- Meol ! Dépêche-toi !
Je descends les escaliers à toute allure, attrape mon chapeau sur le porte-manteau et saute à l'extérieur de la bâtisse. Dehors, il fait grand soleil et un petit vent frais vient rafraichir mon visage. J'inspire un grand bol d'air avant de me précipiter vers la charrette. Cirol est déjà assise sur le banc et je la rejoins en deux sauts. Un fouet claque dans les airs et Baoom notre cheval de trait se met en marche, guidé par notre père. Je m'installe en face de ma sœur et observe les alentours.
L'île est recouverte de champs de Valamoria. Notre petite exploitation familiale est prospère et même la ville de Haal demande de nos fleurs. Ce qui est une grande fierté pour notre père qui nous emmène souvent l'aider à la récolte.
- Tu as encore oublié de te lever ?
Je me retourne vers Cirol. Cette petite bouille rousse d'à peine huit ans fait déjà preuve d'un caractère bien trempé. Espiègle et rusée, il ne fait aucun doute qu'elle ira loin. Je suis même certain que dans deux ans elle sera choisie pour devenir chevalier. Je lui verrais bien comme totem le renard : avec sa chevelure rousse et ses yeux orange, cela lui conviendrait à merveille.
- Pour un futur Maître cela est important d'être ponctuel.
Elle appuie bien sur le dernier mot et je ne peux me retenir de rire. De douze ans ma cadette, elle fait preuve d'une grande maturité et est très fière que son frère devienne le prochain professeur de plantes de l'école de chevalerie. À cette pensée, je ne peux m'empêcher de bomber le torse ce qui fait pouffer de rire Cirol.
- Aller Meol ! Tu es lent !
Je cours après ma petite sœur dans le champ. Heureusement que mon père est rentré à la maison avec la premièrere charrette. S'il nous voyait, on serait sans doute puni de dessert. Je rattrape Cirol en un instant et la plaque au sol en prenant bien soin de ne pas lui faire mal. Elle me tire la langue avant de rire aux éclats. Je la regarde se dandiner sous moi avec un sourire jusqu'aux oreilles. Jamais il n'existera pareille beauté. Je me perds dans mes pensées en plongeant mes yeux dans son regard orangé.
- Cette petite ressemble tellement à sa mère, vous ne trouvez pas ?
J'acquiesce. Au loin, la petite Emeyrria joue avec une autre fille de son âge. Oyare si je me souviens bien. Il est vrai que lorsque je la regarde, je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec ma défunte sœur. Personne ici n'a oublié Cirol, et les yeux orangés de Emeyrria leur rappelle constamment son absence. Et c'est pire encore pour moi.
La petite de deux ans s'avance vers moi d'un pas encore mal assuré et m'appelle non sans écorcher mon nom. Cela fait sourire ma voisine. Emeyrria me désigne son merveilleux château de sable qu'elle a construit avec sa camarade. Je la félicite avant de lui annoncer que nous devons rentrer. Elle se précipite alors vers son amie et lui fais un bisou sur la joue que l'autre lui renvoie. Elles sont adorables. J'attrape la petite main boudinée de ma nièce et nous retournons à l'école.
- Emeyrria, regarde les chèvres. Emeyrria. Emeyrria...
Tout devient noir, Maître Limorea disparait. Mon prénom se répète tout autour de moi et ma tête hurle. Je voudrais qu'on me laisse dormir. Ce rêve était agréable. Laissez-moi... Mais on me secoue l'épaule et m'appelle encore.
- Emeyrria, s'il te plait. Emeyrria ? Emeyrria j'ai besoin de toi ! Ne me laisse pas seule...
Je ne comprends pas ce qui se passe. Qui me parle ? Et quelle est cette odeur de brûlé ? J'ouvre avec difficulté les yeux. La première chose que je vois est un sol rouge et poussiéreux. Où suis-je ? Je me redresse non sans sentir une vive douleur dans mon épaule droite et mes côtes qui me font grimacer. J'observe lentement les alentours. Trois murs rouges, un sol et un plafond de même couleur et texture et un quatrième mur fait de barreaux en fer noir. Une prison ?
Mes derniers souvenirs me reviennent en mémoire. La bataille, la Communion de Vlimcra, le monstre géant qui s'en prenait à Meyla, Yol qui nous a aidés, et puis plus rien. Nous avons perdu ? Quelqu'un se racle la gorge derrière moi. Je me retourne et fais face à la personne présente.
Je reste bouche bée. Face à moi, assise sur ses talons, Meyla me regarde, les larmes aux yeux. Je remarque par ailleurs qu'elle ne porte plus son armure et moi non plus. Je la questionne du regard. Elle essuie d'un revers de la manche ses yeux humides avant de déclarer d'une voix fragile :
- Je n'en sais pas plus que toi. À mon réveil nous étions déjà ici.
Je note de suite le fait qu'elle m'adresse la parole. Que lui arrive-t-il ? Non pas que ça me dérange mais je trouve cela étonnant. Inutile de lui faire remarquer ce changement. Je m'avance vers les barreaux à quatre pattes mais les douleurs de mon corps reviennent au galop. Je m'adosse contre les piliers en métaux et soulève mon vêtement au niveau de ma douleur à l'épaule. Celle-ci est perforée. Heureusement pour moi, le sang a fini par coaguler empêchant le saignement.
- Ce n'est pas très beau.
La princesse s'est approchée. Je la regarde de haut en bas en quête d'une quelconque blessure, mais mis à part quelques hématomes, rien à déclarer de l'extérieur. Elle s'en sort plutôt bien. Je regarde au niveau de mes côtes et remarque que ma peau à changer de couleur pour virer au bleu. Je touche du doigt l'emplacement et regrette de suite mon geste. Qu'elle imbécile ! Ça fait mal ! Je remets mes vêtements en place avant de jeter un coup d'œil de l'autre côté des barreaux. Nous sommes dans un des cachots de tout un couloir. Je soupire. On est en mauvaise posture et nous n'avons même plus nos armes. Ce qui est assez logique.
Meyla commence à faire les cents pas dans notre petit espace en envoyant voler la poussière. Que pouvons-nous faire à part attendre ? Et, comme pour me répondre, un bruit de métal se fait entendre dans le couloir. Nous nous précipitons contre les barreaux et observons. Un des monstres est entré. Il s'avance dans notre direction avant de s'arrêter face à nous.
- Enfin debout les Sans-Ailes ?, dit-il dans un sifflement rauque.
Les Sans-Ailes ? Je lance un regard à ma camarade. Elle aussi semble interloquée. Le monstre disparaît dans le couloir quelques secondes avant de revenir avec des chaines. La panique m'envahit et je me presse contre le mur du fond tout comme Meyla. L'humanoïde entre dans notre prison et referme la porte à clé derrière lui. Un grondement rauque sort de ma gorge.
- Tu crois que tu me fais peur ?, s'esclaffe-t-il.
Pardon ? Je crois que tu m'as mal comprise. Et, avant même d'avoir tenté de me transformer, je me jette sur lui, tout crocs en avant. Meyla hurle derrière moi tout comme le monstre, surpris par ma manœuvre. La princesse en profite pour se jeter sur la masse que notre adversaire a laissé tomber mais celui-ci parvient à m'envoyer valser contre le mur. Je tombe brutalement sur mon épaule blessée ce qui me provoque une douleur intense. Celle-ci me fait tourner la tête et mes yeux s'humidifient.
J'aperçois de manière floue Meyla qui frappe la tête du monstre mais celui-ci l'attrape à la gorge et la soulève du sol. Ma camarade suffoque et tente tant bien que mal de se libérer. J'essaye de me relever pour lui venir en aide mais mon corps refuse de m'obéir. Finalement, au bout de quelques secondes d'asphyxie, il finit par la lâcher. Meyla s'écroule à terre et essaye tant bien que mal de reprendre une respiration normale.
Le monstre s'approche alors de moi. Je lui grogne dessus mais cela le fait rire. Je remarque avec angoisse que j'ai repris ma forme humaine.
- Tu fais moins la maligne, maintenant.
Je ferme les yeux pour ne pas voir la suite des évènements. Des larmes coulent le long de mes joues. Je sens le montre me soulever et m'attacher les pieds, les poignets et le cou. Je reste sans bouger.Je l'entends s'éloigner et faire de même avec Meyla avant de quitter la prison.Il nous dit de nous reposer, que l'on commence le travail demain. Quel travail? Je pleure sans m'arrêter. Que quelqu'un vienne nous aider... Lyria !
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The Songs of Osira - Tome 2 : La Guerre des Elus
FantasíaLa Légende était donc réelle : le Mal est arrivé et la guerre fait rage. Pour ne rien arranger à cet état de crise, la maladie de la précédente Nuit Lunaire a refait surface et l'épidémie se propage rapidement, ajoutant des morts à la liste des sold...