IX

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— On se calme !

Loki attrapa Harleen par les épaules. Elle se débattit comme une furie, essayant de frapper, de griffer, terrifiée. Mais il la maintint solidement en place, jusqu'à ce qu'elle cesse de s'agiter. Ce qui prit un certain temps, mais il n'eut pas de mal à demeurer immobile. Pour elle, le rapport de forces n'était absolument pas équitable. Elle aurait voulu le rouer de coups, mais elle n'avait aucune chance de se libérer de sa prise. Au bout d'une petite minute, elle arrêta de gesticuler. De crier, même, alors qu'elle n'aurait voulu faire que ça.

La voyant plus ou moins apaisée, Loki l'entraîna vers les deux fauteuils, placés près de la table de travail, au fond de la pièce. Il s'y assit, face à elle, maintenant toujours ses poignets. Harleen inspira profondément, luttant encore pour parler avec calme.

— Où sommes-nous ?

Il esquissa un semblant de sourire.

— Je ne répondrai pas à cette question...

— Mais qu'est-ce que vous voulez de moi, bordel ?!

Harleen l'observa, alors qu'il fronçait le nez, pensif. Puis, elle vit à nouveau passer cette étincelle sournoise, annonciatrice de problèmes, dans son regard. Elle se crispa instinctivement. Se mordit les lèvres, voulut reculer. Mais il ne l'écoutait plus. Il s'était perdu dans ses machinations. Et, quoi qu'il ait voulu faire auparavant, elle venait apparemment de précipiter les choses.

La peur, qu'elle ne parvenait plus à juguler depuis qu'elle s'était réveillée dans cet huis clos, revint au grand galop. Elle avala difficilement sa salive. S'obligea à faire face. Au moins serait-elle définitivement fixée. Même si elle n'était pas sûre que ce soit une bonne chose.

— Laisse-moi t'expliquer, princesse.

Un rictus fourbe, narquois, se dessina sur le visage du dieu. Harleen tressaillit, terreur pulsant dans ses veines, la paralysant mieux que n'importe quelle substance du S.H.I.E.L.D. qu'elle avait eu l'occasion d'utiliser. Elle observa en silence, alors qu'il sortait de sa poche un petit anneau d'or incrusté de pierres vertes, et le lui glissait au doigt.

— Ceci... est un cadeau de ma part.

— Je n'en veux pas.

Elle cilla, surprise d'avoir osé. Lui se contenta de sourire.

— Tu en voudras encore moins quand tu comprendras les subtilités. Mais regarde donc.

Après l'avoir laissé quelques instants à son doigt, il lui enleva l'anneau, l'observa quelques instants d'un air faussement désintéressé, puis le remit là où il était juste avant, à l'annulaire de Harleen.

— À toi.

Ne devinant pas où était le piège - même si elle se doutait qu'il y en avait un - elle tira sur le petit cercle d'or piqué d'émeraudes. Qui ne bougea pas d'un pouce. Comme s'il refusait de glisser le long de son doigt, de s'enlever. Comme s'il était collé. Elle fronça les sourcils, tira un peu plus fort. Rien ne changea. À part le sourire de Loki, qui s'accentua.

— Qu'est-ce que...?

— Ce petit bijou, fit-il, apparemment très satisfait de lui-même, te relie à moi. Je te laisse découvrir les subtilités au fil des ans, mais globalement... À genoux.

Elle ne put résister. L'ordre s'immisça dans son esprit, balayant toutes ses réserves et ses défenses. Elle fut à genoux avant même de se rendre compte de ce qu'elle faisait. Et, lorsqu'elle le réalisa, elle poussa un gémissement horrifié. Loki ricana.

— Enlevez-moi ça !

— Amusant, n'est-ce pas ?

Ce n'était pas un oui, apparemment. À son grand désespoir. Elle essaya de tirer sur l'anneau à nouveau, mais il était toujours aussi inerte, impossible à faire bouger.

Elle sentit les larmes affluer, irrépressibles. Se mordit les lèvres, cilla plusieurs fois pour les chasser. Elle avait nettement conscience du regard amusé, mesquin, qui pesait sur ses épaules, qui se moquait ouvertement d'elle. Qui prenait plaisir à l'observer se débattre avec l'inévitable.

Soudain, elle se releva brusquement. Sprinta, aussi vite qu'elle le pouvait, vers la porte, priant pour qu'elle soit restée ouverte. Peut-être que si elle parvenait à l'atteindre...

— Reviens. Là où tu étais.

Elle l'entendit à peine. Il avait parlé dans un souffle presque inaudible. Pourtant, compulsivement, elle se retourna. Et, à pas lents, qu'elle ne maîtrisait absolument pas, revint jusqu'à lui. Se mit à nouveau à genoux, baissa les yeux. Une boule se forma dans sa gorge. Et, lorsqu'il l'obligea à lever la tête vers lui, qu'elle ne vit aucun remords dans ses yeux froids, ses sanglots fusèrent.

— Non... Non, non, non ! Pitié...

— Pitié ? releva-t-il.

Ce n'était plus une question de fierté. Ça, elle l'avait abandonnée quand il l'avait prise en otage. Elle voulait juste s'éloigner. Fuir ce fou, psychopathe, qui prenait plaisir à la manipuler. À lui faire du mal.

— Je... je vous en supplie... hoqueta-t-elle. Laissez-moi partir...

Loki haussa un sourcil.

— Vous mortels me surprendrez toujours, décidément... Mais non. Va plutôt me chercher un verre d'eau.

Harleen se releva, ses larmes traçant des sillons sur ses joues, se dirigea vers le coin cuisine, qu'elle avait découvert entre deux crises de panique quand elle avait réalisé qu'elle ne savait plus vraiment où elle était. Juste devant elle, trois grands couteaux de cuisine étaient posés sur le plan de travail. Tout près. Peut-être la solution... Elle tendit les doigts, agrippa le manche en plastique. Leva lentement la lame, en glissant sa main en dessous. Après tout, elle n'avait rien à perdre. À part sa main. Et sa liberté si elle ne le faisait pas. Enfin, ce qu'il en restait.

— Je ne ferais pas ça. À moins de vouloir mourir.

— Je ne veux pas vous servir, fit-elle, haineuse et terrifiée.

— Mais tu ne veux pas non plus mourir. Or c'est ce qui t'arrivera si tu fais ceci.

Sa voix était dangereusement sérieuse. Pas narquoise, ni manipulatrice. Il semblait honnête. Pas inquiet, mais sincère. Loki semblait sincère. C'était un oxymore. Ce n'était pas possible que ces deux termes tiennent dans la même phrase, et que la phrase garde un sens.

— C'est tout le charme de mon bijou. Il n'y a que moi qui puisse te libérer.

À nouveau, l'ironie était revenue. Mais elle s'était faite menaçante. Provocante. Il semblait lui demander jusqu'où elle était prête à aller pour s'éloigner de lui.

Brusquement, Harleen fit pivoter le couteau dans sa main, l'appuya sur son cœur.

— Donc ça ne change rien si je fais ça ? demanda-t-elle entre deux hoquets, étouffant difficilement ses larmes.

— Non. Le résultat sera le même.

Il était trop détaché. Trop effrayant. Insensible à sa douleur, à sa peur. Elle haussa les sourcils, comme pour le narguer. Mais le cœur n'y était pas. Elle avait trop peur.

— Fais comme tu le veux vraiment, lui souffla-t-il, provocateur.

Elle appuya la pointe un peu plus contre sa poitrine. La sentit s'enfoncer dans sa peau, dangereusement proche de son cœur. Ferma les yeux, appuya encore. La douleur commença à poindre. Elle serra les dents. Je le veux...

†††

Alors ? Est-ce qu'elle aura le courage ? ^-^

Psychosis 1 : Blissful sorrow [Marvel/DC]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant