VII

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20 :02, la révélation sur son identité a été une véritable surprise. C'était si soudain et inattendu. Mon étonnement doit se lire sur mon faciès car il sourit l'air satisfait de son intervention totalement imprévue.
« C'est si moche que ça pour que vous tiriez cette tête ? dit-il tout sourire.
-Non, euh... Vous m'avez prise au dépourvu et coupé court à mes pensées. Je ne m'attendais pas à ça là maintenant.
-Donc tu étais dans la lune alors que tu dînes avec moi. Qu'est-ce qui était plus important que moi à l'instant ? »
Wow. Alors là, il est assez orgueilleux. On passe au « tu » maintenant ? Mais la façon dont il s'est redressé pour approcher un peu plus sa tête de la mienne me permettant de voir de plus près ses yeux profonds m'a fait ressentir quelques petits frissons que j'espère qu'il n'aura pas remarqué. Raté, un petit rictus se forme sur son visage me prouvant qu'il a bel et bien remarqué ma légère et passagère chair de poule.
« Tout est plus intéressant que toi, dis-je accompagné d'un clin d'œil.
-Bientôt ça ne sera plus le cas, répond-t-il plein d'assurance.»
La serveuse arrive et nous serre un verre de rosé à chacun. C'est si calme et paisible, l'ambiance est relaxante, tout ça parce qu'il n'y a que nous ici : pas un bruit, pas un cri, pas un rire à l'horizon, juste le calme et la tranquillité. J'observe Leroy plus attentivement. Je vois qu'il a fait un effort vestimentaire, il porte une chemise noire avec un jean de la même couleur. Ses cheveux tombent un peu sur ses yeux qu'il repousse sans arrêt à l'aide de sa main, ça lui donne un air décontracté, pas mal. J'apprécie la vue je l'admets.
« Revenons à l'essentiel. Dévoile-moi ton identité.
-Célia, Célia Davin.
-Que fais-tu dans la vie, Célia ? il pose sa tête sur sa main, coude sur la table, et me regarde dans les yeux.
-Je suis à la FAC, pour ma 4ème année.
-22 ans alors ?
-Bon calcul, Sherlock.
-Ahah il fallait bien que je t'impressionne un minimum. FAC de quoi ?
-De bio, mais je prends des cours du soir en management, commerce et en ressources humaines aussi. Parce que je l'avoue, travailler dans un bureau habillée d'un tailleur tous les jours, ça me tente vachement. Et toi ? Que fait monsieur Benett pour s'occuper ?
-Je suis le patron d'une entreprise.
-Une entreprise de quoi ? je bois une gorgée de mon rosé.
-Bonne question. »
Je vois qu'il est d'humeur à jouer. Et bien jouons Benett. Je m'adosse contre mon siège et garde mon verre à la main, je regarde de nouveau à la fenêtre et demande :
« Quel âge ?
-26 ans.
-Jeune.
-Effectivement. »
Je repose mes yeux sur lui, il me fixe. La serveuse arrive et nous amène nos plats.
« Tu fais des activités en dehors de tes cours ?
-Je bosse et je fais du sport.
-Tu fais quoi ?
-Secrétaire de DRH, tennis.
-Et aussi tu pratiques l'art de répondre avec des phrases courtes.
-Apparemment. »
Je continu de manger en silence. Je sens son regard posé sur moi. Il a arrêté de manger depuis au moins 2 minutes et continu de me fixer. Je relève la tête et croise son regard :
« Fixer les gens lorsqu'ils mangent c'est malpoli.
-Me répondre sèchement l'est tout autant.
-Liberté d'expression. Notion à revoir de ton côté. »
Il se met à rire, je souris également tout en continuant de manger.
« Tu me plais. »
Ma fourchette tombe dans mon assiette. J'attrape mon verre, je le bois cul sec, le repose, je le fixe alors et dis :
« Pardon ? »
Monsieur se marre depuis ma réaction à ses mots et redeviens sérieux tout en me souriant :
« Tu me plais. Problème d'ouïe peut-être ?
-Ah ah ah. Très drôle.
-Parles moi de toi Célia.
-Que veux-tu savoir ? Ah, si tu me plais également ? Pour que ce soit réciproque ?
-J'aimerai beaucoup, mais non, pas pour l'instant. Parles moi simplement de toi.
-Question absolument pas vague. Je hais les maths et j'adore les SVT, je trouve ça très intéressant. En cours bien sûr, je ne m'amuse pas à regarder des documentaires etc. Je ne suis pas fille unique, j'ai une sœur de 18 ans et un petit frère de 12 ans. J'aime mon indépendance, je suis dans un petit appartement et ça me convient parfaitement. J'essaye de faire du tennis le plus souvent possible, ça me détend et me permet de me sentir bien. Et une dernière chose, je ne couche jamais le premier soir. »
Après cette dernière information, nous rions de ma « bêtise » ce qui permet d'instaurer une ambiance agréable entre nous. Je me sens bien, nous sommes sur la même longueur d'onde et c'est assez plaisant.
« Dois-je comprendre une demande d'un nouveau rendez-vous de ta part indirectement ? dit-il un sourire aux lèvres.
-Je ne suis pas si fourbe. Tout dépendra de la suite de ce dîner.
-Tu me supplieras de te demander de sortir une seconde fois à la fin de cette soirée, me répond-t-il sur un ton enjoué.
-Mais bien sûr, je lève les yeux au ciel. »

20 :53, le dîner se déroule à merveille. Benett est plutôt drôle, ce qui lui rajoute un petit plus à son CV. Nous parlons de l'une de ses mésaventures qui n'était autre que la découverte du wasabi lors de son premier japonais. Il me raconte que son père lui avait dit que c'était de la crème de pistache et que c'était très bon pour la santé. Il avait alors tout avalé et avait fini avec la bouche en feu et les larmes aux yeux. Son histoire est interrompue par mon téléphone qui m'annonce l'arrivée d'un message. Je survole la notification et je me mets à afficher un sourire béat face à ce sms. Je reviens vers Leroy et je m'aperçois qu'il ne me regarde plus avec ce sourire qu'il avait il y a 2 secondes.
« Qu'est-ce qu'il y a ?
-Rien rien.
-Du coup, tu aimes le wasabi ou pas après cette malheureuse expérience ? je rigole doucement et essaye de t'étendre l'atmosphère qui est alors devenue lourde et un peu tendue.
-Moyen.
-Je vois que nous avons échangé les rôles au vu de tes réponses sèches.
-Mh. »
Le malaise s'installe, sans aucunes raisons apparentes selon moi. La serveuse débarrasse nos assiettes, je lui demande de me resservir du rosé et lui demande la carte des desserts. Je repose mon regard sur Leroy, et il regarde derrière moi, l'air grave. Je me retourne et j'aperçois un serveur qui regarde vers notre table. Lorsqu'il me voit, il rougit, s'empresse de nettoyer l'une des tables et sans va. Je reviens vers Leroy et je comprends alors pourquoi il avait cette expression il y a quelques secondes.
« Ne me dis pas que tu faisais les gros yeux à ce serveur parce qu'il avait des vues sur toi ? je pouffe de rire à la suite de ma question.
-Tu te trompes, ce n'était pas moi qu'il regardait, mais toi.
-Et alors ? J'essuie les larmes qui allaient surgir suite à ma « blague » qui n'a fait rire qu'une seule personne.
-Il n'avait pas à te regarder. »
Mon ton et mon expression changent. Je me redresse et le regarde avec sévérité.
« Comment ça, « n'avait pas à te regarder » ?
-Laisse tomber. »

22:16, je suis rentrée. Je viens d'enfiler mon pyjama et je me pose dans mon lit. Je repense à la fin de mon rendez-vous, et honnêtement, je crois qu'une partie de cette soirée m'a échappé.

Be mine Où les histoires vivent. Découvrez maintenant