Lilium

01 - Plénitude

D'après mes notes, ce devrait être ici.

Face à Lucina se dressait une vieille librairie à l'architecture victorienne. Cela faisait plusieurs heures déjà que la jeune femme se perdait au milieu du dédale urbain qu'était Hyehwa, fameux quartier artistique de Seoul. Finalement, un passant avait eu la gentillesse de la guider jusqu'à l'impasse désespérément cherchée.

Des pots de fleurs encadraient la petite boutique. Sa façade crème, soutenue par des colombages, arborait un large écriteau de bois verni. En lettres délicatement peintes elle pouvait lire « Contes et Mythes de l'Ancien Monde ». Pittoresque, l'échoppe semblait tout droit sortie des lourds recueils d'occasions qui s'entassaient derrière sa vitrine dépolie. Après une brève hésitation Lucina poussa la porte, faisant ainsi tinter ses carillons.

- Excusez-moi, y a-t-il quelqu'un ?

Dans une pénombre cachottière, de massives étagères chargées de livres vétustes se succédaient. Le parquet défraîchi méritait, tout comme le reste du magasin d'ailleurs, un bon coup de balai. C'est alors que son regard se posa sur le lambris des murs. Recouverts de fresques narratives aux couleurs chatoyantes, ses détails minutieux contaient amours et tragédies. En avançant de quelques pas, elle parvint même à y discerner des scènes de l'Odyssée.

Quelqu'un toussota dans son dos.

- Bonjour, vous cherchez quelque chose ?

Absorbée par sa contemplation, la jeune femme qui n'avait pas entendu le libraire arriver, sursauta.

Probablement d'origine européenne, il avait la quarantaine environ. Mince et plutôt grand, ses cheveux étaient noués en une queue de cheval grisonnante qui lui tombait dans le bas du dos. Ses yeux verts rêveurs l'observaient avec douceur derrière une fine monture de lunettes rectangulaire.

En somme, son apparence décalée s'accordait parfaitement avec les environs. Se rappelant la raison de sa présence ici, elle secoua la tête et sorti de sa poche une petite note.

- Ah ! J'aimerais savoir si vous possédez un recueil réunissant les contes de Grimm. Je n'ai pas réussi à trouver une version originale, rédigée en allemand.

De petites rides apparurent au coin de sa bouche lorsqu'il esquissa un sourire amusé.

- La question n'est pas « est-ce-que nous l'avons », mais plutôt « où a-t-il bien pu être rangé ».

Malheureusement, le désordre qui régnait dans la pièce laissait supposer que la réponse ne serait pas si évidente. Pensif, le vendeur passa une main dans le bouc blond terminant son menton et lança en direction de l'arrière-boutique :

- Sanh, viens voir un instant, s'il te plaît !

Des craquements de plancher se firent entendre depuis le fond du magasin. Titubant sous le poids d'une haute pile de livres qu'il avait du mal à soutenir, son jeune assistant émergea d'une sombre ouverture qui menait probablement à la réserve.

- O-oui patron ?

- Voyons, pose ça quelque part. Nous avons une cliente !

- Une cliente, vraiment ?! s'exclama-t-il comme s'il ne le croyait pas.

Cela devait être un phénomène assez rare puisque la stupeur brisa le fragile équilibre qu'il avait réussi à maintenir jusqu'à présent. Avec fracas, l'amoncellement de manuscrits s'écroula au sol. Face à sa maladresse, il resta là, immobile et les bras ballants. Seule une faible expression confuse lui échappa.

- Ah...

Désespéré, le libraire se laissa choir sur un tabouret.

- Je m'excuse de cet accueil peu glorieux, mademoiselle... Nous ne sommes pas habitués à recevoir de la visite.