XI

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Combien de temps était-elle là ?

Des semaines ? Des mois ? Des années ?

Elle n'en avait aucune idée. Elle avait arrêté de compter, n'avait peut-être au fond même pas essayé. Il avait eu raison. Évidemment. Quand elle s'était réveillée, avec un trou de mémoire terrifiant, au beau milieu de l'Ohio, au volant d'une voiture volée, sans aucun souvenir de comment elle s'était retrouvée là, ses « collègues » du S.H.I.E.L.D. l'avaient entourée. L'avaient traitée comme si c'était elle le danger. Elle la menace qui pesait sur la Terre. Le goût de la trahison était encore amer, même après tout ce temps. Les siens se méfiaient d'elle. L'avaient enfermée, comme une criminelle, seulement à cause d'un stupide anneau qu'elle ne pouvait retirer. L'anneau de Loki.

Elle le haïssait.

Se haïssait.

Les haïssait tous.

Ils l'avaient examinée. Traitée comme un animal sauvage, sans jamais l'approcher vraiment, sans jamais la toucher à mains nues. Quand ils le faisaient, ils portaient toujours des gants, et agissaient avec mille et une précautions, comme si elle avait été contaminée par un virus incurable. Ils ne l'avaient pas regardée dans les yeux. S'étaient contentés d'essayer de lui arracher l'anneau, alors qu'elle leur avait bien expliqué que ce n'était pas possible. C'était l'une des rares choses dont elle se souvenait encore.

D'autres, des psys, l'avaient mitraillée de questions. Elle avait arrêté d'y répondre en comprenant que cela ne servait à rien. Qu'elle ne sortirait pas. Et cette idée la rendait folle.

Le pire, c'était qu'elle était consciente de perdre progressivement les pédales. Elle ne se reprenait toujours qu'après coup. Après avoir hurlé sur l'homme qui lui apportait à manger. Après s'être jetée contre les murs, en espérant que l'anneau lui confère le pouvoir de les traverser. Après un accès de rire hystérique alors qu'elle était seule dans sa cellule blanche. À chaque instant, elle sombrait un peu plus dans une folie qui lui paraissait chaque fois plus douce que la réalité. À chaque instant, le rire narquois de Loki, qui l'accompagnait perpétuellement, lui semblait être un peu plus gentil. Plus attentionné. Elle se prenait à espérer qu'il vienne un jour la voir. Au moins, viendrait-il visiter, lui.

Pas comme Aaron. Même lui ne venait pas. Son meilleur ami. Même Jared, même si ce dernier ne savait même pas qu'elle travaillait au S.H.I.E.L.D. Travaillait. Bien étrange mot. « Était retenue captive » aurait été plus proche de la vérité, maintenant. On lui disait que c'était pour son bien. Qu'ils trouveraient un moyen de la débarrasser de cet anneau.

Mais en avait-elle vraiment envie ?

La folie la guettait. Là, tout près. Elle la sentait, comme un souffle chaud sur sa nuque, une brise qui menaçait de l'emporter à tout instant. Et ce souffle était doux, si doux... Bien plus doux que les cliquetis des menottes contre sa peau, que les aiguilles qui s'enfonçaient dans ses veines.

Elle avait arrêté de pleurer. Arrêté d'essayer d'enlever ce maudit anneau. Arrêté d'espérer que les siens la prennent en pitié. Elle était seule. Jouet d'un monstre, déjà monstre elle-même, peut-être, monstre en devenir, très certainement. Il n'y avait qu'elle et le rire. Et ce rire la poursuivait. Chaque soir, avant qu'elle ne s'endorme, il venait résonner à ses oreilles. Chaque matin, il la réveillait. Chaque jour, il était là, à chaque seconde qui passait. Il suffisait d'un court instant, que ses pensées dérivent, et il venait la rappeler à l'ordre. Chaque jour, il la poussait un peu plus vers le précipice. L'attirait dans les profondeurs de l'abîme. Elle ne savait juste pas si elle était déjà tombée, ou s'il ne manquait qu'un pas.

Et puis, au fond, quelle importance ?

Elle savait déjà qu'il était trop tard pour la sauver.

Bien trop tard.

Psychosis 1 : Blissful sorrow [Marvel/DC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant