Pensées

Toi

Je me rappelle encore du jour où tu me l'as présenté. C'était clair qu'il était attirant. C'était presque aussi clair que l'amour que tu lui portais déjà. Je te connaissais depuis moins d'une semaine, et la première chose que je t'ai dite une fois parties t'as profondément marqué.

"Il te plaît, hein ?"

Ça crevait les yeux. C'était une évidence. C'est le premier sujet un peu personnel qu'on ai abordé toi et moi. Que tu as esquivé avec brio. Mais qui prouvait que j'avais visé juste.

Vous vous rapprochiez. Et plus vous vous rapprochiez, plus je tombais amoureuse de lui, et plus je tenais à toi. Tu es devenue une partie de moi, peu à peu, jusqu'à me devenir vitale. Et je me nourrissait de ta relation avec lui. Vous n'étiez pas ensemble, pas encore, et je m'étouffais seule dans ma jalousie.

Je vivais ta relation avec lui aussi puissamment que toi, je ressentais toutes tes déceptions, toutes tes joies. J'étais toi.

On passait beaucoup de temps ensemble tous les trois. Je voyais bien que j'étais là troisième roue du carrosse, que ma présence vous gênait parfois, mais tu voulais toujours que je reste. Tu étais moi.

Et il y a eu ce jour. Au pied d'une falaise, dans des fringues sentant le feu de bois, assis sur nos manteaux étendus sur le sol irrégulier. Tu t'étais endormie sur ses genoux, et il te caressait les cheveux, pensant que je ne le voyais pas. Je t'ai raconté ce moment. Je t'ai raconté comment il t'avais remis cette mèche derrière l'oreille, encore et encore.

Mais je ne t'ai jamais raconté les larmes qui roulaient silencieusement sur mes joues au même moment. Je ne t'ai jamais raconté les sillons acides qu'elles creusaient le long de mon visage alors que j'enviais de tout mon être ces doigts qui parcouraient tes cheveux. Jamais.

Et je pensais que jamais tu ne saurais que je partageais avec toi cet amour pour lui.

Sauf que tu es moi.

Tu t'en doutais, et quand j'ai fini par te l'avouer, je me suis crue mourir. Tu ne voulais plus de lui. Tu voulais me le laisser. Pour moi, tu aurais renoncé à lui.

Tu es moi autant que je suis toi.

Et je t'aime plus que tout.