Souvenir enfantins

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-Margot ?

Une fillette se leva et courut.

-Margot, viens ici s'il te plait ! répéta l'homme.

La fillette sourit, et se sauva dans la direction opposée. Elle s'élança dans une grande salle au parquet lustré au pas de course, avant de s'engager dans un long couloir.

L'homme se leva, et se dressa de toute sa hauteur avant de partir à la poursuite de la gamine. Cette dernière, presque arrivée au bout du couloir, se retourna juste avant de se sauver dans une autre pièce, et tira la langue.

Une belle femme aux boucles châtain vint vers eux en marchant doucement. Sa robe ondulait à ses pieds.

-Margot, ma petite fille chérie, viens par ici, dit elle.

-Maman ! s'écria la fillette.

-Ma jolie, adorable petite Margot, ne fait pas courir ton père ainsi !

La fillette se tourna alors vers l'homme qui venait d'ailleurs vers elles.

-Papa... murmura-t-elle.

L'homme soupira. Puis faisant mine d'approcher l'air de rien, il attrapa soudain la gamine dans ses bras et l'embrassa dans le cou. La petite éclata d'un rire clair d'enfant, et essaya de se débattre, mais son père faisait trois fois sa taille et la tenait fermement en l'air.

La fillette cessa alors de bouger et fixa son père dans les yeux.

-En bas ! ordonna-t-elle en désignant le plancher du doigt.

L'homme fronça les sourcils et tourna l'enfant à l'envers.

Elle éclata de nouveau de rire. L'homme la remit à l'endroit, et la fillette en profita pour filer entre ses mains. Sa mère sourit, et ouvrit une porte à travers laquelle la fillette s'empressa de passer.

Soudain, l'enfant s'arrêta net.

Devant elle se dressait un objet inconnu, gigantesque et noir.

Prudente, Margot recula de quelques pas. Elle n'avait pas confiance en ce qui lui était inconnu. Mais cet objet là ne lui inspirait aucune crainte. Au contraire, il l'attirait.

Hypnotisée par l'étrange monstre de bois peint, elle n'entendit pas sa mère approcher dans son dos.

Celle-ci la dépassa, et s'approcha du mystérieux objet.

Soudainement inquiète pour sa mère, Margot poussa un petit cri. Mais sa mère continua sa route, elle marcha jusqu'à pouvoir effleurer l'objet de bois.

Elle s'assit alors sur un siège présent devant, et souleva une sorte de couvercle.

Dessous se trouvaient, à la grande surprise de la fillette, non pas une bouche béante prête à avaler sa mère, mais un curieux assemblage de petits rectangles noirs et blancs.

-Maman ?

- Oui, Margot ?

-C'est quoi ?

La femme ne répondit pas, mais sourit. Elle prit la petite sur ses genoux.

-Ecoutes, Margot...

En disant cela, elle posa un doigt sur l'une des touches blanches, en faisant jaillir un curieux son.

-Maman, c'est quoi ? Redemanda la petite, l'innocence dans la voix.

-Je t'ai dit d'écouter, Margot... allez... ferme les yeux, et écoutes...

La fillette s'exécuta à contrecœur.

Sa mère avança les mains, et les posa sur les touches.

Un accord... deux accords... trois accords...

Ne pouvant plus résister, la petite rouvrit les yeux. Les mains de sa mère virevoltaient au dessus du clavier, aériennes, légères, et se posaient avec délicatesse sur les touches.

La petite attendit la fin du morceau de sa mère, des étoiles dans les yeux.

Quand vint la dernière note, la femme demanda :

-Alors, Margot ?

-C'est très beau, maman. Tu m'apprends ?

-Patiente, ma petite Margot. Je suis sûre que tu deviendras une grande pianiste.

-C'est vrai ? S'enthousiasma la fillette.

La mère acquiesça. Le père prit Margot à sa mère, et s'assit par terre, la petite sur les genoux.

-Encore, maman ! S'il te plaît !

Le femme sourit, et entama un nouveau morceau.

La musique, triste, mélancolique, résonna dans la pièce. Fascinée, Margot quitta les genoux protecteurs de son père et s'approcha de nouveau du piano.

Irrésistiblement attirée, elle posa sa main sur le bois verni parfaitement noir.

Le piano l'appelait... elle en était sûre...

Piano StoryWhere stories live. Discover now