LE PREMIER SEIGNEUR, partie 5

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- Où sommes-nous ?

Dryadal venait de se réveiller en sursaut. Il se trouvait au milieu d'une plaine, il n'avait jamais vu cet endroit. Alrik était à côté de lui.

- Enfin ! Je n'osais pas te réveiller, lui dit-il.

- C'est la deuxième fois que je me réveille dans un lieu étrange aujourd'hui. Que s'est-il passé ?

- Je ne sais pas trop. Les Aînés nous poussent dans le brouillard, on s'évanouit et on se réveille ici. Cet endroit ne me dis rien. Il n'y pas de plaines là où on habite.

- C'est qu'on est au-delà du brouillard. Regarde, "il" est derrière nous.

- J'attendais justement que tu te réveilles. Peut-être qu'en le traversant, on pourra revenir à notre tribu.

- Cela parait trop facile. Mais on ne peut pas ne pas essayer.

Les deux amis pénétrèrent donc le brouillard. Celui-ci était si dense que s'ils s'éloignaient de plus d'un mètre l'un de l'autre, ils ne pouvaient plus se voir. Ils firent tout leur possible pour rester éveillé, mais la brume les endormait peu à peu. Ils s'évanouirent et se réveillèrent, quelques heures plus tard, dans la même plaine.

- Il n'y a a rien à faire, dit Dryadal. Ce brouillard est magique. Quoi que l'on fasse, on s'évanouira et se retrouvera là.

- On ne pourra donc jamais revenir dans la tribu d'Orginem. Qu'allons-nous devenir ?

- En tout cas, on ne va pas se laisser abattre. Essayons de survivre. Je suis un chasseur. Je pourrais, je ne sais pas, fabriquer une lance avec une branche et chasser du gibier dans la forêt là-bas, pour que l'on puisse se nourrir. Et, même s'il n'y a rien à chasser, tu pourrais utiliser tes compétences de fermier pour cultiver des plantes comestibles.

- Tu as raison. Nous allons camper dans ce bois cette nuit. Demain, et quand nous aurons le ventre rempli, on explorera le terrain.

C'est ainsi que débuta l'opération survie de Dryadal et d'Alrik. Dans un premier temps, ils construisirent un campement aux abords de la forêt. Avec le bois et les feuilles dont ils disposaient en quantité illimitée, ils érigèrent d'abord une sorte de cabane minimaliste, au sol. Elle n'était pas bien grande, mais elle pouvait suffisamment les protéger si un prédateur venait à les menacer, ou bien si une tempête arrivait. Ils devaient ensuite s'occuper de la nourriture. Comme il l'avait prévu, Dryadal fabriqua une lance et partit chasser dans les bois. Tout se passa très bien ; aucun sanglier n'était là pour le déranger. Il revint trois heures plus tard à la tombée de la nuit avec plusieurs lapins et musaraignes, de quoi les nourrir pendant quelques jours s'ils économisaient les réserves. Alrik, lui, avait réussi à trouver de nombreuses baies et un peu de noix. Il fallait maintenant faire cuire la viande.

- Alrik, allume un feu, lui demanda Dryadal.

- Mais ... Je ne sais pas faire ça, moi. Il n'y a que les cuisiniers qui ont la formation requise pour allumer un feu.

- Et alors ? Les fermiers collaborent avec les cuisiniers, non ? Tu les as déjà vu allumer un feu, c'est pour ça que je te le demande.

- Je les ai vu faire, oui, mais je ne sais pas comment ils le font. Si on était dans le village, on pourrait le leur demander ... Mais il aurait fallu que l'on ne suive pas les Aînés dans la forêt ... Et si on ne les avait pas suivi, on n'aurait aucune raison de se demander comment faire du feu ... On mangerait de la viande cuite, servie dans un plateau, et on laisserait les cuisiniers à leur besogne ... Hélas ...

- Ce n'est pas le moment de ressasser les choses passées, le coupa Dryadal. Ce qui est fait est fait, on mangera de la viande crue et puis c'est tout.

Ainsi les deux amis se contentèrent de cuisses de lapins crues, accompagnées d'une salade de noix et de baies qui leur paraissait bien fade par rapport à ce dont ils avaient l'habitude. Ils n'osaient pas imaginer qu'ils ne mangeraient plus que cela maintenant.

Le lendemain, ils partirent comme ils l'avaient prévu explorer le terrain. Ils décidèrent de marcher tout droit, ainsi il serait plus aisé de revenir jusqu'à la cabane. Dryadal avait pris sa lance au cas où du gibier croiserait leur route, et Alrik avait emporté un panier qu'il avait lui-même fabriqué pour cueillir des fruits sur le chemin.

- Dis, Alrik, tu te rends compte qu'on est les premiers à voir cela ?

- Oui. Les premiers à fouler cette terre. C'est nous qui l'avons découverte, c'est un peu comme si elle nous appartenait.

- Tu as raison. Nous sommes les premiers seigneurs du royaume de la forêt ! s'exclama-t-il en riant.

Une heure environ après avoir débuté leur marche, ils remarquèrent un bruit qui troublait le paisible silence du bois. De l'eau. Une rivière coulait, quelques mètres devant. Les amis coururent à toute vitesse vers ce cours d'eau providentiel. Il faut dire qu'ils n'avaient pas bu depuis la veille au soir, ils étaient assoiffés. Dès qu'ils furent arrivés, ils plongèrent la tête dans l'eau et s'en délectèrent. Une fois rassasiés et rafraîchis, ils réfléchirent à tout ce que la Rivière pouvait leur apporter. De l'eau et de la nourriture à volonté, grâce aux poissons qui s'y trouvaient. De quoi se laver, de quoi nettoyer leur nourriture. Assurément, ce serait une idée plus que judicieuse de s'installer à côté.

- Demain, dit Alrik, nous déménagerons le campement ici.

Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil et un petit-déjeuner composé de fruits et de noix cueillis la veille, les deux amis partirent vers la rivière en emportant leurs vivres, leur eau, ainsi que la lance. Ils ne prirent rien d'autre, sachant qu'ils pourraient reconstruire la cabane sur place. Ils faisaient de nombreuses pauses en chemin, soit pour récolter des baies, soit pour attraper du gibier, soit pour se reposer tout simplement car leurs "bagages" n'étaient pas si légers que ça. C'est pourquoi ils n'arrivèrent à destination que deux heures plus tard, mais l'effort en valait la peine.

En arrivant, après avoir déposé leur bagages, ils regardèrent l'autre rive, et là, stupeur. Un elfe se trouvait de l'autre côté. Dryadal et Alrik n'en croyaient pas leurs yeux. Ça ne pouvait être qu'une hallucination. Pourtant, l'elfe les avait vu aussi, il leur faisait signe de venir. Les deux amis traversèrent la rivière et arrivèrent sur l'autre rive. Là se tenait l'elfe, qui était bien réel. Il engagea la conversation.

- Qui êtes-vous ? Je ne vous ai jamais vu.

- Nous venons de la tribu d'Orginem, répondit Dryadal, qui se trouve au-delà du brouillard. Hélas, nous avons été bannis et nous ne pouvons plus y retourner. Maintenant, on vit dans cette forêt, en chassant, en cueillant, en pêchant ...

- Et vous, d'où venez-vous ? demanda Alrik.

- Je viens du clan de Novaspes, à l'autre bout de la forêt. Je m'appelle Sirmar et je suis un chasseur. Je vient souvent chasser près de la rivière. Depuis combien de temps vivez-vous là ?

- Depuis deux jours.

- Voilà pourquoi je ne vous avait pas encore vu. Je ne savais pas qu'il existait d'autres elfes ... Personne le le sait, d'ailleurs. Voulez-vous venir au clan avec moi ? Sinon, personne ne me croira. Et puis, cela sera plus confortable pour vous ...

- N'en dites pas plus, répondit Alrik. Je vais vous suivre. Qu'en penses-tu, Dryadal ?

- Que j'ai hâte de découvrir ce village !



Recueil des Chroniques des Elfes [INACHEVE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant