Elles me regardent par centaines. Par milliers.
Lointaines, glaciales, inatteignables, mais rayonnantes d'une ardeur à en donner le tournis.
Je les fixe à m'en briser la nuque, la tête renversée sous ce firmament d'une infinité glaçante. Leurs prunelles semblent bienveillantes, face aux miennes chargées d'une admiration maladive, d'un bonheur sans frontières lorsqu'enfin je les vois.
Je les attends des jours, des semaines, pour pouvoir les observer sans gêne, pour m'assurer de toutes les embrasser sans en oublier aucune.
Et cette nuit est parfaite. La lune s'est fondue dans la noirceur de la nuit, et elle se repose le temps de quelques heures, consciente qu'elle reprendra sa course le lendemain.
Ses courbes évanescentes me manquent certainement, mais leur absence dévoile une lumière infinie, palpitante, me prenant à la gorge dès le premier regard que je jette à l'encre noire du ciel.
L'air qui s'infiltre dans mes poumons fige mon corps tout entier, tant sa froideur est mordante. De mes yeux s'échappent des étoiles qui ruissellent le long de mes joue, encouragées par les assauts de cette bise nocturne, mais je les laisse se figer sur mon visage, trop focalisée sur la multitude pour oser remuer le moindre muscle.
Leurs visages penchés sur moi m'écrasent de leur puissance. Ils respirent la beauté, la perfection, l'infini.
J'ai presque du mal à respirer tant ils s'imposent à moi. Ils sont si nombreux. Je ne représente rien face à eux, et pourtant je soutiens leur regard, la tête haute, je les fixe sans me détourner.
Ils sont l'infini et le néant. Ils sont un portail vers le passé. Leur même regard stoïque a accompagné la naissance de la vie. La naissance de ma Galaxie. Et depuis toujours ils sont là. À observer le passé et le présent d'un même regard, fidèles à leurs postes, chaque nuit de chaque jour, à n'importe quel endroit de l'univers.
Et malgré cela, je me permet de les fixer. Je les sonde de mon regard, essayant de m'imprégner de leur grandeur à faire trembler les rois, sensible à l'énergie qu'ils m'insufflent par leur simple regard.
Je remarque la reine. Son époux n'est pas très loin, il ne devrait pas tarder à manifester un peu plus sa présence.
Les deux frères me lancent des sourires en coin, jouant à se cacher derrière les invités dès que je les quitte du regard.
Les sept soeurs aussi sont là. Je n'arrive toujours pas à les distinguer les unes des autres. Elles sont une unité que nul ne pourrait effleurer, que personne ne pourrait jamais entamer.
Quelques animaux pointent leurs truffes humides et griffées à l'orée du bois. On aurait presque l'impression d'apercevoir un dragon ondulant entre les ombres des arbres.
Demain matin, le chasseur sera là pour veiller à ce que chacun soit en sécurité. Nul ne sait où il se cache le reste de la nuit, mais à l'aube, il ne manque jamais d'apparaître, son épée à la ceinture.
La traîne de la reine laisse un sillon d'une longueur démesurée à travers la foule des invités, qui se pressent dans un silence immaculé à la poursuite de cette beauté transcendente. Elle se déplace avec une lenteur qu'elle veut exagérée, prenant soin de poser ses pieds nus à la surface glaciale de la voie lactée, dirigeant son corps avec une précision inhumaine.
Bientôt le jour se lèvera et les étoiles s'en iront, emportant la reine, son époux et leurs enfants avec eux. Orion, le chasseur, restera encore quelques minutes pour s'assurer de leur sécurité, puis laissera place au bleu pâle du matin, s'estompant comme un dernier mirage de ce ballet d'une délicatesse nocturne sans égal.

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Pensées
De TodoBon. Des petits textes sans liens entre eux, parce que ça fait plaisir ! Sans sujets particuliers, juste des états d'âme ou des inspirations soudaines ... J'espère que ça vous plaira !