Le coeur.
Ventricule droit. Ventricule gauche. Boum. Artère. Muscle. Veine. Ventricule droit. Ventricule gauche. Boum.
Plus vite.
Ventricule droit. Gauche. Boum. Artère, muscle,veine. Ventricule droit, gauche, boum. Boum, boum, boum.
Plus fort.
Dans mes tempes, dans mon cou, jusqu'au bout de mes ongles. Il résonne, si fort, si puissant, palpitant. Boum.
Et plus je cours, plus il accélère. Il semble vouloir me devancer. Il veut aller plus vite que moi, il ne veut pas me laisser gagner, il s'affole. Il faut qu'il se dépêche. Je vais le rattraper.
Quand je le rattrape, quand je le dépasse, il s'arrête. Il lâche, d'un coup, il sait qu'il a perdu. Il abandonne brutalement, et m'entraîne dans sa chute. Mauvais perdant.
Boum.
Mais pour l'instant il s'accroche, et je ne me rapproche que lentement. Je sais que je vais l'atteindre, pas la peine de me presser.
Mes jambes claquent sur le sol. Dur. Chaque foulée résonne dans mon corps. Boum. Quand mes pas iront plus vite que mon cœur, j'aurais gagné. Et je gagne toujours.
Je gagne toujours parce que je triche. Je sais comment affoler encore plus ce pauvre cœur. C'est assez simple. Il me suffit d'ouvrir les vannes. De toute façon elles n'attendent que ça, elles sont prêtes à exploser. Le choc de ma foulée fissure le barrage. La fissure devient une brèche. La brèche un petit trou. Déjà les premières larmes s'échappent.
Boum.
Le barrage vient de sauter.
Les quelques gouttes deviennent un torrent. Les larmes sont soudain intarissable. L'eau se déverse partout, détruit les environs, mon visage se contracte.
Besoin d'air. Besoin de beaucoup plus d'air.
Mon cœur me fait mal. Il doit se démener pour tenir le rythme, pour m'apporter l'oxygène nécessaire. Il se venge en cognant plus fort que nécessaire contre ma poitrine. Il veut sortir de mon corps. Je le sais. Il se débat de toutes ses forces, se jette brutalement contre le carcan qui l'enserre en espérant le briser. Mais il n'y arrive pas.
Il se fatigue. Il en est conscient, mais son instinct le pousse à aller au-delà. Il repousse l'échéance de son échec. Il ne veut pas voir sa fin arriver.
Boum.
Les sanglots déchirent ma gorge. Ma foulée est hachée, je trébuche. Mon cœur sursaute, mais je reprends de plus belle.
J'accélère. Je puise ma force du vide que je sens autour de moi. Mon cœur est à deux doigts de l'explosion. Je peux presque l'effleurer tant je suis proche. Il a perdu toute notion de logique, et se contente de convulser frénétiquement entre mes côtes.
Dans quelques foulées, je le dépasserai.
Boum.
Je suis à côté de lui.
Boum.
Je le dépasse d'un cheveux.
Boum.
Le bruit de mon crâne sur le sol.
Je roule, roule, roule. Plus rien n'a de sens. Je l'ai dépassé. Il a cessé de lutter et sa fatigue l'empêche de repartir tout de suite. L'air ne circule plus dans mes poumons. Je me contente du silence apaisant provoqué par l'arrêt brutal de mon cœur.
J'aimerai tellement qu'il s'arrête pour toujours. Ne plus jamais entendre sa présence au fond de mon cerveau. Qu'il arrête de se battre pour moi. Qu'il comprenne que ça n'en vaut pas la peine. Que de toute façon, personne n'attend plus rien de ce coeur malade. Qu'il est déjà vicié jusqu'au plus profond de lui-même.
J'espère juste crever là, le nez dans la poussière, la tête dans les étoiles et le cœur dans un hachoir.
Boum.
Il est reparti.
Il repart à chaque fois, malgré mes efforts.
Boum, boum, boum, boum.
Il compense ce moment d'absence. Ne comprend-il donc pas que j'espérais qu'il y reste ?
Boum.
Le bruit des bottes du pompier qui saute de l'ambulance.
Boum.
Ses genoux qui tombent au sol à côté de ma tête.
Boum.
Le bruit d'une arme que j'aimerais entendre collée sur ma tempe.

VOUS LISEZ
Pensées
RandomBon. Des petits textes sans liens entre eux, parce que ça fait plaisir ! Sans sujets particuliers, juste des états d'âme ou des inspirations soudaines ... J'espère que ça vous plaira !