LE PREMIER SEIGNEUR, partie 7

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Ils avaient un mois. Il ne fallait certainement pas perdre de temps. Dans un premier temps, le comité convia tous les habitants du clan de Novaspes sur la place centrale. Thosdwyr prit la parole et leur exposa la situation. Il conclut son discours ainsi :

- Qui est volontaire pour apprivoiser les vultures ?

Une poignée d'elfes levèrent la main.

- Parfait. Maintenant, il nous faut des volontaires pour jouer le rôle de soldats, afin de combattre sur place les Aînés qui disposent de pouvoirs magiques élevés.

Cette fois, les habitants se montrèrent plus hésitants. Avaient-ils peur ? N'étaient-ils pas courageux ? Un elfe s'exprima pour justifier ce manque d'enthousiasme.

- Nous ne savons tout simplement pas nous battre. Nous n'avons jamais eu l'occasion de le faire.

- Cela n'a aucune importance, rétorqua Ladria, membre du comité. Vous allez apprendre. Motivation, tel est le maître mot. Si vous souhaitez réellement aider nos amis ici-présents, alors vous apprendrez à vous battre. Rien n'est impossible si l'on y croit. C'est une noble cause que de rétablir la justice. Il me semble aussi que les chasseurs disposent de certaines compétences, qu'ils enseigneront aux non-chasseurs. Il nous faut autant de guerriers que possible.

Le monologue de Ladria semblait avoir convaincu les citoyens. En effet, un elfe leva la main, suivi d'un autre, puis de plusieurs autres. Bientôt, ce fut une majorité qui se proposa.

- J'aime mieux ça, finit par ajouter Thosdwyr. Que les ... dresseurs volontaires se rendent à l'est du village, où les attendent les vultures, futures montures. Que les soldats se rendent au nord de la forêt, dans la grande plaine, qui me semble être le lieu le plus approprié pour s'entraîner. Et que tous les autres elfes s'occupent des tâches laissées vacantes par ceux qui sont partis au "service militaire".

Cette nouvelle organisation se mit en place. Mais un problème apparut vite. En effet, tant d'elfes étaient partis s'entraîner qu'il n'y avait plus grand-monde pour se charger des autres tâches tels que les travaux aux champs ou la cuisine, qui étaient pourtant indispensables au bon fonctionnement du clan. Il fallait impérativement faire quelque chose ! C'est Kaellor qui trouva la solution : les "moins bons" soldats seraient virés du service militaire et pourraient s'occuper de ces postes. Au fil des jours, plusieurs elfes furent ainsi affectés à ces tâches. Il y avait moins de guerriers, mais ceux-ci pouvaient mieux se nourrir et donc être en meilleure forme physique pour s'entraîner. Après une semaine, chaque elfe se vit obligé de conserver son poste actuel jusqu'à la fin du mois.

***

Dryadal, en ses qualités de chasseur, se proposa bien sûr comme soldat. Si son talent était déjà reconnu, dans la tribu d'Orginem comme au sein du clan de Novaspes, ses performances en tant que guerrier en étonnèrent plus d'un. Il savait manier la lance à la perfection, ses démonstrations étaient toujours félicitées. Il allait de soi qu'il continuerait son service militaire ; c'est ce qui arriva. Certains le considéraient comme le meilleur d'entre tous. Malgré tout, il était en rivalité avec Sirmar -celui-là même qui l'avait rencontré dans la forêt, il y a dix mois de cela. Sirmar, qui était un chasseur lui aussi, était également très doué. Dryadal avait trouvé en lui un nouveau Lorvaar, un nouveau camarade de travail à qui il pouvait lancer des défis. De leur amitié nouvelle naquit ainsi un esprit de compétition, qui se retrouvait lors de l'entraînement. Dryadal et Sirmar faisaient donc tout leur possible pour surpasser l'autre, mais se retrouvaient souvent ex æquo. Lorsqu'il y avait des équipes à former, ils n'étaient jamais dans la même. Lors des duels d'entraînement, ils étaient toujours l'un contre l'autre. Les paris allaient bon train.

- Je te paris mon dessert que c'est Dryadal qui va gagner.

- Sirmar m'a l'air en forme aujourd'hui. Pari tenu !

Parfois c'était l'un qui gagnait, parfois c'était l'autre. Il arrivait même que le combat dure si longtemps qu'ils étaient obligés de s'arrêter. Mais on ne pouvait pas dire que l'un d'entre eux fût meilleur que le deuxième. Quoiqu'il en soit, ils seraient forcément les meilleurs atouts de l'armée improvisée de Novaspes lors de la bataille prévue contre les Aînés. Malgré tout, pour conserver leur force physique, ils devaient s'entraîner autant, voire plus que les autres apprentis soldats. Se lever avant Magna, commencer à s'exercer dès l'aube et ce jusqu'au crépuscule, d'une façon acharnée et déterminée ... Ce genre d'obstination qui vous mène à la victoire.

***

Alrik, pour sa part, ne se sentait pas d'intégrer le service militaire. Et, même s'il l'avait fait, il se serait sûrement fait viré. Il ne disposait ni du mental ni du physique d'un guerrier. De toute sa vie, il n'avait exercer que deux métiers : fermier et cuisinier. Et c'est parce qu'il ne pouvait pas combattre pour libérer sa tribu maternelle qu'il s'était proposé pour dresser les vultures.

Il se retrouva ainsi à l'est du village, en compagnie de ces aigles gigantesques qui faisaient la taille de deux elfes et qui pouvaient en emporter un dans leurs serres. Malgré cette allure très impressionnante, ces rapaces semblaient plutôt pacifiques. Et c'était le cas : ils faisaient halte à cet endroit tous les deux ans, et aucune fois ils n'avaient fait de mal à quelqu'un. Cela pouvait laisser penser qu'ils serait simple de les apprivoiser. A tort. Pacifique n'est pas synonyme de docile. Ainsi les dresseurs volontaires se rendirent vite compte que leur tâche n'allait pas être aussi facile que prévue. Les vultures ne se laissaient pas faire, malgré tous les efforts des elfes pour les chevaucher. Ils tentèrent de les monter pendant leur sommeil. En vain. Ils tentèrent d'installer des selles et des harnais. Toujours en vain. Et lorsqu'ils parvenaient à monter sur leur dos, les vultures s'arrangeaient pour les faire tomber, de plusieurs mètres parfois. C'est à cause de cela que certains dresseurs, blessés, durent arrêter ce travail. Les vultures étaient certes pacifiques, mais indomptables. Jusqu'à ce qu'Alrik ait une idée.

Le jeune elfe eut en effet l'idée de motiver les vultures avec de la nourriture, afin que ceux-ci trouvent un intérêt à se faire monter par les dresseurs. Lorsqu'un elfe parvenait à rester sur son dos, le rapace recevait de la nourriture. Plus le dresseur restait longtemps, plus l'aigle recevait de nourriture. Cela parvint à convaincre les vultures que s'ils se laissaient monter par les elfes, ils pourraient manger à leur guise. Et c'est ainsi que les dresseurs accomplirent leur tâche. Le temps passait, et chaque jour les oiseaux devenaient plus dociles, obéissant à tous les ordres de leurs cavaliers, dans l'unique but de satisfaire leur faim. Ils étaient désormais de véritables montures, parées pour la mission à laquelle elles étaient destinées.

***

Au bout de la troisième semaine, les préparatifs de l'attaque commencèrent à se mettre en place. Les soldats et les montures étaient tous fin prêts. Le plan était simple, ou le paraissait tout du moins : les guerriers devaient monter sur les vultures, survoler le brouillard, atterrir dans la forêt et faire tout leur possible pour vaincre les Aînés. Etant donné les pouvoirs magiques de ces derniers, c'était une lutte dangereuse qui s'annonçait ...


Recueil des Chroniques des Elfes [INACHEVE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant