K comme Kilimandjaro

1.7K 111 9
                                    

Allongé sous le tapis blanc qui l'avait engloutis un peu plus tôt, lors de sa randonné habituelle, il réfléchissait. Pourtant exilé sur cette montagne en pleine hivers, il savait la nature capricieuse et changeante mais il savait l'appréhender, la plier légèrement à son bon vouloir en la respectant. Il communiait avec elle en silence, lui l'ancien être bavard qu'il était, il n'y avait pas si longtemps. Les choses changeaient, c'est immuable, en bien et parfois, malheureusement, en mal.

"Elles te feront un blanc manteau

Où tu pourras dormir

Elles te feront un blanc manteau

Où tu pourras dormir, dormir, dormir..."

Kilimandjaro, Pascal Daniel.

Des années à vivre le plus loin possible du monde et de ses attraits flamboyants. Sa famille n'était plus, son clan décimé et une tentative de meurtre sur sa personne l'avait rendu aphone. Malgré ses remèdes et ses capacités, il n'avait pu récupéré sa voix et rester seul dans sa tête n'était pas joyeux. Avant de la perdre, il avait eu l'espoir que, malgré sa solitude pourtant sollicité par ses concitoyens présents dans sa ville, il finirait par trouver la personne qui lui était destinée, l'homme de sa vie. Ainsi que le respect de la communauté des Obscurs. Mais l'expérience n'avait pas été concluante, voir catastrophique. Il avait finit par prendre ses cliques et ses claques, vendu ce qu'il ne pouvait ou ne voulait prendre et envoya paître la collectivité qui avait osé le trahir ou tenté de l'asservir suivant les groupes. Il avait arrêté d'être leurs médiateur, les laissant s'entre-tuer comme ils le désiraient tant.

L'argent qu'il avait récupéré lui avait servi à acheter son chalet perdu en pleine montagne, entouré d'arbres immenses et puissants, faire les travaux nécessaires à son bien-être l'avait empêché de sombrer puis il s'était mis à écrire. Comme une compulsion, lui qui ne pouvait plus parler. Ses envies, ses désires, ses rêves, noircissant les pages dans la solitude de la montagne accueillante. Une fois par mois, il allait dans la petite ville à flanc de montagne, entourée de la forêt protectrice, il faisait les courses pour le mois suivant, s'autorisait son unique fast food du mois puis repartait soulagé de retrouver sa si précieuse solitude. Il avait été obligé d'apprendre le langage des signes, le comble de l'humiliation, une défaite de plus, une défaite de trop sur sa longue liste de défaites. Lors de son premier cours, il avait fini prostré dans sa douche pleurant silencieusement, de l'eau gelée ruisselant sur sa peau, comme des lames glacés flagellant son handicap, sa faiblesse. Résultat, il était resté au lit une semaine, malade comme un chien.

Il allait mourir, seul, sous une montagne de neige d'un blanc immaculé, il y avait pire comme tombeau. Il n'arrivait pas à bouger ses bras et puis... pour quoi faire ? Vivre seul, isolé, loin de cette communauté qu'il aimait et qui l'avait trahi ?

Un sentiment profond d'échec le submerge, il voulait lier, unifier les communautés étranges mais extraordinaires que composaient l'Obscur, elles avaient tellement à s'apporter, à partager. Mais, ils avaient vu dans sa neutralité et son désire de les unifiés que de la condescendance ou un refus de combattre. Chaque camps, avaient tenté de le manipuler à un moment ou à un autre, de la pire des façons, de l'enchaîner mais il est un esprit libre, qu'on ne se soumet pas de force. Il était le seul à choisir à qui donner sa chaîne. Il avait appris cette leçon de façon abrupte, douloureuse qui lui avait donné le goût de la vengeance, alors, le pacifiste s'était transformer en guerrier.

Lui qui ne désirait n'être qu'un guide, leurs avait pris la vie, pour préserver sa liberté et la culpabilité était devenue une autre de ses compagnes de route. Toujours brûlante, toujours vivante, toujours acérée, bloquée en lui pour qu'il n'oublie pas.

Abécédaire de mots imposésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant