Chapitre 8

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Quelques secondes plus tard, Benjamin pousse un cri.

Je perçois des bruits de corps qui tombent et d'autres qui m'indiquent qu'ils se battent au sol.

Je suis comme fou, à ne pas voir ce qu'il se passe, ni comment aider l'infirmier, alors que je les entends grogner et s'insulter. Benjamin se met à vociférer :

- Putain, t'es qui connard ? Lâche-moi ! Au secours ! On m'agr..AIE !

Il termine sa phrase dans un couinement de douleur qui me ravit, alors que je ne les entends plus combattre.

- Tu as bien du toupet de crier à l'aide, espèce de sale raclure ! Qui je suis ? Son petit ami bien entendu ! Lui répond Jonathan d'une voix affirmée.

Un silence s'installe brusquement dans la salle et je me sens tout à coup, et ce de manière inattendue, perdre pied : son... Petit ami ?

- Il ne m'a rien dit à ce sujet ! C'est que tu ne dois pas être si important ! Grogne Benjamin en retour.

Scandalisé par cette remarque, le judoka me devance de peu en rétorquant vivement :

- C'est surtout parce que je n'ai pas encore fait mon coming-out ! Il garde le secret le temps que je l'annonce le soir de Noël à ma famille et à mes amis, n'est-ce pas chaton ?

Depuis l'arrivée de Ben, mon ascenseur émotionnel opère sans arrêts des remontées et des chutes libres : alors qu'il y a quelques secondes à peine, j'étais figé par la peur, maintenant Jonathan me présente comme son petit ami et m'appelle même « chaton »... Inutile de préciser que malgré la gravité du moment et le fait qu'il joue bien entendu la comédie devant mon ex, cela me procure des bouffées de sensations bien plus positives ... J'en rêve tellement !

Bien que chamboulé par tout ce que j'ai vécu ces derniers instants, avec une crise de nerfs qui menace d'éclater à tout instant, je finis toutefois par bégayer un « O... Oui, c'est vrai... » afin d'accréditer ses dires.

Un autre silence s'ensuit. Benjamin ne semble toujours pas pouvoir bouger, ce qui me laisse penser que Jonathan est en train de l'immobiliser avec une prise au sol, sûrement apprise grâce au judo qu'il m'a dit avoir pratiqué durant de longues années

L'immobilisé finit ainsi par malgré tout capituler :

- Ok, ok, je me casse alors...

- Très bonne idée. Confirme Jonathan.

Je les entends alors de nouveau bouger et me mets à trembler en songeant que, si Benjamin se mettait de nouveau à l'attaquer, je ne serais d'aucune aide à Jonathan.

- Je te conseille vivement de ne plus jamais t'approcher de lui... Ajoute l'infirmier en grinçant ses dents.

Toutefois, il ne connait pas Benjamin : moins bon avec ses poings, il se met plutôt à répliquer avec sarcasme :

- Très bien, je te donne alors juste un conseil, en tant qu'ex : n'hésite pas à bien lui bourrer le cul, il adore ça ! Et même à inviter tes potes, c'est une vrai petite chi...

Mais il ne finit pas sa phrase qu'il se met déjà à hurler de douleur, juste après qu'un craquement sinistre se soit fait entendre :

- Casse-toi. Maintenant. Ou je te démolis.

Un long frisson me parcourt l'échine aux mots empreints d'une colère froide que Jonathan vient de prononcer.

Benjamin quitte enfin la pièce de manière gauche et précipitée, tout en l'insultant copieusement et en le menaçant de déposer plainte contre lui. C'est en tout cas ce que j'en déduis des différents bruits que je perçois, et qui deviennent de plus en plus lointains à mon oreille.

- Hé, ça va ?

Je sursaute brusquement et tourne mon visage vers Jonathan, qui s'assoit doucement près de moi. Aussitôt, je sens les larmes venir à mes yeux et se mettre à couler sans retenue. Mes nerfs lâchent enfin : j'étais passé, en un quart d'heure, par toutes les émotions qu'un être humain pouvait vivre simultanément mais c'était surtout la peur envolée, et le soulagement ressenti, qui me subjuguaient à présent.

- Je... Je suis tellement désolé ! Je balbutie en m'effondrant contre lui.

Il m'accueille doucement entre ses bras.

- Ne t'excuse pas, il ne m'est rien arrivé et surtout il ne t'est rien arrivé à toi ! Bon, c'est vrai que j'ai peut-être un peu mal aux phalanges mais je peux te dire que ça m'a fait sacrément du bien !

Je me mets à pouffer en sanglotant tout contre son torse, ce qui donne un curieux mélange d'hilarité couplée à une grande tristesse, mon torse se soulevant spasmodiquement sous les coups alternatifs des rires et des pleurs que je produis.

Suivant ses conseils, qui me sont chuchotés au creux de l'oreille, je finis par inspirer et expirer longuement en me ressourçant au passage de sa chaleur et de son odeur qui m'apaisent, tout comme la caresse de sa main sur ma nuque.

- Je ne me le serais jamais pardonné s'il t'avait fait du mal. Je finis par murmurer contre son pull en laine, baigné de mes larmes.

- Moi non plus, je ne regrette vraiment pas d'être intervenu dans vos retrouvailles, quand je vous ai entendu crier. Avant, vu le ton que vous preniez, je devinais à travers la porte que votre conversation n'était pas terrible mais, parfois, ce genre de discussion est nécessaire... C'est le fameux ex c'est ça ? Comment as-tu pu rester un an avec un tel pervers narcissique, manipulateur ?

Je reste quelques secondes sans répondre avant de souffler :

- Le dicton dit qu'il vaut mieux être seul que mal accompagné mais... je déteste être seul. Vraiment. Alors j'en paie forcément les conséquences...

- Le prochain, il faudra qu'il ait d'abord mon aval !

Je ris doucement. Le rêve où c'était lui, le suivant, prend donc officiellement fin ici.

- Il n'y en aura pas, qui voudrait être avec un handicapé ? Je soupire.

- Moi ça ne me dérange pas.

- Tu ne trouves pas que je fais pitié ? Ou que je suis ridicule ?

- Non, tu es un combattant. C'est lui qui est faible, il le sait et il ne le supporte pas.

Ses réponses me font rougir de plaisir alors que je me colle un peu plus contre lui, réconforté. Il doit bien être le seul à penser tout cela. Non, en réalité, peu importe des autres : je ne veux que lui.

Soudain, un passage de notre confrontation me revient en mémoire et je finis par bégayer, inquiet de son opinion sur ma personne. :

- Jonathan je... Je ne suis pas une ch...

Un doigt sur ma bouche m'empêche de prononcer le mot fatidique et il réplique aussitôt :

- Je sais, il voulait seulement me faire du mal et te blesser. De toute manière, une fois que cela se passe sous les draps entre adultes consentants, et ce quel que soit leur nombre, cela ne regarde personne d'autre.

Rassuré par ses propos, lové au creux de ses bras protecteurs et rassurants, je prends tout à coup une résolution pour mon avenir proche : le cœur battant, je décide que le soir de Noël, et ce malgré toutes les conséquences que cela pourrait induire, je lui confesserai l'amour que j'éprouve pour sa personne.

Conte de Noël (homo-érotique)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant