C'est ainsi, fantôme blanc enveloppée d'une robe décolorée, que je marche doucement dans les couloirs de Versailles.
C'est un palais... immense...
Je m'y perds, me cogne, me prends les pieds dans les rideaux trop longs qui caressent le sol.
Moi, petite fille fragile et faible... ne suis pas faite pour ça.
Depuis que nous sommes arrivés, il y a quelques jours de cela, je ne suis sortie de ma chambre que peu de fois. Le Roi a fait venir des dizaines de serviteurs autour de moi, mais je n'ai besoin de rien.
Juste...
D'un piano. De mon Piano.
Le musicien du Roi, le célèbre Vivaldi, m'ene prête un. Mais celui-ci sonne faux, tout comme l'homme qui me l'a prêté. Tout deux me sont hostiles. Je n'aime pas la vibration qu'a ce gros boitier noir et gras contre mes mains frêles qui tentent malgré tout de danser avec lui. Il me refuse.
Me repousse.
Je ne veux pas jouer avec ce piano.
Mais ce n'est pas comme si j'avais le choix.
Comme un animal sauvage, je tente chaque jour de l'apprivoiser, mais cet bête est hostile à ma présence et froide. Elle ne m'aime pas.
Mais sur la scène, je n'aurais guère le choix, je me verrais obligée de poser mes doigts sur son clavier glacial et de jouer avec lui, quelques minutes au moins.
Et son maître... Vivaldi...
Je l'admirais, plus jeune. Ma mère avait quelques partitions de lui, je les trouvais magnifiques. Ces points noirs qui semblaient si légers sur les lignes parfaitement droites, sans courbes, si fragiles et en même temps si puissants...
En réalité, je n'ai jamais vraiment appris à lire des partitions. De toute façon... à quoi cela m'aurait-il servi..? Avec l'état de mes yeux...
Le peu de morceaux que je connais, c'est ma mère qui me les a appris. Elle jouait, je recopiais ses mouvements.
Parfois, rarement, une seule fois me suffisait.
Mais le plus souvent, il fallait que nous reprenions ensembles.
Ces moments de joie partagée me manquent... je ne peux plus faire ça... jouer, avec quelqu'un. Mon père n'accepte plus de trop s'approcher d'un piano, il fuit leurs chansons mélancoliques pour se réfugier dans ses songes, loin de "ces monstres qui lui rappellent ma mère", comme ils les appelle.
J'ai... mal pour lui.
Les serviteurs n'ont pas le droit de toucher au piano, ordre de mon père qui veut que l'instrument conserve pour toujours l'âme pure de ma mère qu'il pense en partie restée dans le piano de bois noir.
Seul moi, sa fille, aussi pure, fluette et fragile que ma mère, ai le droit d'en jouer.
Honnêtement, je ne trouve pas cela particulièrement injuste.
Juste...
Peut-être un peu.... égoïste...
Mais qui suis-je pour en penser quoi que ce soit?
Je n'ai droit à aucun écart de conduite. Je dois être parfaite.
Pour mon père... tout ce que je fais est pour lui.
Jamais je ne serais venue de mon plein grès.
"Toc toc".
-Entrez..., soufflais-je.
J'entends des pas se rapprocher du lit blanc sur lequel je me suis assise, lasse de me promener.
-Ma chérie..?
C'est la voix de mon père.
-Voudrais-tu m'accompagner dans les jardins?
-En quel honneur?
C'est une technique utile. Esquiver une question en en posant une autre.
-Allons, ma fille... je voudrais juste... passer du temps avec toi!
J'hésite.
Passer du temps avec mon père... ce n'est pas... que ça ne me fasse pas plaisir, bien au contraire!
Mais...
Quelque chose, au fond de moi, me contredit.
-Alors?
-J'ai de la chance d'avoir quelqu'un comme vous, père.
A tâtons, je me rapproche de lui.
Un main, épaisse et rugueuse, se pose sur la mienne.
-Viens, me murmure mon paternel.
Sur ses pas, je me lève et le suit dans les couloirs.
A notre passage, les domestiques se retournent.
"Comment osent-ils?"
"J'ai entendu dire que c'est un père et sa fille."
"Il serait veuf!"
"Et elle, pas même mariée!"
"C'est presque insultant!"
S'ils pensent êtres discrets, c'est raté. Rien n'échappe à mes oreilles.
L'emprise de mon père se resserre, emprisonnant ma frêle main au creux de la sienne. Apparemment, lui aussi a entendu. Mais...
-Père... lui soufflais-je doucement. Vous me faites mal..!
Mais il ne laisse pas à ma main le loisir de respirer, et oppresse toujours ma main. Cette présence forcée me dérange.
Il accélère, m'obligeant presque à courir derrière lui.
-P-père! articulais-je difficilement.
-Nous arrivons.
Sous la fine semelle de mes sandales, je sens les graviers remplacer le parquet lisse.
Le soleil caresse ma peau, blanchâtre d'après les domestiques, et couvre mon esprit d'un doux manteau de chaleur.
Mon père lâche ma main.
-Nous sommes arrivés à temps! Les fontaines vont s'allumer. Tu vas voir, c'est magnifique, parait-il. Enfin... "voir", tu m'as compris!
Oui...
Je sais...
J'ai compris...
Et malgré mes yeux aveugles, un frêle rayon de soleil s'est trouvé un chemin et inonde mon âme de lumière.
Bon... comment dire?
Je tiens d'abord à m'excuser d'avoir mis autant de temps avant de poster la suite. Ce chapitre n'a pas été si long à écrire, mais j'ai du beaucoup travailler pour d'autres choses.
Ensuite, je voudrais remercier tous les wattpadiens qui suivent cette histoire, demandent la suite et complimentent. Parfois, on a l'impression que juste un petit message ou commentaire, ce n'est pas grand chose, mais ça fait immensément plaisir.
Au tout début, quand j'ai commencé cette histoire, je n'aurais jamais pensé que des personnes la liraient. En fait, je l'ai commencée juste parce que j'aime le piano.
Et c'est parti beaucoup plus loin.
Comme avec mes autres histoires, j'ai vraiment toute l'intrigue en tête, mais l'écrire prend du temps pour ne pas aller trop vite, sauter des choses ou perdre la poésie des lettres.
J'espère que la suite sortira bientôt!
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Piano Story
SpiritualMargot Walker est une jeune fille aveugle. Délaissée par la vie, son seul plaisir est de jouer du piano, cet instrument qui la mène au pays des rêves. Lorsque ses doigts dansent sur les touches, elle oublie ses cauchemars. Mais son talent lui apport...