OXYMORE

23 juin

Il est enfin sorti de son hall d'immeuble, un immeuble en ruine, un peu comme son âme.
C'est vrai, aujourd'hui est un autre jour, et nous nous rencontrons dans un tout autre endroit.

« Eh, tu sais quand je t'ai dis que j'étais mieux au quartier et qu'il fallait parler ici je plaisantais. Me regarde pas comme ça, j'te dis que j'ai pas toute ma tête en ce moment. J'ai rien en fait. »

Il s'assoit et tape sa cuisse avec la paume de sa main en essayant probablement de chercher un début à son discours. Il était pas doué pour ça, il aimait pas ça, parler. Lui, il préférait sans doute montrer aux gens qu'il aime comment il fonctionnait.

« Je sais pas comment ça a commencé. De toute façon les histoires dont on se souvient rarement le commencement en général finissent mal.
Non ! Non, c'était pas un coup d'un soir, sinon je ne l'aurais jamais revu et de toute façon, je sais que c'est difficile à croire mais j'suis pas comme ça. Je baise pas n'importe où à n'importe quel heure. Je préfère être sobre quand je le fais, me demande pas pourquoi, c'est normal non ? »

Il lève la tête pour jeter un regard à la fenêtre du sixième étage. En espérant surement apercevoir quelqu'un.

« De toute façon, j'ai commencé à virer depuis que je vis seul. C'est ça mon problème. Encore, quand j'étais chez la daronne, j'me retenais. Je faisais en sorte de rentrer clean à la baraque et d'afficher mon plus beau sourire juste pour faire plaisir à maman. C'était la base, il n'y avait pas de fierté avec elle, même si parfois j'étais le plus gros des batards. Mais là.
Attends. »

Il se lève et part rejoindre une gamine d'environ seize ans attendant devant le bloc de l'immeuble. Ils discutent, sans vraiment discuter, il agite ses mains, la veine sur son cou avait apparu d'un coup. Ils se disputent.

« Putain. »

C'est le seul mot qu'il a pu sortir. Il ouvre son paquet de cigarette, là où il avait glissé un joint. Il l'alluma sans pour autant tirer un coup.

« Elle casse les couilles à rester là devant. Elle sait pas que les fils de pute font que la regarder ou quoi ? Elle le fait exprès putain. J'ai confiance en elle tu vois, mais je fais pas confiance à ces fils de timpe là. Je sais comment ils fonctionnent, j'suis un gars aussi. Elle comprend pas elle. »

Il fume son joint sans dire un mot, un long silence qui dura un bon moment.

« Je me souviens de l'endroit où je l'ai rencontré. Elle m'est apparu comme un ange, un ange qui n'avait rien à faire dans un endroit comme celui-là. J'étais à la fois en admiration mais aussi dégouté parce que, j'sais pas, je savais que c'était pas un endroit pour elle. Je savais très bien que j'étais ni le premier, ni même le dernier à avoir essayer de l'aborder. Alors, elle était là, dans un coin sombre de la boite. Toute seule. Et t'sais, il y avait mes gars qui m'chauffer tellement bourré qu'ils m'ont encouragé pour se foutre de ma gueule. En temps normal, ils m'auraient dit " t'es sérieux mec vas-y laisse tombé. Qu'est ce tu regardes des raclis comme ça ! " Et puis les néons bleutés dissimulaient sa peau blanche. C'était pas une fille d'ici, pas une fille que je croiserai à chaque coin de rue, elle, elle ressemblait pas à ces meufs brunes, pot de peinture. Elle était simple. »

Il s'arrête faisant un semblant de reprendre son souffle, il regarde le sol et puis reprend :

« Elle était unique. »