2× Perte de Confiance

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Je n'étais pas parvenu à fermer l'œil de la nuit. Après tout ce qu'il venait de se passer, comment le pouvais-je ? Dès le premier rayon du jour, je quittai la demeure d'Erian. J'avais trop hâte de rentrer chez moi pour attendre son réveil et le prévenir de mon départ, tant pis. Je marchais d'un pas vif dans les rues du village, épuisé et pensif. Ma fatigue pourrait être vue comme suspecte, je ne devais rien laisser paraître et encore moins m'endormir en risquant de rater le vote matinal. J'entrai dans ma demeure en soupirant ; le temps allait être long.

Mon visage croisa alors son reflet dans un petit miroir pendu au mur. Je décidai de m'y attarder et pus constater que de grands cernes marquaient pleinement mes deux yeux verts. Je tentai de recoiffer avec mes doigts mes cheveux châtain qui avaient décidés de batailler en tout sens. J'avais mauvaise mine.

Je m'obligeai à avaler quelque chose avant de sortir de chez moi quelques heures plus tard. D'un pas pressé, je me rendis en direction de la place du village, lieu où l'on s'apprêtait à élire la personne que l'on pensait être un loup pour l'exécuter. Alors que je longeais une rue, je sentis soudain une poigne agripper mon bras et me tirer vers un coin plus en retrait.

- Eh ! Qu'est-ce que... !

Mon agresseur me plaqua contre un mur pour me mettre face à lui et s'empressa d'ajouter :

- Chut... C'est moi.

Erian. Rassuré qu'à moitié, je l'interrogeai du regard. Que me voulait-il ?

- Ce n'est pas très poli de partir sans dire au revoir, moi qui t'avais si gentiment hébergé... commenta-t-il d'un faux air contrarié.

- Excuse-moi... murmurai-je. Mais pourquoi avoir besoin de m'emmener à l'écart si c'est simplement pour me dire ça ?

- Je ne veux pas que nous soyons vus ensemble. Je préfère que nous brouillions les pistes. Si l'un de nous tombe au combat, l'autre doit pouvoir assurer la suite de la bataille.

J'hochai la tête, signe que je comprenais. Je m'apprêtai à partir mais il me retint :

- Attends. Je voulais avant tout te demander de ne rien dire à propos de ce que l'on a vu hier.

- Quoi ? Mais comment vais-je convaincre le village de la culpabilité du boulanger si je n'apporte pas de preuves ?

- Ne dit rien si tu ne veux pas de représailles de la part des loups-garous, ajouta-t-il sans m'apporter la moindre réponse.

Et il s'échappa ainsi, en se faufilant telle une ombre, pour me laisser à nouveau seul. Il n'avait pas tort, mais d'un côté j'avais déjà fait tuer plusieurs des leurs. Ils devaient déjà m'avoir dans leurs collimateurs. À mon tour, je quittai la rue en empruntant un autre chemin que le brun.

J'arrivai sur la place quand les débats animés par le maire débutèrent tout juste.

- Quelqu'un a-t-il une suggestion à faire ? interrogea-t-il l'assemblée.

Un silence, que je brisai de suite, accueillit sa question.

- Moi !

Toute l'attention reposa sur ma personne, comme toutes les autres fois.

- Nous vous écoutons, Sorën.

Je pris une inspiration avant de déclarer :

- Monsieur Jehan, le boulanger du village, est un loup-garou.

Celui-ci écarquilla les yeux, stupéfié que je l'accuse. Il se pensait insoupçonnable, et il l'était. Je ne me serais douté de rien si je ne l'avais pas surpris hier soir. Les images de son repas me revinrent en tête. Je les chassai rapidement alors qu'un haut le cœur me saisissait déjà. Quelle horreur...

À la Merci des Loups [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant