Conséquences 2

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Shen:

Nous nous promenons, elle m'emmène jusqu'à un ruisseau et elle s'installe sur un rocher plat. Énalïs tourne le visage vers moi. Quand ses cheveux bruns et épais volent dans ce mouvement de tête, je me sens hypnotisé. Je ferme les paupières pour me ressaisir.

M'indiquant que je peux m'asseoir à ses côtés, je m'y hâte. Son regard argent se perd dans l'eau qui ruisselle. Elle soupire, enfin elle ouvre sa jolie commissure...

- Tu me crois insensible, n'est-ce pas ?
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Répondre par une question à une question, veut dire que je n'ai pas tort. Je dis ça, car je ne me suis pas prononcée plus tôt. Je n'ai pas dit oui, de suite.
- Tu avais certainement tes raisons et réfléchir avant d'agir, n'est pas un défaut.

Son visage pivote pour que ses yeux gris me percent. Mon cœur part au triple galop, je le hais...

- Alors pour quoi, me trouves-tu insensible ?
- Tu as un côté froid, mais je sais que tu caches des émotions à l'intérieur. C'est physiquement que je ne trouve pas de sensibilité, voilà tout.

Elle reste les yeux rivés dans les miens sans rien rajouter, pendant un instant. Je m'enivre de son regard, j'adore et je déteste à la fois. Mes sentiments divergents, sont déstabilisants...

- Tu voulais parler de quoi ? Car je te rappelle que c'est toi qui as voulu une discussion.
- De ce que tu m'as avoué. Quels soucis nous allons avoir ?

Elle souffle longuement, avant de m'annoncer...

- Je suis discrète habituellement. Je sauve les gens, mais dans l'ombre. Les sangsues, comme tu les prénomme, ne doivent pas savoir que j'ai survécu.
- Comment ne peuvent-ils pas savoir avec ce que tu as fait à ta naissance ?
- Tu crois que le vampire qui devait nous tuer, s'est vanté d'avoir échoué avec moi. Tu imagines, il aurait été la risée du monde vampiresque, si jamais il s'était dénoncé. Ils racontent la légende à leur sauce.
- Et leur façon, c'est laquelle ?
- Ils disent qu'ils m'ont eu, tiens. Ils persistent à évoquer cette histoire pour faire peur. Ainsi, les vampires savent que s'ils tentent de faire un enfant avec une humaine, la sentence sera lourde de conséquences.

Je suis stupéfait par ses dires, mais en même temps, cela se tient. Autrement, elle aurait une multitude de sangs-froid à ses trousses...

- Alors, si tu nous offres ton aide, ils te trouveront ?
- C'est une possibilité.  Reste-t'elle évasive.

Je ne me penche pas plus sur ce sujet, mais j'ai bien saisi qu'elle dissimule la vérité. Une terreur me gagne et ma sagesse disparaît. Merde ! Je dois lui confier ce qui me tracasse...

- Tu as voulu ma franchise... Je me lève tellement que mes nerfs montent... J'ai dû tout de même avouer que je m'étais imprégné de toi ! Tu te rends compte de ce que ça peut faire ? Et toi, tu es floue quand tu parles de choses graves. Ce n'est pas équitable !

Elle se redresse pour me faire face. Ses iris remplies de colère pour ma façon de m'exprimer. Puis, ses pupilles se dilatent. Elle s'adoucit...

- Tu as raison et tu m'énerves pour ça. Et oui ! Oui, je comprends que c'était difficile pour toi de livrer ton imprégnation sans que tu t'y sois fait. En donnant mon entraide, ils seront. Voilà, tu sais maintenant !
- Alors, je vais trouver une autre solution.

Elle se met à rire et coupe toute ironie ensuite...

- Tu n'en as aucune autre et je dois venir, sinon ça sera un désastre.
- Tu as vu ça aussi ?
- Si je te dis, oui... Me crois-tu ?
- Malheureusement oui.

En s'asseyant, elle tapote la place à côté d'elle. Pour apaiser les tentions, je me pose et souffle lentement. Je ne sais pas ce que j'ai. Je n'ai jamais été si hors de moi et autant de fois en peu de temps. Est-ce la peur qui s'engouffre en moi, qui me fait cet effet ? Je songe que oui.

C'est une nouvelle fois plus fort que moi...

- C'est bizarre... Physiquement, tu ne fais pas soixante, mais ton langage non plus.

Je tente une approche douce pour arriver à atteindre un sujet précis...

- Tu as quel âge, toi ?
- Vingt-deux ans.
- Bah, tu ne les fais pas non plus verbalement. Avec ta courtoisie, on pourrait se demander d'où tu sors.   Sourit-elle.
- C'est vrai, il ne faut pas plonger dans les préjugés.
- Exact. Tu sais, en voyant que nous ne vieillissons plus, on s'adapte aux paroles qui changent.
- Tu avais quel âge quand tu as arrêté de vieillir ?
- Vingt-et-un. L'ancien âge que nous étions considérés comme adulte.

Je perçois qu'elle lâche la bride, alors je continue...

- Pourquoi cette froideur, alors que je sais très bien que tu as du cœur ?
- La vie t'offre des cadeaux, mais parfois elle te met des bâtons dans les roues. Des épreuves que tu ne comprends pas quand tu as quinze ans, mais que tu assimile ensuite. Au bout d'un temps, tu comprends que c'est pour t'endurcir.

Elle a lâché du lest. Avouant qu'elle a eu une horrible expérience à quinze ans. Les mots de Jim me reviennent.

Une décennie et cinq années de passée dans notre famille...

Il m'avait éclairé...

- Qu'est ce qu'ils t'ont fait ?  Ai-je osé demander.

Son silence est percutant. Sans savoir ce qu'elle a eu... J'ai mal ! Une crevasse s'étend dans mon cœur et mon âme. Cette souffrance est la sienne. Je ressens ce qu'elle éprouve. Je ne sais comment elle réussit à se contenir avec toute cette douleur qui surgit...

- Des choses écœurantes.  Finit-elle par dire.
- Les loups t'ont rejetée ?

Elle se détourne de moi. Mais sa tristesse, je la sens en moi...

- Vous, les loups n'êtes que des brutes. Des animaux aux réactions bestiales. Lance-t'elle avec amertume et sa voix est tellement enrouée.

Je perçois qu'elle se retient pour ne pas pleurer. Elle ravale ses larmes. Elle se relève et frotte sa combinaison en cuir, comme si de rien n'était...

- Il faut rentrer, j'ai sommeille.
- Très bien. Mais saches que nous ne sommes pas tous pareils.
- Car me faire revenir dans un passé douloureux, n'est pas torturer son prochain pour toi ? M'agresse-t'elle.

Et elle part aussitôt. Pas à vitesse humain, mais celle d'un vampire...

- Attends... Je ne voulais...

Je ne finis pas ma phrase, elle a totalement disparue. Elle me laisse comme un con sur place. Avec cette culpabilité qu'elle m'a fait goûter.

Je ne souhaitais pas la faire souffrir. Je désirais la connaître plus. Et cette révélation me saoule, d'ailleurs. Je suis comme elle, je ne voulais pas être lié, mais je suis contraint d'y être. Contraint d'admettre que cette imprégnation me perturbe et que je ne peux aller à son encontre.

Elle est plus puissante que moi et cela me démoralise. Énalïs aussi, probablement.

Peut-être que sa dernière réaction est réfléchie. Espérant ne pas être proche, elle a trouvé ce système. Si cela fonctionne pour elle, c'est loin d'être mon cas.

Je me pose lourdement sur le rocher. Je prends mon visage entre les mains. Je dois ressembler à mon père, ainsi.

Troublé par ce moment, également par mes sentiments qui ne naissent pas, mais implosent dans tout mon être. Contrôler tout ceci, est impossible. J'en prends malheureusement conscience...

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