20. Nine

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Oz dort tranquillement à mes côtés. Il a décidé de me raccompagner chez ma mère. Le bruit du train ne le gène pas pour dormir. Mais moi, je n'y arrive pas. J'ai sommeil, je suis fatiguée, ça va bientôt faire deux jours et demi que j'ai pas dormi. Je pleure, mes pensées se font de plus en plus délirantes. J'ai même rêvé, éveillée, que je remontais le temps et que Jonas arrivait en moto devant le lycée. Qu'il descendait, courait vers l'infirmerie où j'étais en train d'essayer de dormir, et qu'on discutait. Je luis disais ce que je ressentais. Il ne pleurait pas mais en avait envie. Puis finalement, il a compris. Il ne m'a pas engueulé pour ma tromperie. Il n'a rien dit. Il s'est juste levé et est reparti. Sans un mot. Sans un regard, sans rien.

Le train ralenti. J'entends le nom de ma gare, je réveille Oz et on descend.

- T'as dormi ? Me demande-t-il.

- Non...

- J'ai reçu un SMS de mes parents. Ils sont okay pour venir me chercher n'importe quand. Je dors chez toi ce soir, ou pas ?

- Je... Je sais pas... Non, je crois qu'il vaut mieux que tu rentres. Je vais devoir affronter ma mère, seule.

Il hoche la tête, les yeux dans le vide.

- Tu peux me rappeler quel jour on est ? Avec tout ça j'en perds le fil.

- On est mercredi 10 Octobre, et il est 18h41.

- J'ai l'impression que cette journée est interminable... Ce matin, j'étais à l'infirmerie, puis on m'appelle en milieu d'aprèm, j'ai le temps de courir à l'université, de parler à une amie de Jonas, de revenir chez toi et de rentrer chez moi..

- Ça fait beaucoup, c'est vrai... approuve-t-il.

- Bon, je dois prendre le bus...

- Je t'accompagne jusqu'à ton palier !

- Bon...

On attend à l'arrêt. Je n'ose pas lui prendre la main. C'est trop tôt, pas juste après la mort de...

- C'est ce bus.

On monte dedans. Au fond, je crois me voir avec Jonas, puis je me rends compte que la fille n'est pas rousse, que le garçon n'a pas de barbe, et la main d'Oz me fait sursauter.

- Nine, vient on va s'asseoir à l'avant.

Je le suis. Ma tête dodeline, elle a une horrible migraine. Puis elle tombe sur l'épaule d'Oz, ses paupières se ferment.

Tout est noir.

Un peu plus tard, Oz me réveille.

- Je crois que c'est ton arrêt non ?

Je regarde dehors. Oui, c'est lui. On descend, et on marche quelques mètres.

- J'ai dormi combien de temps ?

- Dix minutes... À peu près...

On arrive chez moi.

- Bon ben... commencé-je.

Oz m'embrasse sur la joue. "Bonne chance..." me souffle-t-il à l'oreille.

Et je rentre.

Ma mère ne m'entend pas. Elle est dans la cuisine, et écoute la radio.

- Maman, c'est moi...

Elle sursaute. Puis elle coupe la radio.

- Nine ! Mais... Tu n'as pas cours ?

- Si, mais...

- Qu'est-ce que tu fais ici alors ? Ne me dis pas que tu es malade, quand tu as eu la gastro l'année dernière tu as tout fait pour ne pas rentrer !

- Maman, je...

- Tu sèches ?!

- MAMAN !

Elle se tait.

- Ça fait deux jours que je n'ai pas dormi.

Une lueur inquiète passe sur ses yeux mais disparaît aussitôt.

- Et j'ai préféré revenir ici pour...

Les larmes me montent aux yeux, sans aucune raison.

- Que... essayé-je de continuer.

Ma mère s'approche.

- Nine ?

Je tombe dans ses bras. Elle semble étonnée.

- Maman... C'est Jonas... Il est... pleuré-je.

- Qu'est-ce qu'il t'a fait ! S'exclame-t-elle.

Je la serre dans mes bras, et je sens enfin ses bras se poser autour de mon cou.

- Il ne m'a rien fait Maman... Il est... Il est mort, et...

- NINE !

Elle me tient par les épaules, et m'observe.

- Jonas... est... est mort ? Redemande-t-elle.

- Ou...Oui...

- Oh, grand Dieu, ma pauvre Nine !

Elle trace une croix sur son corps, regarde au ciel, et semble murmurer "Paix à son âme."

Elle a l'air sincère. Elle m'enlace.

- Ma puce, mon bébé. Mon amour.

Je pleure sur ses épaules, au rythme de ses petites frappes réconfortantes sur mon dos.

- Ma praline...

Maman... console moi, aime moi, aide moi...

- Mon chou...

L'amour de ma mère... Voilà ce qui manquait à l'équilibre précaire sur lequel était ma vie ces derniers jours. Elle seule pouvait m'aider, mais j'avais préféré la haïr.

- Mon poussin, mon chaton...

J'ai l'impression que tout l'amour qu'elle gardait enfoui en son sein, qu'elle ne voulait pas me montrer parce que je ne lui montrais pas le mien, tout cet amour était en train d'exploser, pour m'enlacer, pour me réconforter et pour me consoler, comme si une housse moelleuse de tendresse me tombait sur le corps et m'enveloppait. Tout cet amour que je n'avais plus vu ressortait en cet instant.

Ses bras me serrent encore plus près d'elles. Je sens mon torse contre le sien, mon buste contre ses seins, mon corps contre ma sainte. Ma Maman.

- Quand l'Amour disparaît, un autre apparaît ma Nine.

Parle-t-elle de celui que je retrouve avec elle, ou parle-t-elle en général ?

Puis elle s'écarte.

- Tu sais Nine, quand ton père a disparu, j'étais effondrée. Tu étais trop petite pour t'en souvenir... Mais chaque jour, je pleurais toute les larmes de mon cœur.

Je la regarde, ou du moins la vois floue à travers mes larmes. Je fais comme Oz le fait si souvent avec moi, j'attends qu'elle continue avant de parler.

- J'ai mis tout ce que j'aimais en lui sur toi. Tous mes rêves, toutes mes envies, toutes mes croyances...

Je tique au mot de "croyances." Ce pourquoi on était tellement en froid.

- Quand tu as,...voilà... avec J... Enfin, tu comprends... Eh bien, j'ai là aussi pleuré tout ce que je pouvais. Tu avais détruit tout ce que j'avais construit sur toi. Mais plus le temps passait, plus j'ai compris que tu l'aimais...

"Enfin... presque" pensé-je.

- Et j'attendais que tu veuilles bien faire un pas vers moi avant d'en faire un vers toi... Mais tu as mon caractère. Tu devais être aussi très rancunière...

- Je suis... fatiguée...

- Oui, bien-sûr. Je vais t'accompagner dans ta chambre.

Chose dite, chose faite. Tout ce qu'elle m'a dit tourne dans ma tête. Elle pose un baiser sur mon front, puis me laisse dans ma chambre. Je me mets en pyjama. Et je m'allonge dans mon lit. Mais avant, je regarde mon téléphone.

Oz : Alors cet affront ?

Nine : J'aime ma mère ! <3

Dieu est un astronauteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant