Si on se perd, ce soir

5. Barnabé.

« Le comique, le drôle et l'étonnant Barnabé. Le malicieux, l'étonnant et le convaincant Barnabé. »

Barnabé avait perdu,
son cœur,
et son grand-père,
dans la même journée.
Ce même grand-père,
qu'il considérait comme son père ;
avec qui il allait à la pêche,
avec qui il regardait les étoiles.
Ce grand-père s'en était allé,
dans les constellations,
et était devenu une étoile.

Il ne cessait de pleurer Barnabé,
parce qu'une partie de lui s'était enfuie,
avec l'âme de celui qu'il avait puissamment aimé,
et qu'il continuait d'aimer.

Il n'avait pas envie de tenter une blague,
ce jour-là,
il n'avait pas envie de plaisanter.
Il voulait s'oublier,
le temps d'une soirée,
oublier sa peine,
la chasser,
se sentir exister autrement.

Alors,
Barnabé avait monté le son de la stéréo,
et s'était mis à danser,
à en perdre haleine,
se mouvant lentement,
puis ridiculement vite,
à s'en déchirer les poumons,
à s'en brûler les muscles,
pour noyer sa douleur,
dans son essoufflement,
dans son affolement,
dans son empressement.

Il ne cessait de penser,
à son tendre grand-père,
qui lui avait appris le sens de la vie.
Barnabé lui devait tout,
absolument tout.
Il lui devait l'amour,
l'amitié,
la fraternité,
l'égalité,
et toutes ces valeurs,
que son grand-père lui avait transmises,
depuis son plus jeune âge.

Pourtant,
il n'avait pas eu assez de temps,
pour lui dire au revoir,
pour lui dire qu'il l'aimait,
au delà du possible,
comme on aime les étoiles,
durant une nuit d'été.
Et ce regret commençait à l'étouffer,
à l'oppresser.
Son cœur,
ratait des nombres,
des nombres incalculables de battements.
Il se sentait ne devenir,
rien qu'une ombre à travers la nuit.

C'est ainsi que,
ce soir-là,
il avait reçu un message de Colombe,
qu'il était sorti par le balcon de sa chambre, sans sécher ses larmes,
et qu'il avait couru jusqu'à la falaise,
afin de saluer son grand-père,
pour la première fois,
et pour la dernière fois.