Chapitre 3 : L'Assassin

62 13 2
                                    

Nous avons trouvé à manger dans un petit frigo abîmé, perdu au fond d'une des multiples pièces du musée. A présent, nous sommes tous rassemblés dans la même salle, assis en tailleur. Cet endroit est le seul qui n'est pas gardé par les statues ; cela nous a paru plus prudent car aucun d'entre nous ne fait confiance à ces morceaux de pierre immobiles. Chacun déguste sa part de victuailles en silence. Le souvenir du jeune garçon, allongé par terre, sans vie, le corps tordu, continue de me hanter. Quand je pense que ce sort funeste sera sûrement le mien...

- Qu'est-ce que vous êtes bavards ce soir ! Voyons, mes chers Dévoués, c'est votre premier repas tous ensemble, vous devriez être heureux de vous rencontrer !

Malgré notre mutisme, la Voix poursuit son monologue :

- Si ce silence est pour le petit Antonio, Paix à son Ame, sachez que la première mort est toujours plus difficile à surmonter que les autres ; après, vous vous habituez et ces morts ne deviennent que des petites brises anodines, vous ne ressentez plus rien !

Marco ne prend même plus la peine de l'insulter et le silence continue d'assourdir nos oreilles. Quelques minutes plus tard, la Voix reprend la parole :

- Voyons mes chers Dévoués, si personne ne parle, nos téléspectateurs vont s'ennuyer ! Il leur faut un peu de distraction... Peut-être devrais-je faire en sorte que quelque chose se passe... Histoire de divertir tout le monde... !

J'ai compris le message, comme tous ceux assis dans cette pièce : soit on se bouge, soit l'un de nous meurt. Une fillette du nom de Talia se met à pleurer. Je lui caresse maladroitement les cheveux pour la consoler. Je crois que c'était la cousine d' Antonio...

- Je propose qu'on fasse des tours de garde pendant que les autres dormiront, annonce un certain blondinet nommé Loïc.

Ses cheveux couleur paille sont ébouriffés et il a l'air fatigué comme nous tous, j'imagine. Julia, une des plus âgée d'entre nous, prend les choses en main et constitue des groupes de 5 ou 6, à peu près équilibrés en terme d'âge. Puis, nous organisons la salle avec les quelques couvertures que nous avons trouvées à côté du frigo. Je partage la mienne avec Alice, une jeune adolescente que je n'ai pas entendu parler depuis le début du Jeu.

Julia répartit les trois lampes de poche que nous possédons aux membres de la première équipe de gardiens dont je fais partie ; peut-être nous seront-elles utiles...

- J'ai oublié de vous informer que, durant la nuit, la lumière sera éteinte et il n'y aura qu'une dizaine de bougies qui s'allumeront.

Rectification : les lampes de poche nous seront utiles ! Comme nous n'en avons que 3, nous décidons de ne les allumer que brièvement toutes les cinq minutes pour s'assurer que rien ne nous menace.

Bientôt, chacun se blottit sous sa couverture ; sauf moi et quelques autres. Nous nous plaçons de manière à ce qu'aucun coin n'échappe à nos regards.

- Extinction des feux.

La lumière que diffusait le lustre disparaît et quelques bougies s'allument comme par magie. Malgré les dizaines de flammes qui dansent dans le noir, l'obscurité nous enveloppe. Je distingue à peine la silhouette de mes compagnons.

S'ensuivent de longues heures interminables. Maintes fois, mes paupières ont envie de se fermer. A chaque fois que l'on allume rapidement les lampes, je suis éblouie et mon envie de dormir se dissipe durant quelques secondes avant de revenir à la charge. Je n'entends aucun bruit suspect. Seuls plusieurs ronflements rompent le silence qui s'est installé.

Heureusement, nous réveillons bientôt la nouvelle équipe de gardiens qui nous remplace et je peux enfin rejoindre la protection de ma couverture chaude. A mes côtés, Alice dort profondément. Sa poitrine se lève de manière régulière. De temps à autre, elle émet un bref sifflement avant de se retourner dans son sommeil. A mon tour, je ne tarde pas à m'endormir.

Ne clignez pas des yeux !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant