OXYMORE

25 juin

On pouvait l'apercevoir sur le toit d'en face. Il avait besoin de réfléchir et de rester seul, comme chaque jour depuis un an. Mais tous le monde avait le droit de le regarder, c'était un bel homme. Des yeux clairs et un visage terne sur lequel se dessinait des cernes, des cernes qui en disaient long sur ses nuits; sur ses insomnies. Il se cachait souvent sous sa casquette, je crois qu'il n'aimait pas qu'on le regarde. Ses cheveux châtain mi long toujours attachés.
Et puis, il avait aussi ce haut trop large qui porte a chaque fois parce qu'il n'est pas du genre à porter des hauts moulants pour faire ressortir ses heures de musculation à la salle de sport.
C'est un bel homme.

Il pouvait la remplacer en un claquement de doigt. Mais cette fille l'avait tellement marquée.

Plus tard dans la journée, nous nous rejoignîmes en bas, dans un coin isolé, qu'il appréciait.

« Elle m'a rendu dingue. Complètement dingue. Au point où nous deux ça devenait jamais sérieux. C'était pas de l'amour qu'on avait, non c'était plus fort que ça je crois. C'était un sentiment qu'on ne connaitra jamais, qui va au dessus de tout ce qu'on peut ressentir dans une vie.
En fait. Ouais. C'est ça. »

Il se relève pour sortir de sa poche de son jean un briquet et allumer comme à son habitude une cigarette.

« On avait pas besoin de se montrer, alors qu'en général, les meufs d'ici avec qui j'me frottais c'était des meufs hyper extravagantes qui aimaient s'afficher avec un beau gars comme si c'était un trophée et t'sais, elles aimaient bien genre caresser mon bras devant d'autres meufs qui passaient juste pour faire capter à l'autre que j'appartenais à cette pute. Tu vois. J'étais pas un objet avec elle, on se retrouvait seul, on aimait l'être et en publique on ne se connaissait plus.
C'était bancale et c'est ce que j'aimais d'un côté. Ça me dérangeait pas. Elle fonctionnait comme ça et pour une fois j'avais envie de changer les choses et d'essayer un truc différent tu vois ? »

Il jette sa cigarette, recrache sa dernière taffe et s'étire.

« Elle en avait marre qu'on se voit à des endroits cachés à chaque fois alors elle a commencé à déserter. À me faire péter les plombs parce que princesse n'avait plus envie de s'afficher en publique. Elle avait ce côté asociale, ce côté qu'elle combattait tous les jours mais qui, lorsqu'elle baissait les bras, reprenait le dessus et la bouffait. Elle était instable et elle ne demandait jamais de mon aide. Puis un jour elle est venu chez moi, je lui avais indiqué le bâtiment, l'étage et la porte et en ouvrant la porte elle m'a sauté dans les bras. En pleine nuit. Comme une gamine en détresse, qui avait peur du noir ou de je ne sais trop quoi. »

Il marque une pause, de gratte la nuque et soupire.

« Elle repartait à l'aube comme si sa venu n'était qu'une erreur. Qu'elle avait commis une faute et qu'elle regrettait un peu. Pourtant j'avais bien dormis ce soir-là. Elle était dans mes bras et elle a juste dormi tu vois. »

Il regarde à sa droite avant de poursuivre.

« Elle aimait les livres, elle était en fac de lettres modernes. Elle pouvait venir avec cinq ou six gros bouquins à la maison et les empiler chez moi. »

Il tire la gueule.

« Ça m'saoulait. Mais je pouvais rien dire c'était pour ses études. Je me souviens qu'en rentrant des cours elle s'asseyait au sol et elle ouvrait ses livres pour y surligner des mots, déchirer des pages de devoirs rédigés, des trucs comme ça. Jusqu'à que je retourne dans la pièce où elle taffait et que je la vois allonger sur ses livres toute épuisée. »

Il baisse la tête et sourit.

« Elle était mignonne, ce sont des petits moments comme ça qui me rendait dingue. »