Chapitre 8

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Je retire mon bonnet et souffle de bonheur. Cela fait vraiment du bien de se poser. Nous sommes dans le garage avec Charlie et nous nous évertuons à enlever toutes les couches de vêtements qui nous englobent. Alors que je tire sur ma chaussure de ski particulièrement tenace, j’informe mon amie.

- La prochaine fois que je te parle de quelqu’un, évites de lui raconter l’histoire en personne, tu veux ?

Charlie qui se grattait son bout du nez parsemé de tâches de rousseur, fronce les sourcils.

- Tu veux dire que…

- … en plus de m’être ridiculisée devant Bonnetman, il se trouve que tu lui as déclaré involontairement que je le trouvais sexy et qu’il est en plus de ça notre moniteur de ski, oui.

Charlie prend un air étonné beaucoup trop caricatural en plaquant sa main devant sa bouche, les yeux écarquillés. C’en est presque comique.

- Oh bah ça ! Si j’avais su… se réprimande-t-elle avec une mine contrite.

- Oh oui c’est vraiment dommage… j’assure sur le même ton qu’elle, un brin ironique.

Nous remontons l’escalier qui mène au salon. Celui-ci est encore désert puisque les autres ne sont pas rentrés. Charlie prend directement la direction de la salle de bain. Nous sommes le 24 décembre et elle a bien l’intention de préparer son diner du réveillon en bonne et due forme. L’atmosphère est froide avec le feu et le sapin qui son éteints. Je pars raviver les flammes et brancher la guirlande. Après ça, j’attrape un biscuit et m’enroule d’une couverture moelleuse, accompagnée d’un bloc note. J’ai envie de dessiner en attendant que Charlie finisse sa douche.

Ce qu’il y a de bien avec les tatouages, c’est qu’on essaye un maximum de réaliser le souhait des gens, tout en gardant notre style. Il y a une réelle interaction pour que le motif fini soit le plus proche possible de celui attendu. Malheureusement, cela m’empêche parfois de laisser parler ma propre créativité. Plein d’images germent dans mon esprit : mélange de formes et de couleurs, mais je n’ai pas forcément le temps de les coucher sur papier. Depuis toute petite, lorsqu’un support blanc s’offre à moi, je ne peux m’empêcher d’y laisser une trace, signe que je suis passée par là. Munie de mon crayon à papier, les premiers tracés commencent à noircir le papier.

A partir du moment où je suis arrivée à la montagne, des paysages se sont imposés à mon imagination. J’ai envie de quelque chose de sauvage. De naturelle. Inconsciemment, mon dessin laisse apparaitre le museau d’un loup au regard perçant. Avec précision, j’étire ses babines, je modèle ses traits comme je le sens. Quelques miettes de gâteau tombent sur le papier granuleux et je les époussette du bout de la main. J’entends des pas et des éclats de voix. Elizabeth, Thomas et Matthieu sont rentrés. Je referme mon calepin et relève la tête. Un instant plus tard, Matthieu émerge du garage. Il a  les joues rougies par le froid et un grand sourire aux lèvres. Elizabeth et Thomas le succèdent. Ce dernier est couvert de neige. Visiblement, je ne suis pas la seule à être tombée. Monsieur a voulu faire des cascades. Lorsqu’ils me remarquent, les garçons ne peuvent s’empêcher de ricaner.

-  Tu t’es battue avec un grizzli pendant notre absence ou quoi ? se moque Thomas en posant sa paire de gant sur le comptoir.

Je lève les yeux au ciel et me dirige vers le miroir accroché au mur afin de vérifier ses dires. Effectivement, je fais peur à voir. Mes cheveux sont plus qu’emmêlés, ma paumette droite est légèrement enflée. De plus mes lèvres sont encore légèrement bleutées et mon nez rouge à cause du froid. Je me retourne et déclare :

- Peut-être, mais j’ai gagné le combat.

Il souffle et part s’asseoir. Les escaliers grincent et Charlie se retrouve à descendre les marches, la démarche sautillante.  Elle a revêtu un legging noir et un pull ample, le temps de préparer le repas.

Souffle givréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant