Sombre Engrenage (Episode 2)

10. Désaccord (Partie 2)

Trois paires d'yeux surpris se tournèrent en direction du Prince. Pourtant, il ne s'en aperçu pas. Ce n'était pas lui qui avait parlé, mais son cœur. Si bien qu'il ignorait ce qu'il venait de  révéler. En réalité, il ignorait lui-même ses sentiments. Ou du moins sa conscience... Autrement, il aurait rougi à pouvoir se fondre au rideau écarlate tombant au mur.

-Fils, peux-tu répéter ce que tu as dis ?

- J'ai dit que.... Il se retourna vivement et failli se fondre au rideau. Pardon je....»

 Ill baissa les yeux.

«Qui a-t-il Paul ? Me regarder est si honteux que cela ? Je ne mérite pas que mes yeux croisent les vôtres ? Dois-je être l'objet d'un tel malaise ?

- Marta je...»
Elle sourit et s'approcha de lui. Elle prit sa main et en se tournant vers les deux hommes :

«Sire, qui connait mon secret ici ?

«Paul, vous et moi.

- De quoi parlez-vous Sire ?

- Ça ne vous regarde en aucun point Monsieur le marquis.» dit le Prince

«Monsieur de Pongret, pouvez-vous nous laisser un instant je vous prie ?

L'homme tourna les talons sans mot dire, déçu de ne pas avoir pu en savoir plus sur ce «secret».

«Marta, qu'est-ce qu'il vous prend ! Un secret est ce qu'il est et doit le rester ! Pourquoi en parler devant cet homme ?

- Sire, si votre fils doit se marier avec la fille du marquis, c'est que vous avez toute confiance en lui. Quelle importance pour vous qu'il soit au courant de cela. Il n'y a que moi que ça devrait inquiéter. A moins que vous me cachiez encore autre chose ?

- Entre homme puisant il faut toujours se méfier. Même quand il s'agit d'amis de longues dates. Je dirai même plus à ce moment là puisqu'il connaissent vos faiblesses.

- Vous avez toujours peur de tout, Père.

- C'est de la méfiance, pas de la peur.

- Quoi qu'il en soit, pourquoi rester aussi fermer face au demande de votre fils ?

- Je veux ce qu'il y a de mieux pour lui.

- Suis-je si inintéressante que cela ?

- Vous...

- Je ne peux me prononcer... Mais une chose est certaine : je ne reste pas insensible aux beaux yeux de votre fils.»
Elle se tourna vers lui :

"Et à ce que j'ai compris, c'est réciproque.»
Il lui sourit.

- S'il vous plaît Marta, soyez compréhensive, vous n'êtes pas noble !

- Et j'étais censée le croire et vivre comme tel toute ma vie. Cela est un pure hasard que je sois au courant de cette vérité. Pourtant, même sans en avoir le droit, personne ne me l'aurait révélé. Cela fait bientôt neuf ans que je vis la vie de celle que je ne devrais pas être. Et je me débrouille plutôt bien, alors pourquoi ne pas continuer ? En y réfléchissant, je ne crois pas que la noblesse ne soit qu'une affaire de sang. En tous cas, elle ne devrait pas l'être. J'en suis la preuve vivante. Mais les lois sont ainsi faîtes et vous ne pouvez rien y changer. Tout comme celles de l'amour : si votre fils aime, il aimera que vous le vouliez ou non. Qui que ce soit.

- Il n'a jamais été question d'amour pour ce mariage. Je me suis bien marié à sa mère et...

- Cela ne regarde que vous Père. Mais moi je ne veux pas gâcher ma vie au profit de richesses et de biens matériels. Ce ne sont que de ridicules broutilles, comme vous le dites, à côté du trésor qu'est l'amour

- Un trésor dont tu ne peux avoir la clé, à ton âge.

- Vous ne l'avez pas non plus, à cinquante ans. Un demi siècle et vous n'en connaissez rien. Simplement parce qu'il n'y a rien à connaître sur l'amour, juste à le vivre. Vous avez choisi de vous l'interdire, ce n'est pas mon cas.

- Comme pour toi, ce n'est pas moi qui ait choisi, Paul.

- Et voulez-vous faire la même erreur avec moi que votre père avec vous ?

- Ta mère n'est pas une erreur...

- L'aimez-vous ?

- Pardon ?

- Mère, L'aimez-vous ?

- Ça ne te regarde pas !

- L'aimez-vous ?

- Pas autant qu'il le faudrait.

- Je serai heureux comme il le faut avec Marta. La duchesse Marta de Beauvin.

- Marta n'est pas une duchesse. Ton mariage est déjà prévu, et cela ne changera pas. Tu verras, ce n'est pas si terrible. Tu t'y feras, comme j'ai dû m'y faire. L'amour s'apprend. Jade sera une très bonne épouse.

- Non Père, l'amour se vit. Jade ne sera jamais rien pour moi. Vous allez détruire quatre vies ainsi. Comme pour vous et celle qui partage votre vie. Quelqu'un vous aimait réciproquement. Et quelqu'un aimait ma mère autant qu'elle l'aimait. Pour nous ce sera la même chose.

- On a appris à s'aimer, Paul.

- Mais «pas comme il le faudrait» c'est vous qui l'avez dit. Vous n'êtes pas heureux. Pas assez. C'est ce que veut dire cette phrase. Je ne veux pas "apprendre l'amour" mais en donner et en recevoir plus que de raison. Et ça ne pourra se faire qu'avec Marta.

- Mais tu n'as que douze ans !

- Treize demain. Et l'amour n'a pas d'âge ni de barrière. On est amoureux quand on ne se pose plus la question. On le sait. Et aujourd'hui c'est mon tour de le savoir.

- C'est le mien aussi.» dit Marta, un sourire sur les lèvres.

- En trois jours ? Ce n'est que passager... Tu épouseras Jade. De toute manière, je ne te laisse pas le choix.

- Plutôt mourir que d'emprisonner mon cœur.»