Il est là, face à moi, si proche. Je ne vois que lui, je ne veux voir que lui, mais je ne peux pas. Je ne peux pas le regarder dans les yeux.
Je fuis son iris si profond parce que je sais que si je faisais l'erreur de m'y plonger, je m'y noierai lamentablement, et sans lutter. Je ne retiendrai pas ma respiration, je m'y jetterai de toute mon âme, sans réfléchir une seconde, inspirant volontairement l'eau de cet abysse pour remplir mes poumons avec, et me laisser emporter au fond de ce gouffre.
Je me laisserai couler au plus profond des océans, sans me débattre, sans crainte, sans douleur. Je regarderai les dernières bulles s'échapper de ma bouche et se frayer un chemin vers la surface, affolées de retourner à l'air libre. Je me sentirai flotter, lentement, ballottée par des courants aléatoires d'un bout à l'autre de l'univers. Je regarderai peut-être un instant la surface, lumineuse, lointaine, inatteignable, si peu accueillante face à l'obscurité des flots, et je m'en détournerai aussi vite.
J'ouvrirai mes yeux plus grand que jamais pour tout voir, tout imprimer. Le moindre détail de cet espace, le moindre grain de sable, je moindre coquillage, la moindre algue ! Je veux tout connaître, tout apprivoiser et tout comprendre. Je veux devenir la reine de ce royaume perdu, inhabité, magique mystérieux à la fois.
Je veux fusionner avec cet océan plus grand que l'univers tout entier. Je veux connaître chaque recoin de ce qu'il abrite, et je veux me souvenir de tout. Chaque instant que je passerai à me noyer dans cet océan sera un instant d'allégresse, un instant gravé à jamais au plus profond de mon âme. Je veux m'en rappeler pour l'éternité, m'en rappeler à m'en faire mal, m'en rappeler pour ne plus jamais quitter ce sentiment. Ce sentiment de paix, de sérénité, de joie ... de flottement.
- T'es sûre que ça va ? murmure-t-il doucement, fissurant l'espace d'une seconde cette somptueuse image.
Sans lui répondre, je m'envole lentement au-dessus de la mer, jusqu'à perdre le rivage de vue. Je ne vois plus que du bleu, du bleu, du bleu.
-Je t'aime, souffle-t-il contre mon oreille.
Je me fige soudainement à quelques millimètres de la surface de l'océan. Mon nez frôle légèrement l'eau, et ma respiration déclenche de petites ondes qui s'éloignent progressivement de moi. Je ne peux plus bouger.
Sa main effleure lentement mon menton, et je n'ai pas le temps de prendre une inspiration que déjà je bascule dans une vague d'écume blanche, dans un tourbillon puissant d'une beauté incomparable, irrémédiablement attirée par la noirceur de l'eau, et enfin, enfin je peux m'y noyer.

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Pensées
CasualeBon. Des petits textes sans liens entre eux, parce que ça fait plaisir ! Sans sujets particuliers, juste des états d'âme ou des inspirations soudaines ... J'espère que ça vous plaira !