Chapitre 5

965 44 2
                                    

La tête passée dans l'entrebâillement de la porte, que j'ai rejointe avec crainte, une bouffée d'angoisse me prend :

- Jonathan ? Je demande, d'une voix plaintive et hésitante.

Bien entendu, il n'est plus là. Du couloir, seul me provient un courant d'air froid qui me glace le visage.

Qu'est-ce que je fais ? Est-ce que je reste là en prenant le risque qu'il tombe malade, ou est-ce que j'y vais, dans l'espoir de le rattraper et je m'hasarde alors à me perdre dans ce vaste univers ?

Je déglutis. Je suis comme sur un radeau, perdu sur les flots d'une mer sombre et agitée lors d'une nuit sans lune. Pourtant, depuis peu, un phare illumine mon monde obscur dans lequel je suis plongé. Et il a un nom : Jonathan.

Pour lui, je me fais donc violence, et sors avec appréhension de la pièce. Une main sur le mur le plus proche de ma chambre, l'autre qui tient fermement l'écharpe du bénévole, j'avance vers la gauche car c'est de là que provient l'air frais.

Au bout de quelques pas, je me traite tout à coup d'idiot de penser que je peux encore le rattraper. Toutefois, maintenant que je suis sorti, il me semble difficile de retenir ma lancée.

Je me dis, qu'au pire des cas, si jamais je ne retrouve effectivement pas mon ami, le mur me servira de fil d'Ariane pour me reconduire jusqu'à ma chambre dont j'ai laissé la porte entre ouverte, afin de pouvoir facilement la retrouver en cas de besoin... Sauf si quelqu'un la ferme entre temps, bien évidemment... Il me faudra alors prier pour trouver un bon samaritain sur le chemin qui pourra me raccompagner car je n'ai aucune idée où elle se situe et encore moins quel est son numéro...

Je hèle un peu plus fort le nom du jeune homme tout espérant que mes inquiétudes sont inutiles et que je ne me suis trompé de direction en choisissant celle-ci. A mesure que je prends de l'assurance, mon pas est de plus en plus rapide dans le couloi,r que je parcours dans sa longueur. Mes doigts glissent légèrement sur le papier peint du mur qui me sert de repère.

Ce qui m'est le plus insupportable dans cette histoire c'est qu'avant d'avoir perdu mon sens, j'étais un garçon plutôt fonceur et téméraire, sûr de ses désirs, bref bien loin de l'image du jeune homme craintif et dépressif que je peux offrir à Jonathan et aux autres aujourd'hui... Ainsi, la nuit de ma tentative de suicide, je n'avais pas seulement perdu la vue mais également toute confiance en moi alors que je ne peux plus me déplacer qu'à l'aide de mes mains et de mes deux oreilles... Et je veux corriger cela.

Mon cœur se met justement à battre plus fort lorsque ces dernières me rapportent le son de la voix de Jonathan.

Toutefois, ma joie d'avoir pu de manière inespérée le retrouver à temps pour lui rendre son écharpe, part rapidement en fumée lorsque j'en devine une autre, cette fois féminine, lui répondre.

Est-ce son rendez-vous ? Il se peut très bien qu'il s'agisse d'un autre bénévole... Dans tous les cas, les signaux m'indiquant que j'arrive trop tard me vrillent le cerveau.

Je me sens tout à coup stupide et déçu de l'infructuosité de mon acte. Je ne veux pas le déranger. Ou peut-être que si, en fait... Non, je n'ai pas le droit, je ne dois pas m'imposer dans sa vie privée : il fait seulement son boulot quand il est avec moi et en dehors il...

- Alexandre ?

Trop tard, quelle que soit la manière dont cela s'est déroulée, il m'a vu alors que je commençais lentement à rebrousser chemin vers ma chambre. Ses bruits de pas se rapprochent vers moi, je lui montre son écharpe pour toute explication.

Conte de Noël (homo-érotique)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant