1 juillet

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Je voulais savoir comment il allait, je voulais qu'il relève la tête, je le connaissais à peine mais il prenait désormais une assez grande place dans ma vie. Je commençais à comprendre ce qu'il ressentait et à chaque fois qu'il me racontait, j'imaginais et je vivais la scène. Le ressenti était tellement réel, je vivais leurs crises, leurs coups de gueule et leur passion. Et je ne saurai vous dire si c'est de l'amour ou de l'attachement. Comme Yazîr disait, c'était bancale et c'était pas de l'amour, mais bien plus que ça. C'est fort et ça nous prends aux tripes, c'est agréablement douloureux.

Je tape à la porte mais ça ne répond pas. Je pose la main sur la poignet, la porte n'est pas fermé à clef. J'entre dans l'appartement en désordre, un bordel général qui reflétait son âme.

Je le vois assis sur une chaise en face d'une des fenêtres de sa chambre, les yeux rivés sur les cordes qui tombaient. Le bruit de la pluie fait qu'il n'entend plus rien à part ce dernier. Il ne remarque pas ma présence. Il a le regard vide.

« C'est son anniversaire aujourd'hui. »

Il renifle et essuie d'un coup de manche ses yeux trop rouges, trop creux, trop cernés aussi. Il n'a envie de rien, il est totalement vide et rien ne pourra raviver son cœur malade.

« T'attends p't-être la fin de l'histoire. Comment je l'ai perdu. J'ai joué au con, un gros con ouais. »

Sa jambe tremblotait, il soupira et se lança dans un grand monologue :

« Elle est pourtant revenue, un mois plus tard. Elle a tapé à la porte, j'ai ouvert et je l'ai vue. J'ai eu peur. Trop pâle, trop mince, trop blonde pour une aussi belle meuf au cheveux brun. Elle avait changé et j'en avais aucune idée. Je vais pas te mentir, j'ai essayé de la chercher mais elle disparaissait avec une telle transparence que le monde pouvait croire qu'elle n'avait jamais exister. Impossible de la retrouver. Elle était là devant la porte et elle m'a juste dit désolé et moi je lui ai dis non arrête t'as pas à l'être et elle me répète qu'elle est désolée puis elle est repartie juste après m'avoir dit qu'elle se sentait perdu et qu'il fallait qu'elle s'oublie, puis elle a touché son coeur, ce geste qui m'a marqué. Comme si elle voulait se l'arracher et c'était violent. »

Il imite le geste.

« Elle m'a encore dit désolé et elle a disparu. Tu sais, j'étais très remonté, un peu trop. Je lui en voulais beaucoup et puis je me suis fait à l'idée : il fallait que je l'oublie. Du coup j'ai arrêté d'ouvrir la porte, en vrai j'avais arrêté d'espérer la voir en me réveillant. Une partie de moi m'a donné l'ordre de l'oublier tu vois. Je commençais à en avoir rien à foutre de ce qu'elle pouvait faire de ses journées, tant qu'elle était en sécurité. J'voulais juste pas qu'elle fasse la conne, je savais qu'elle voulait être seule, se reconstruire un truc du genre. Puis un dimanche matin elle a fait que taper à la porte et moi j'avais la haine tu vois, je lui en voulais de disparaître alors j'ai pas ouvert pour qu'elle comprenne. J'ai finis ma nuit, j'me suis levé et j'ai ouvert la porte et je vois qu'elle avait dormir sur le paillasson. Elle s'est levé, je l'ai pris par le bras et je l'ai poussé dans l'appartement. Je lui ai gueulé dessus, pour comprendre ou p't-être pour extérioriser ma rage. Pourquoi y'avait qu'elle qui me faisait tourner la tête comme ça hein ? »

Il s'arrête un moment, comme pour attendre une quelconque réponse. Il prend une cigarette et l'allume.

« Ensuite elle m'a regardé avec ses yeux de gosse et m'a parlé avec sa voix de femme. Je crois qu'elle essayait de grandir et qu'elle n'y arrivait pas, que son côté enfantin la mettait dans tout ses états. Après cette dispute elle a encore désertée et moi, tu vois, ça m'changeait. J'étais désagréable avec tout le monde et je me renfermais sur moi-même parce que, j'sais pas j'avais le sentiment d'être abandonné. »

Il écrase sa cigarette en plissant ses lèvres puis soupire pour enfin reprendre.

« Elle est revenue quatre mois plus tard et ce jour-là j'avais pas fermé la porte, j'sais pas comme un pressentiment tu vois. J'avais pas fermé l'oeil de la nuit, j'entendais juste ses petits pas de souris et elle s'est allongée dos à moi. Elle voulait pas me faire face et moi non plus. Son retour il m'a grave chamboulé et j'avais le coeur qui battait à mille. Je t'avoue que je voulais surtout lui crier dessus, lui hurler qu'elle ne devait plus faire ce genre de chose. Ses allers-retours m'ont rendu dingue et j'avais comme.. Plus la force pour cette relation. Mais je lui ai juste dit arrête de faire ça, arrête de t'en aller et elle n'a pas répondu. Elle s'est mise à pleurer alors je me suis retourné et elle avait encore maigris, elle était très faible. Elle m'a montré un bipeur et je me suis senti con. En sah, j'me suis senti comme le plus gros fdp qu'à jamais existé sur cette terre. J'ai rien vu, et là je vois qu'elle attend un donneur pour son coeur. »

Il essuie ses yeux avec sa manche.

« Je voulais exploser, tout cassé, péter mes phalanges contre ce putain de mur mais j'ai juste réalisé que tout ça était vraiment bien réel lorsque j'ai vu son bracelet d'hôpital sur son poignet. Ouais. J'ai longtemps regardé ce putain de bracelet et puis je pouvais pas alors je me suis levé et j'ai tout cassé, tout. J'ai rien laissé. J'étais zehef. Pas contre elle. Contre le monde, contre la vie. J'ai vu que ça ne l'aidait pas alors j'ai rejoins le lit, elle pleurait encore, je l'ai serré dans mes bras et elle m'a dit entre deux sanglots : ne m'oublie pas. Je lui ai dit que ça n'arrivera jamais, qu'elle devenait complètement folle. Je lui ai embrassé les cheveux puis elle est partie et je ne l'ai plus jamais revu. »

FIN

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