Mercredi 3 Septembre
14h05.
De grosses gouttes de pluie tapaient contre la vitre, accompagnant le calme et la douce mélodie silencieuse de l’infirmerie. C’était une pièce typique, des murs blancs-gris aux rideaux d’un orange sombre avec deux lits l’un en face de l’autre qui eux semblaient d’un confort aussi maigre qu’un clou. La pièce était plongée dans la pénombre, seul un maigre filet de lumière –d’une lumière aussi faible que l’on pouvait en avoir les jours de mauvais temps- passait depuis la fenêtre. Avalon était assise sur un petit tabouret en bois, jouant avec ses mains. La sonnerie annonçant le deuxième cours de l’après-midi venait de retentir et elle était toujours là, à attendre que Victoire se réveille.
« Vous pouvez y aller Avalon, si vous ne voulez pas perdre des cours. »
La voix de l’infirmière fit sursauter la jeune métisse. Celle-ci lui sourit avant de lui répondre avec un petit sourire, laissant apparaître deux fossettes dans le creux de ses joues.
« Ca ira, je vais l’attendre, c’est mieux. »
L’infirmière, une vieille dame d’une cinquantaine d’année aux cheveux déjà grisonnant, lui sourit et finis par fermer la porte de la pièce pour retourner dans son bureau. Avalon se concentra sur le lit qu’occupait Victoire. Depuis son malaise, la brune n’avait pas rouvert les yeux. Avec l’aide de l’infirmière, la métisse l’avait installée dans le lit et attendait depuis maintenant presque deux heures. Victoire avait retrouvé une respiration plus calme et plus lente qu’à la cafétéria et semblait plus apaisée. Ses yeux vibraient de temps à autre, signe qu’elle n’était que dans un demi-sommeil. Avalon sourit, elle ne ressemblait plus à la fille qui semblait si indifférente quelques temps auparavant.
« Elle est vraiment jolie. On dirait une petite fille» pensa Avalon, perdu dans ses pensées.
« Ava… Avalon ? »
Victoire ouvrit difficilement les yeux, se redressant dans le lit par la même occasion. Son regard se posa directement sur la personne en face d’elle. Avalon lui sourit alors, montrant à nouveau ses deux adorables fossettes.
« Hey, tu te sens mieux ? »
« J’ai dormis combien de temps ? »
« Presque deux heures. L’infirmière a dit qu’il fallait que tu manges à ton réveil, assieds-toi correctement, je vais t’aider. »
La brune s’exécuta, retrouvant peu à peu ses esprits, remettant lentement les événements dans l’ordre. Tout lui revint par petits flashbacks, lui cognant dans la tête. Elle passa alors la main dans ses cheveux et sur son front, grimaçant légèrement.
« Oh, tu t’es cognée la tête mais l’infirmière a dit que ce n’était pas trop grave, qu’il fallait surtout que tu manges. Tu n’as pas mangé depuis quand, Victoire ? »
« Je ne sais pas, hier soir je crois. »
« Il faut que tu manges plus, ce n’est pas bon pour toi. »
Avalon s’assit aux côtés de la lycéenne, lui tendant une assiette de pâtes et une pomme. C’est tout ce que la cantine avait pu lui donner ; et Avalon savait pertinemment que la brune ne mangerait pas grand-chose. Victoire rassembla ses cheveux en une queue de cheval et soupira devant le plat, maintenant posé sur ses genoux. Lorsqu’elle prit une bouchée des pâtes, une violente envie de vomir remonta de son estomac mais cette fois-ci, elle se força à la dépasser et avala avec peine sa fourchette de pâtes.
« Tu as des crampes au ventre, hein ? C’est pour ça que tu n’arrives pas à manger, tu as tout le temps envie de vomir, même si tu as faim. »
La brune releva des yeux étonnés vers son interlocutrice. La métisse fixait un point mort dans la pièce, jouant toujours avec ses mains. Elle croisa le regard de Victoire, et souri face à sa réaction ; elle finit par se lever, époussetant sa jupe et se dirigea vers le couloir afin de prévenir l’infirmière du réveil de sa camarade.
« Fais attention à toi, Victoire. Tu ne sais pas où ça peut te mener. »
☼
Jeudi 4 Septembre
Ce matin-là, Victoire avala difficilement un maigre petit déjeuner mais réussi tout de même à le garder dans son ventre et son trajet en bus se passa mieux que la vieille. Malgré une réelle fatigue, la jeune lycéenne semblait avoir repris quelques couleurs. Lorsqu’elle arriva en cours d’anglais à huit heures, elle sourit à sa voisine de couloir.
Avalon n’avait pas beaucoup dormis. Il s’était passé des choses étranges en elle ce soir-là. Elle avait transpiré, s’était tournée et retournée dans son lit, gémissant dans un demi-sommeil bien trop agité. Elle s’était réveillée en sursaut, vers les quatre heures du matin, toute retournée dans son pyjama, les cheveux en batailles et le corps frémissant, n’ayant aucun souvenir de ce qui avait pu se passer. Elle n’avait pu se rendormir.
Mais elle ne laissa rien paraître, camoufla ses cernes et se rendit au lycée à vélo. De toute façon, elle n’avait pas le choix.
La journée lui fut longue, elle ne prêtait attention à rien, perdue dans ses pensées, à deux doigts de s’endormir sur sa table.
Avalon décida de se reposer durant l’heure qui la séparait de deux cours au lieu de rester avec les autres. Elle s’installa donc à une table au fond du foyer, pour être au calme. La métisse sursauta quand elle sentie quelqu’un lui toucher l’épaule : Victoire.
« Eh Avalon, ça va ? »
« Oui oui, j’ai juste mal dormis cette nuit, ça va » lui répondit-elle en souriant.
« Tu es sûre ? Tu peux m’en parler si tu veux. »
Avalon releva les yeux, les plantant alors dans les pupilles noisette de Victoire, qui elle lui souriait calmement. Elle s’était assise aux côtés de la métisse à la table, la regardant maintenant avec plus de sérieux. Avalon la regardait elle aussi, étonnée.
« Euh oui, si ça ne va pas je te le dirais, promis. »
« Je préfère ça. »
Elle sourit à nouveau, dévoilant une petite fossette sur sa joue droite puis joua doucement avec ses bracelets, visiblement mal à l’aise par le silence qui s’installait doucement.
« Et sinon… ? » tenta Victoire.
« Viens, il nous reste encore un peu de temps avant le cours, on sort ? »
Victoire n’eut même pas le temps d’acquiescer qu’Avalon lui prenait la main, l’entraînant avec elle au dehors du lycée.
A cet instant, elles se sentirent légères.