de toutes ses forces dans l'eau.Logiquement, il était impossible qu'il se produise quoi que ce soit.
Et pourtant, la mer se fendit en deux, créant un chemin qui s'étendait aussi loin que l'horizon. L'homme, qui pensa être devenu un dieu, défia ces derniers de venir l'affronter en combat.
Ce fut une grave erreur. C'étaient ces dieux qui avaient donné cette force titanesque à l'homme par curiosité pour voir ce qu'il en ferait. Pour le punir, lui et tous ces semblables, il l'enferma dans une caverne si profonde dans notre monde qu'aucun de nos cinq sens n'auraient d'effet. Ils lui donnèrent l'immortalité, lui laissèrent sa force, et lui dirent qu'il pourrait retourner à la surface en utilisant cette dernière. Cependant à chaque coup qu'il donnerait,ses bras s'alourdiraient et ils mettrait ainsi deux fois plus temps entre chaque coup qu'il donnerait à la paroi. Ils omirent de lui dire que la paroi était indestructible même pour lui et que ses coups se répercuteraient de façon dévastatrice sur le monde de la surface.

N'écoutant que sa rage, l'Homme frappa de toutes ses forces avec acharnement la paroi, qui ne bronchait pas. Comme l'avaient prédit les dieux, la puissance de ses coups était tels que des tremblements de terre d'une puissance inouïe firent s'effondrer toute civilisation humaine et remodela la surface du monde. Ainsi, avec le temps, ses coups s'étaient espacés de très longues années mais sa rage n'avait en aucun cas baissé et chaque nouveau coup qu'il portera sera encore plus dévastateur que celui qui l'aura précédé.
On raconte que,peut être, un jour, il parviendra à porter un autre coup à la paroi de la caverne et que de nouveau, le monde tremblera.

Mais à chaque fois qu'elle terminait le récit, Séa rassurait Ki en lui rappelant que c'était uniquement une des légendes que les vieillards racontent aux enfants pour leur faire peur.

Ki,malgré tout, angoissait chaque matin. Il imaginait la fin de son monde lorsque l'Homme frapperait de nouveau. Il angoissait d'autant plus que ce jour était peut être arrivé.

Il restait dans son lit en imaginant le pire, jusqu'à ce que sa mère l'appelle.

Toute son angoisse disparaissait lorsqu'il entendait la voix rassurante de sa mère, elle seule avait le pouvoir de le sortir de son cauchemar éveillé.

Toutefois,il arriva un jour où il était tant angoissé qu'il n'arrivait pas à quitter son lit, même lorsque Séa le menaça d'une fessée. Dès qu'elle vint le chercher, elle comprit immédiatement ce qui se passait et alla s'asseoir à ses côtés.

"Je ne veux pas me lever maman. J'ai trop peur que l'homme frappe quand je suis dehors alors je pourrais pas revenir à la maison."

Le regard d'empathie de sa mère était la chose la plus rassurante qui soit.

"Tu peux rester au lit, tu n'as pas à sortir de la maison, tu n'es encore qu'un enfant."

"Mais je sais que je dois t'aider pour faire à manger maman. C'est juste que j'ai trop peur de sortir et de ne pas pouvoir revenir."

Séa se sentait un peu mal de lui avoir tant raconté l'histoire, elle ne pensait pas qu'il aurait si peur.

"J'avais aussi peur que toi avant, mais je me suis rendu compte que si je restais à la maison pour toujours, je n'allais pas perdre ma famille mais c'est eux qui allaient me perdre."

"Mais tu ne peux pas te perdre dans ta maison maman."

"Non,pas à tes yeux, mais si tu vis dans ta maison toute ta vie, elle devient ton monde et alors, tu seras à jamais perdu aux yeux des autres."

Ki ne comprit pas vraiment ce qu'elle essayait de dire et n'en pensa pas grand chose ce jour là.

"Tu vas grandir Ki, même si tu n'es qu'un enfant, tu vas devenir un homme, et alors ce sera à toi de prendre soin de moi."

"Mais je ne veux pas devenir un homme, je peux rester un enfant et te protéger maman."

Séa ria. Dans l'archipel, la tradition pour un garçon était de grandir lorsqu'il atteigne l'âge nécessaire au rituel de passage à celui de l'homme. Jusque là, la mère était censé protéger l'enfant jusqu'à ce que les rôles s'inversent.

"Bien sûr que tu peux, Ki. Maintenant, lève toi, fainéant."

...

Il resta aux côtés de sa mère un instant, la regardant préparer le repas. Il essaya plusieurs fois de piquer un bout de poisson cuit pour son déjeuner mais Séa lui ordonna de partir chercher les poissons Hoïu, le menaçant de sa main. Il échappa de justesse à la colère maternelle et s'enfuit par l'entrée de la maison.


Ki avait l'habitude d'aller pêcher le matin pour se vider l'esprit, il préférait encore plus cela lorsque c'était sa mère qui lui demandait, alors il n'hésita pas une seconde. Il attrapa sa canne à pêche, sa lanière qu'il enfila autour de son corps, ses hameçons de corail et sortit.

Mhuhar Le Grand Océan : Ki - Première partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant