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Uta

J'ai eu la bougeotte tout l'avant midi et c'est à la limite si les professeurs n'ont pas eu envie de me renvoyer dans mon dortoir pour cesser de me voir si heureuse. C'est peut-être même la première fois qu'ils m'ont vue autant concentré dans mes études, ce qui les inquiétait presque.
J'ai apporté mon sac dans la classe avec nos bentos à l'intérieur et lorsque la cloche a sonné j'ai couru comme une folle. Je ne me suis arrêté que devant sa porte, totalement essoufflé, les jambes en feu et probablement rouge.

Je reprends mon souffle tranquillement alors qu'elle s'approche de moi en riant.
-Tu n'étais pas obligé de courir, je t'attendais sagement.
-C'était pour un service express.
-Merci, répondit-elle d'une très petite voix à la fois timide et incertaine.
-Pourquoi, dis-je étonnée.
-Rien.
Et lorsque j'ouvre les lèvres pour demander ce qu'il y a, elle me coupe.
-Non, ne demande pas. Je ne veux pas répondre, et elle ajoute tristement, désolé.
Je me mords la lèvre et un petit temps plus tard, je lui réponds.
-C'est ok, t'as le droit. T'excuser est inutile, c'est pas comme si tu m'avais frappé et rien expliqué.

Je finis en riant, pour lui montrer que je ne le prends pas personnel et elle en a l'air étonnée. Elle croyait quoi ? Que j'allais l'obliger, bouder ou crier ? Je la respecte, elle et ses choix même si je suis inquiète. Je crois qu'un jour ou l'autre je comprendrai d'une façon ou d'un autre et pour l'instant, je ne peux qu'attendre sagement. Je baisse mon regard vers ma nourriture et l'observe, je ne peux pas nier que cela m'affecte quand même un peu. Je crois qu'elle le remarque car elle s'excuse encore une fois en reniflant. Je relève la tête surprise. Non, mais ! Pourquoi elle pleure pour ça ? Ça ne va pas me tuer quand même. Je lui saute dessus subitement pour l'enlacer et lui caresser les cheveux d'un geste affectueux.
-Arrête de pleurer s'il te plait... dis-je d'un ton implorant, sentant les larmes refluer. Je t'ai dit que c'était rien.
-Mais tu mens !
-Non, j'ai dit que c'était rien, pas que ça ne m'affectait pas un peu, mais ce qui ne me tue pas me rend plus forte, lui dis-je en mi riant, mi pleurant.

Je ne peux m'en empêcher lorsqu'elle pleure, je suis triste aussi, alors les larmes coulent toutes seules. Elle finit par se reprendre, plusieurs minutes plus tard, mais je ne la lâche que lorsqu'elle me dit qu'elle a faim et que je l'empêche de manger convenablement. Malgré tout, maintenant je suis juste encore plus inquiète car en vérité je ne comprends pas ce qu'il se passe dans son cerveau de bolée. J'espère juste qu'elle se décidera rapidement à m'en parler.
Je l'observe pendant un long moment, oubliant de manger, tellement je veux rattraper le temps que j'ai perdu en ces deux semaines. Encore une fois, elle me fait le plaisir de signaler qu'elle déteste quand je la regarde ainsi.
-C'est pas comme si je pouvais m'en empêcher, tu es belle et j'ai pas le droit de te prendre en photo. J'ai deux semaines de retard, tu sais.
Elle s'étouffe presque en avalant et j'éclate de rire à la vu de son air ahuri.
-Ne dis pas ce genre de chose !
-C'est bon arrête d'être pudique.

Je ne la laisse pas répliquer et je lui mets un paquet de riz dans la bouche. Elle me regarde furax, mais j'hausse les épaules en riant, pour lui signifier que je ne la comprends pas d'être en colère. Malheureusement, elle se venge en me chatouillant. J'essaie de m'y soustraire en m'étalant contre le sol, mais c'est pire. Je n'ai plus aucun moyen de fuir ou de me cacher. Elle se met à califourchon sur moi pour continuer sa torture alors que je suis au bord des larmes. Lorsque je m'avoue vaincu, ce que je vois me coupe le souffle car de cet angle, elle est plus que radieuse. C'est grâce au soleil qui l'entoure d'un halo, ce qui lui donne l'air d'un ange ou de mon futur destin amoureux, celui qui s'accomplit peu à peu sans doute. Quel dommage de ne pas avoir le droit de la photographier, c'est tellement du gâchis face à une telle beauté. Je remarque ensuite notre position et je rougis, c'est presque indécent. Mes pensées sont obscènes. Elle tourne subitement la tête et essaie de se relever, mais je l'en empêche avec vivacité en la retenant par le haut de ses cuisses. Elle est surprise par mon geste, tout autant que moi d'ailleurs. J'hésite à la retenir si elle tente à nouveau de se relever. Je ne sais pas ce que je fais, ce que je peux me permettre. Malgré mes pensées, mes mains s'obstinent finalement à la tenir fermement par la taille pour l'empêcher de tenter de se lever. Je relève mon buste pour la prendre dans mes bras, tout contre moi. Elle me demande presque sans voix ce que je fais, mais je ne lui réponds pas car je n'ai rien à répondre.
Je ne sais pas... J'en ai juste envie depuis trop longtemps j'imagine.
Elle résiste un cours instant, mais voyant que je ne veux la lâcher, elle abandonne et m'entoure de ses bras. Je me blotti encore plus et subitement je la fais basculer pour être au dessus d'elle, être complètement contre elle. J'enfouis mon visage dans son cou et je la sens faire de même, je ne sens plus que son odeur de lavande. Je n'arrive pas à croire qu'elle utilise la même lotion qu'il y a cinq ans, ça toujours été mon odeur favorite et elle ne le sait que trop bien.
Je frissonne quelque peu au contact de son souffle contre ma peau et je crois que s'en est de même pour elle. Je suis sûre que toutes deux nous avons les mêmes envies et pour la première fois, je ne doute pas de ce que je pense.

Je la lâche que par obligation ; la cloche retentie indiquant que les cours reprennent. Je dois courir et même là je suis en retard, mais avec le plus beau sourire qu'ils n'ont jamais vu venant d'une personne retardataire. Heureusement, ils ne demandent pas pourquoi je sourie comme ça, j'aurais été contrainte de mentir. Ça aurait été étrange de dire que j'ai écrasé sensuellement ma meilleure amie que j'aime plus que tout au monde.

Il y a entre nous quelque chose malgré nous.    

Intempérance EnivranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant