Ces six jeunes avaient toujours été ainsi : débrouillards, arrogants, spéciaux et invincibles. C'est comme cela que tout le village les surnommait. Chacun avait leur particularité, et chacun en était particulièrement fier.
Aubin, par exemple, était celui qui donnait les ordres, le leader de la bande, le donneur de leçons. Il était apprécié par les autres, et particulièrement par Lison, sa petite-amie - une fille incapable de refuser quoi que se soit, une battante, une courageuse, la plus courageuse de la bande. Elle n'avait jamais peur de se faire mal, jamais peur des épreuves de la vie. Ils formaient tous les deux un couple idéal ; ils étaient si beaux, si jeunes et indépendants. Ils s'aimaient à en crever, et bien plus encore. Elle n'avait d'yeux que pour lui, cette chère Lison, au regard si sombre, qui transperçait l'âme d'Aubin à chaque fois qu'elle le regardait. Ah ! Ce qu'ils étaient beaux !
Or, dans la bande, il y avait aussi le colérique Melchior, toujours à se plaindre pour des détails, chipoter et à mal parler. Il avait cette fâcheuse tendance à porter sa casquette à l'envers et à contredire sa mère. Il était l'enquiquineur de service, celui qui râlait pour un oui et pour un non. Tout le monde pensait qu'il était sans cœur, un monstre qui s'en fichait un peu de tout. Mais ils se trompaient ! En réalité, Melchior était fou amoureux de la douce et intelligente Colombe, la meilleure amie de Lison. Cette fille si parfaite était sans doute la plus belle chose qu'il avait été donné de voir à Melchior ; il ne pouvait s'empêcher de l'épier, lorsqu'elle calculait la masse de molécules d'un cerveau humain, ou qu'elle comparait ses équations avec Aubin. Elle était l'intello du groupe, Colombe, la plus réservée, celle qui parlait le moins, et pourtant, celle qui avait le plus de choses à dire. La douceur de son visage égalait à sa beauté intérieure, sa peau était pâle et ses yeux étaient suffisamment bleus pour y voir un ciel entier. Melchior les adorait, ses yeux.
Pourtant, Colombe, elle, se détestait. C'est sûrement pour cela qu'elle ne parlait jamais. Elle avait peur de ce que les gens pouvaient bien penser d'elle, alors elle se refermait comme une coquille. Elle était muette comme une carpe, et il était difficile d'apercevoir un sourire sur son joli visage. C'est pour cela que Barnabé tentait tout un tas de blagues saugrenues pour faire rire la belle Colombe, sauf qu'à chaque fois, les blagues de Barnabé étaient ratées. Il était sûrement le plus drôle de la bande, le rigolo, l'ami de tous, celui qui aimait la vie et qui adorait la partager avec les autres. Barnabé avait cette vilaine habitude de croire que le monde était un immense labyrinthe, et était convaincu qu'il s'en sortait toujours. Il était une boule d'énergie, toujours prête à courir, à se défouler sous les rires de ses camarades de jeu. Églantine adorait particulièrement le visage de Barnabé, et ne pouvait s'empêcher de le dessiner sous toutes ses coutures ; elle trouvait ses traits parfaits, fins, et gracieux. Églantine était l'artiste, l'originale et la différente. Ses cheveux couleur carotte faisaient rêver Colombe, qui trouvait ces reflets somptueux. Églantine disait toujours ce qu'elle pensait, c'était la plus franche du groupe, et pourtant, la plus planante. Elle voyait le monde d'une autre façon, de sa vue à elle ; et le monde était magnifique selon Églantine.
Ils étaient six ; Aubin, Lison, Melchior, Colombe, Barnabé et Églantine. Et chacun d'entre eux s'était perdu, ce soir-là.
VOUS LISEZ
Si on se perd, ce soir
Short StoryC'est l'histoire de la rage d'Aubin, de l'abandon d'Églantine, de l'essoufflement de Barnabé. Celle du cœur de Melchior, des cicatrices de Colombe et du dilemme de Lison. Ceci est l'histoire de leur vie. Ils se sont perdus, ce soir. « I stared up a...