Je cours de toutes mes forces. Ma vie est en jeu. Je me retourne, plus personne ne me suis. Je regarde ce paysage inconnu qui prend forme autour de moi: c'est un village abandonné depuis longtemps. Trop longtemps. J'entre dans une maison dont la porte est ouverte, j'enjambe un corps d'homme mort. Je l'observe rapidement et mon verdict est sans appel: affamé puis assassiné par la Sécurité. Méthode récurrente. Cela fait longtemps que je ne m'apitoie plus sur le sort des gens, en fait depuis la mort de mes parents et de mon grand frère, tués par la Sécurité lorsque j'avais vingt-huit saisons. (nda: vingt-huit saisons est l'équivalent de sept ans)
Mon grand père me racontait souvent qu'il y a longtemps, lorsque la Sécurité n'existait pas, que le monde était encore peuplé de 7,5 milliards de personnes et avant cette fameuse guerre nucléaire, on comptait le temps en années. Maintenant, l'unité officielle est les saisons et nous sommes obligés de l'utiliser. Mon grand père me disait que c'était parce que les personnes avaient une longévité plus élevée avant et que le risque de mourir à chaque nouvelle saison était moindre... Je ne le crois pas. Cette partie de l'histoire à été romancée pour me cacher la véritable histoire de notre humanité. L'humanité n'est plus la même qu'il y a 440 saisons (nda: 440 saisons est l'équivalent de 110 ans). Tous les ans il y avait un massacre de la population. Tous les ans à partir de la Guerre de la Fin, cette fameuse guerre qui a anéanti l'espèce humaine et qui fut provoquée, dirigée et subie par les humains, tout cela pour d'obscures raisons d'État. Enfin bon toujours est il que maintenant seuls les dirigeants sont encore vivants, et quelques personnes chanceuses... Quoique je dirais plutôt quelques personnes malchanceuses, car la vie maintenant est tout simplement invivable. Et ces personnes se disputent ce qu'il reste de la Terre, la maigre nourriture et la sécurité. C'est pourquoi ils continuèrent tous les ans à organiser des massacres qui, bien sûrs, passaient pour des actes involontaires. Malheureusement, ces massacres n'étaient pas assez destructeurs: il restait une trop grande partie de la population, qui ne cessait de se multiplier. On décida donc de continuer d'organiser ces massacres mais de plus en plus régulièrement, pour en arriver à quatre par an, soit un à chaque saison. Voilà pourquoi maintenant on compte le temps en saisons. Ces massacres sont appelés Éloignements, certainement dû au fait de la séparation de familles.
Les Éloignements sont des actes horribles, mais qui font maintenant partie de notre quotidien. Nous espérons chaque saison ne pas être un ou une de ces Éloignés, qui sont choisis parmi les Restants, la classe la plus basse de la société, d'où était certainement issue cet homme et sa famille, s'il en avait une, vivant dans cette vieille masure.
La cuisine est sur ma gauche, une bibliothèque sur ma droite. Instinctivement, je me dirige vers la bibliothèque et survole rapidement tous les livres. J'en prends un au hasard et c'est alors qu'un mystérieux morceau de papier plié en quatre tombe de l'ouvrage. Je fourre le livre dans mon sac et me penche pour ramasser la feuille. Elle est très fine et usée, semble même friable, comme une relique. Je l'ouvre minutieusement et commence à lire:
"Ceci est la cinquième et dernière lettre que je t'adresse, mon arrière-petit fils adoré. Je sais que le monde n'est pas parfait, mais je te mets en garde, je sens du changement. Un grand bouleversement approche, avec de nombreuses pertes, matérielles ou non. Le monde, déjà au temps où je t'écris, est très négligé et proche de l'autodestruction. Tu dois faire quelque chose, l'avenir de l'humanité et de la Terre est en jeu. Le peu de personnes survivantes à cette terrible guerre nucléaire risquent de disparaitre, peu importe leur rang ou leur classe sociale. Tu dois faire quelque chose, l'avenir de la Terre et de l'humanité est en jeu. Ton avenir est en jeu.
Je compte sur toi!
Ton arrière-grand-mère, Lina MARTIN. Le vingt-six octobre deux mille dix-sept"Ça alors... C'est totalement incroyable et irréel. Cette femme a écrit cette lettre il y a quatre cent soixante-quatre saisons (116 ans), tout en sachant que le monde allait vers une destruction apocalyptique. Son arrière-petit-fils devait être cet homme étalé sur le seuil de la porte. Il est mort. Mais comment cette Lina peut-elle s'adresser à son arrière-petit-fils alors qu'elle ne sait même pas si elle va avoir des petits-enfants. Et comment peut-elle déjà savoir que la Guerre de la Fin va avoir lieu alors qu'elle n'a commencée qu'en 2068? Pourquoi s'être adressée à cet homme? Pourquoi est-ce qu'elle parle de notre avenir? Qu'est-ce qui pourrait être plus grave que la Guerre de la Fin? Et pourquoi ne dit-elle pas ce qui va se passer? Et si cette femme était seulement une folle...
Mes pensées et des questions tournoient dans mon esprit à tel point que je suis prise de vertiges. Je vais m'asseoir sur le canapé et reprend le fil de mes pensées. L'arrière-petit-fils de cette Lina est actuellement immobile sur le seuil de la porte, cela m'étonnerait bien qu'il nous aide à sauver l'avenir de quoi que ce soit... De plus, si il avait une famille, tous ses membres ont dû être tués en même temps, car sans aucun doute la Sécurité les a affamés.
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Le mystère des lettres
Science FictionComment serait le monde après une guerre nucléaire qui aurait anéanti toute la population sauf quelques milliers de personnes ? Quel avenir pour ces personnes plus qu'exposées aux aléas de la vie politique ? Et si maintenant des lettres écrites cent...