Chapitre 3

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Je me crispe sur ma caisse, retenant mon souffle. Les pas s'approchent. Il n'y a pas d'électricité dans l'entrepôt, il est donc seulement éclairé par la lumière du jour, filtrée à travers les quelques fenêtres aux carreaux couvert de crasse, autant dire qu'en terme de visibilité, on peut faire mieux.

Le couloir qui relie la porte principale et la pièce où je me trouve actuellement est long d'au moins vingt mètres. Sachant que ma caisse est pile en face du couloir, si je ne bouge pas d'ici et que mon visiteur est armé, on peut me considérer déjà morte.

Il avance vite...je pourrais éventuellement monter par l'échelle pour avoir un meilleur angle de tir, sur la plateforme qui surplombe la pièce, il n'aurait sans doute pas le temps de me repérer...et je l'abattrais avant qu'il ait pu lever la tête.

L'autre option est que je m'aplatisse contre le mur qui abrite le couloir, juste à gauche de la porte. Il rentrerait, regarderait devant lui pour voir si l'entrepôt est désert, et moi, dans son dos, je pourrais lui assainer un coup de revolver dans la nuque. Cette option est beaucoup plus risquée, si c'est un tueur, il aura le réflexe de se retourner en entrant dans la pièce, il me verra contre le mur et aura le temps de m'achever avant même que je puisse tirer, je sais très bien viser mais il me faut au moins trois secondes...trois secondes, ça suffit largement pour qu'il me descende. Trois secondes, c'est peu me direz-vous, je vous répondrai que pour eux, trois secondes c'est une éternité...trois pauvres petites secondes...et je suis morte.

Merde ! Pendant que je réfléchissais, mon hôte, lui, ne s'est pas arrêté, au contraire. Mon seul avantage est que le couloir n'est pas éclairé, faute de fenêtre...et moi seule connaîs l'emplacement des différents obstacles que j'ai placé dans le corridor.

Le fracas métallique que je viens d'entendre m'indique que mon visiteur n'a pas de lampe pour se repérer et qu'il est environ au milieu du boyau.

Il ne me reste que quelques secondes pour agir, si le passage était vide, il serait déjà là depuis longtemps, avec les différents obstacles, il devrait mettre environ trente secondes à traverser le couloir complet, il me reste donc une quinzaine de secondes. Vous vous demandez sûrement à quoi ça me sert, de calculer tout ça, mais détrompez vous, être douée en math ne m'a jamais autant servi depuis que la maladie a frappée...et aussi depuis que Simon n'est plus là. Grâce à mes différentes estimations, j'ai déjà sauvé ma peau une dizaine de fois. Je peux prévoir le moment où ils vont sortir leur arme, celui où ils vont frapper... et, à partir de là, trouver le moment adéquat pour attaquer à mon tour.

Comment ? Et bien, d'après les médecins, je réfléchis trois fois plus vite que la moyenne...et plus rapidement encore depuis que c'est devenu vital. En une seconde à peine, je peux analyser leur mouvement, détourner leur arme et frapper.
Cette capacité à faire des choix, des analyses et des estimations, j'ai appris à m'en servir, à la développer et à en faire mon principal atout...en plus de mon don pour tirer. Les médecins appellent ça de la super perception.

Je regarde le mur, puis l'échelle, puis le mur une nouvelle fois.
C'est moins risqué de monter...je me dirige donc vers l'échelle en courant, saisi un premier barreau et commence mon ascension.
Alors que je m'aggripe au deuxième, un affreux craquement retentit...tandis que le barreau se détache et que je tombe vers le sol.

Dans cette situation par exemple, ma super perception est bien utile. Ma chute va durer environ trois secondes, si je donne un coup de pied dans l'échelle, le mouvement me donnera assez d'élan pour faire un demi tour sur moi-même et je pourrais atterrir accroupie. Et, comme la plupart de mes estimations, celle-ci fut juste. Une fois au sol, je n'ai plus vraiment le choix, mon coup de pied éyant détruit l'échelle, je me précipite en deux bonds contre le mur, me plaque contre celui-ci, sors mon arme et attends.

Attendez...il n'y a plus aucun bruit...c'est qu'il est déjà dans la pièce. Je me retourne en un éclair, me place au milieu de la pièce, afin d'avoir une vue d'ensemble et brandis mon arme. Ma respiration est bien trop rapide et bien trop bruyante. Il fat que je me calme...comme si c'était facile de se détendre quand on ne sait pas si un inconnu peut-être dangereux et armé se trouve dans la même pièce que vous ou non. Un frottement, là juste derrière moi.
Je me retourne, revolver toujours brandit et chuchote :

«Qui est là ? mais ma voix est à peine perceptible, ce n'est qu'un murmure, effacé par le bruit de mes chaussures contre le sol tandis que je tourne sur moi-même, cherchant ma cible.

Je répète plus fort :

-Qui est là ? Je sais que vous êtes rentré...Qu'est ce que vous voulez ? J'ai été vandalisé pas plus tard que la semaine dernière, je n'ai plus rien ! Alors, allez vous en ! Je suis armée, je vous préviens, dis-je tout en continuant ma rotation.

Au bout de quelques minutes, je finis par baisser mon arme.
«J'ai dû rêver, il est sans doute parti après sa chute dans le couloir.»

C'est là que j'ai commis mon erreur. J'ai baissé mon arme.
À peine eus-je le temps de me retourner qu'un objet dur (peut-être une matraque ou un simple bout de bois) s'abattit sur le haut de mon crâne. Je m'écroule, engourdie, sonnée. Des chaussures noires devant mes yeux, c'est la dernière chose que j'ai vu.

«Bonne nuit ma belle !» C'est la dernière chose que j'ai entendu.

Ensuite, tout est devenu noir.

Journal d'une survivante Où les histoires vivent. Découvrez maintenant