Chapitre 8

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Il y avait une dizaine de pirogues, toutes attachées au ponton. Ki descendit de son bateau, laissant le poisson mort mais prenant sa canne à pêche et le bouclier de corail et les mirent sur son dos, les attachant à l'aide d'une lanière, et s'approcha, ignorant la douleur de son pied.
Il remarqua qu'il y avait un chemin de bois à la base du ponton qui remontait jusqu'à dans la forêt. Contrairement à toutes les autres îles, la végétation ici était bien plus dense, Ki pouvait déjà apercevoir des arbres fruitiers, nul doute que c'était bien la grande île, où toutes les familles s'étaient regroupées afin de bien mieux vivre.

Malgré tout, il s'attendait à voir bien plus de monde, après tout, la fête était censée battre son plein à la tombée de la nuit.
Il se mit à suivre le chemin jusqu'à s'enfoncer complètement dans la forêt. Il entendait des bruits d'animaux qu'il n'avait jamais pu écouter, des longs hululements, parfois très proches de lui, où des cris proches de ceux d'un humain, puis des murmures. 

La lumière perçait à peine le feuillage des arbres et Ki, à présent dans la pénombre, commençait à avoir peur. Une peur instinctive, primale, la peur qui rend faible, qui vous fait croire qu'une chose terrible est sur le point de vous arriver, alors que vous savez très bien qu'il n'en est rien. 

La peur de l'inconnu.

Il ressentait les sons étranges à présent bien plus proches de lui, sans savoir si c'était réel ou s'il l'imaginait, alors il marcha de plus en plus vite, jusqu'à courir. Son pied lui faisait mal, mais il avait tellement peur qu'il ignorait complètement la douleur, n'écoutant que les cris des animaux, jetant des regards furtifs dans les broussailles, où il jurerait voir des yeux luisants. 

A un moment, un son strident se distingua des autres, bien plus proche, quasiment derrière lui. Il entendit des pas de course sur le bois qui n'était pas les siens.
Il se retourna dans sa course et vit l'espace d'un instant une forme allongée à plusieurs membres le poursuivre, il vit quatre yeux écarlates le fixer et put presque entendre ce que l'animal pensait.

Ki était la proie.

Le garçon ne courait plus à présent, il fuyait pour sa vie. L'adrénaline et la peur le poussa à atteindre une vitesse incroyable et, comme le réveil à la fin d'un long cauchemar, il aperçut au loin une lumière jaune-orangée, celle d'un feu. 

Il avait enfin atteint le village.

Il sortit à pleine vitesse de l'orée de la forêt, prit de la distance avec cette dernière et se retourna, cherchant des yeux l'animal qui l'avait poursuivi, mais il ne put le trouver.
Ki ressentit un profond soulagement, il avait l'impression que son corps tout entier avait été mis en stase.
Ses pensées reprirent un cours normal, et son corps reprit vie, ainsi que sa blessure au pied. A cause de la course, elle s'était rouverte et saignait abondamment.
Mais heureusement, il était arrivé au village et allait pouvoir se faire soigner, et même peut être que sa mère l'attendrait.
D'ailleurs, il s'attendait à entendre les bruits de fête et les cris joyeux des habitants, mais il n'y avait rien.

Il regarda le village, il y avait de nombreuses maisons de bois encerclant un grand feu rougeoyant, et il put voir autour des plats et des poissons grillés sur des piques.
Il avança et puisqu'il n'y avait personne et qu'il avait vraiment très faim, il prit les poissons grillés et commença son dîner. Le plaisir de goûter à nouveau à de la vraie nourriture le remplit de bonheur, il goûta également au plats, se disant que les habitants ne lui en voudraient pas puisque c'était la fête.

Cependant, son pied lui faisait terriblement mal et le saignement ne s'arrêtait pas, alors il laissa la nourriture et alla chercher dans les maisons de quoi se soigner. Lorsqu'il entra dans l'une d'elle, il remarqua qu'elle était différente de la sienne, le sol n'était pas de bois, mais de terre, des grands tas de feuilles de palmiers étaient posés dans les coins, mais aucune bûche ni chambre comme dans sa maison. Un seul regard lui permit de voir que rien ne lui permettrait de se soigner ici. 

Soudain, Ki entendit des murmures venant de dehors, et pensa immédiatement aux animaux terrifiants de la forêt. Il attendit sans un bruit en écoutant, et se rapprocha de la porte de la maison, les murmures étaient en fait des voix, des voix claires d'hommes.
Ki fut soulagé et sortit, se rapprochant des voix qui se situaient derrière le brasier géant, et aperçut un homme, habillé étrangement. Un autre se tenait à côté, mais il était beaucoup, beaucoup plus grand, habillé entièrement de cuir, et qui ne ressemblait en réalité pas du tout à un homme. Il ne portait pas du cuir, sa peau était en réalité recouverte d'une couche de poils bruns épaisse.

Mais la dernière chose qu'il remarqua, c'était la forme dans la main du géant, il plissa des yeux et fut pris d'un soubresaut quand il reconnut la tête d'un homme, la langue pendante et les yeux fixant le vide, une tête qui avait été détaché de son corps.

Ki s'arrêta de marcher et recula, horrifié mais le géant le remarqua et le pointa du doigt, émettant un grognement, ce qui fit se retourner l'homme plus petit, qui paraissait bien plus humain.

Mais Ki n'attendit pas qu'il l'attrape, il ne voulait pas subir le même sort que l'autre.
Il prit ses jambes à son cou, et courut encore, mais il ne fit qu'une petite distance avant de recevoir une hache dans le dos, émettant un bruit sourd et le flanquant au sol.
Ki crut qu'il était mort, parce qu'il ne sentait pas de douleur. Mais c'était parce que son bouclier de corail l'avait protégé, lui sauvant la vie.
Soudain, il se sentit soulevé dans les airs, et il vit l'homme poilu le tenir par le bras, le maintenant alors qu'il se débattait.

« C'est qu'il est résistant, le bougre ! » s'exclama une voix derrière lui.

Ki pivota et vit l'homme, qui n'avait pas bougé, s'approcher de lui en parlant, un sourire aux lèvres ;

"Je croyais qu'on avait nettoyé le village, mais il faut croire qu'un s'était caché. Mais dis moi, pourquoi es-tu venu nous voir alors que tu as vu ce qu'on avait fait, je veux dire, même ta famille a du être prise dans le lot, alors pourquoi ?"

"Arrêtez, arrêtez, je n'en peux plus, j'ai trop mal." dit Ki d'une voix faible, presque éteinte.

Il pleurait à présent, il l'avait l'impression que le monde s'était ligué contre lui. Son ambition de devenir le plus grand pêcheur de l'archipel, son espoir de retrouver Séa, même le simple fait de vouloir survivre, il avait tout abandonné.

L'homme parut intrigué, dès qu'il arriva devant Ki, il le dévisagea et son visage se déforma, il perdit son sourire et jeta un regard désespéré au géant qui tenait l'enfant.

"C'est qu'un gosse ! T'aurais pu réfléchir avant de lui lancer ta hache, et on dirait qu'il est gravement blessé en plus, regarde moi ça, il pisse le sang ! Faut le soigner maintenant sinon il va clamser sous nos yeux !" s'exclama-il.

Ki arrêta de résister, il était beaucoup trop fatigué, et bientôt, il sombra lentement dans le sommeil. Il entendait la voix de l'homme s'éloigner ;

"Mais quelle plaie, sérieusement, ça tombe toujours sur moi, et toi pourquoi tu me regardes, allez, bouge toi ! On doit retourner au bateau !" dit-il exaspéré.

"Grmbl." répondit le géant.

"Va mourir."

Ki ferma les yeux.

Mhuhar Le Grand Océan : Ki - Première partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant