Elle

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Elle avait compris qu'elle était vraiment trop sale et devait sentir la mort.

Elle avait compris que ce n'était pas à son goût.

Alors elle obéit.

Parce qu'il fallait plaire à cet homme si elle voulait manger.

Elle ôta sa chemise déchirée et encroutée de sang et de salissures diverses, et il s'éloigna.

Tout ce qu'elle possédait était ce qu'elle portait, n'ayant rien prévu lorsqu'elle avait dû fuir, se contentant de courir.

Elle déposa sa chemise puis défit la corde qui lui servait de ceinture, son pantalon et enfin sa culotte sur un rocher voisin.

Elle garda ses chaussures pour entrer dans l'eau qui la saisit immédiatement.

Mais prenant sur elle, elle avança dans le courant glacé qui lui fit aussi du bien. Cela la tonifia, sentant toute sa crasse, toute sa lassitude, toute sa misère se défaire d'elle, portées par l'eau.

Elle s'engloutit tout entière ne voulant qu'une chose : être sourde et insensible au monde autour d'elle.

Mais ses poumons en décidèrent autrement et elle dut remonter à la surface prendre une grande bolée d'air.

Elle était décidément toujours vivante.

Elle sortit ruisselante, réalisant que ses cheveux trempés avaient poussé jusqu'au bas de son dos.

Elle était mouillée et n'avait rien pour se sécher, mais elle enfila le pantalon trois fois trop grand qui lui réchauffa les jambes instantanément, nouant la corde dans les passants et faisant plusieurs fois le tour de sa taille.

Le tee-shirt dépourvu de manche lui arrivait jusqu'en haut des cuisses mais elle se sentait enfin couverte et décente.

Elle essora sa tignasse emmêlée aussi fort qu'elle put pour finalement se pencher en avant et secouer la tête de droite à gauche, jusqu'à en perdre presque l'équilibre. Elle se surprit à sourire, se revoyant le faire quand elle était gamine, au sortir de ses bains de mer, faisant râler sa mère aspergée de gouttelettes froides.

Elle se redressa, le sourire toujours aux lèvres qui se figea en un masque d'horreur en découvrant le rôdeur face à elle, qui l'observait, comme intrigué, avant d'avancer à nouveau vers elle, les bras tendus, reprenant ce grognement guttural qu'elle entendait partout.

Elle ouvrit grand la bouche, mais aucun son n'en sortit.

Les yeux vitreux -TWD - [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant