CHAPITRE II MEME LEGUME

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Quelque temps après la soirée bowling, Mémé Légume a commencé à avoir des occupations bizarres. Bien sûr, elle psalmodiait toute la journée avec le chauffage et elle mangeait désormais des plats froids, ça, on en avait pris l'habitude. Certains vont bien à la messe.

Elle continuait à aimer les jeux, les petits chevaux, le rami mais aussi les jeux d'extérieur. Elle adorait jouer à l'épervier et à la délivrance. Elle parvenait à jouer seule, changeant de rôle au fur à mesure de la partie.

Faut reconnaître que c'était un choc visuel les parties de jeux de Mémé Légume : elle courait dans un sens puis revenait à toute vitesse en sens inverse avant de repartir à toute berzingue. C'était un peu une partie de super ball en vitesse accélérée. Moi, j'adorais ! Les adultes environnants n'appréciaient pas, je le voyais bien, à leur façon de détourner les yeux quand mémé Légume marquait un point le jour de la finale. She was the player !

Un jour pourtant, elle a commencé à arroser tous les voisins avec le tuyau d'arrosage. Au début, on croyait qu'elle voulait jouer à cache-cache, Mémé Légume.

C'était son tendre rituel, comme un grain de beauté, placé sur le bout du nez. On vit avec et puis, parce que le temps est un incroyable accélérateur de perte de mémoire, on ne le voit plus. Pas un ictus, non ! Un doux effet du temps qui passe et qui permet à tous et à chacun de vivre avec ses poignées d'amour. Mémé Légume passait des heures dans le jardin.

Papa Carpe a commencé à avoir des soupçons car il préparait toujours des arrosoirs pour les légumes et les sapins. Et chaque jour, ses arrosoirs disparaissaient. Mémé Légume prenait les arrosoirs à l'affût avec Pompier, fils de feu Moustique, attendait que les voisins ouvrent leurs fenêtres pour aérer la maison et ploutch ! Versait le contenu des arrosoirs dans les maisons. Les voisins gueulaient gentiment, ils l'aimaient bien, je crois notre Mémé Légume :

« Arrête ça, va, Mémé, c'est pas jour de canicule ! »

« Garde l'eau pour le ricard ! »

Mémé Légume s'était rapidement rendu compte que c'était plus efficace avec le tuyau d'arrosage, mais un beau matin, Papa Carpe, excédé par les remarques des voisins et l'augmentation significative de la facture d'eau, lui a définitivement interdit tout accès et usage de l'eau. Mémé Légume a refait une allusion au tuyau d'arrosage et au strike que je n'ai pas compris. Papa a serré les dents et a marmonné à lui-même « va, va mon garçon, mon pauvre enfant, dors, dors tu seras vengé ». Je ne sais pas où Papa Carpe allait chercher ça.

La malédiction de la vendetta se réalisa et quelques jours plus tard, une belle berline blanche est venue nous rendre visite. Ils étaient trois, fort avenants. Ils voulaient emmener Mémé Légume avec eux faire une promenade. Moi, j'y serai bien allée car en plus ils avaient des bonbons de toutes les couleurs. Il y en avait un qui n'arrêtait pas de me caresser les cheveux et de me regarder en souriant. Vraiment très gentil ce monsieur !

Finalement, Papa Carpe a sorti un coup à boire, du muscadet sur lie. Ils ont même trinqué. Les verres insensibles aux chocs se sont entrechoqués. Faut croire que c'est joyeux d'emmener une Mémé Légume en promenade ! Des lettres se sont entremêlées pendant la discussion : le Het le O. Puis le H, le D et le T.

Ça doit être une joute oratoire, on se lance des lettres à la face. Et zou ! je te lance à la tête AZT, tu me réponds HIV, tu sors de ta poche le S, le D et le F, je te rétorque un R, un S et un A. Tu m'upercutes d'un H, d'un C puis d'un R.

J'ai hâte de grandir, je sens que ça va me plaire !

Les trois bonshommes ont donné des bonbons (Mémé Légume a eu plus de bonbons que nous, ça doit être proportionnel aux cheveux blancs) et ils ont emmené Mémé Légume faire une promenade.

Les fées n'existent pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant