Chapitre 7 : La tueuse

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Ma tête heurte brusquement le sol. Je me redresse un peu sonnée. Je vois des taches de couleur danser devant mes yeux puis je m'évanouie sans m'en rendre compte.

***

Des voix me réveillent ;  mais je n'ai pas de force et mes paupières restent closes.

- Vous croyez que c'est elle qui les a tués ?

- Non, c'est forcément les Anges qui ont fait ça.

- Je ne sais pas... La Voix avait dit qu'il y avait un assassin... C'est peut-être elle...

- Je suis de l'avis d'Iris ! C'est une tueuse !

- Taisez-vous ! Elle est réveillée.

Lorsque j'ouvre les yeux, je ne vois que des visages penchés sur moi, des regards qui me fixent, certains sont hargneux et méfiants tandis que d'autres m'observent avec incompréhension ou curiosité. Toutes ces têtes s'écartent lorsque je me relève.

- Je crois que tu as des choses à nous dire, Haley.

***

Lorsque les derniers mots franchissent mes lèvres, je suis hors d'haleine ; j'ai beaucoup trop parlé. Les phrases sont sorties sans que je les contrôle. Mais je n'ai pas oublié l'avertissement de la Voix et je n'ai pas dévoilé tout ce que je savais. Alors que je termine mon explication, je ne peux empêcher mes yeux de glisser sur Grégoire et Vitto, allongés sans vie dans un coin de la pièce, en espérant voir leur poitrine se soulever. Le corps du premier est tordu et brisé tandis que le second est vieilli et parcouru de rides, il ne ressemble absolument pas à l'adolescent qu'il était il y a quelques heures à peine. J'hésite à dévoiler la dernière chose que Vitto a hurlé... Mais la Voix ne me laisse pas le choix.

- Notre chère Dévouée Haley a omis de vous apprendre quelque chose au sujet de Vitto...

Les regards se tournent vers moi. Alors, je me lance :

- Vitto est... je veux dire, était, l'assassin.

Il y a un flottement, comme une hésitation, puis Iris se jette sur moi en hurlant :

- Menteuse ! C'est toi qui les as tués ! T'es qu'une folle psychopathe !

Je n'ai pas le temps de me défendre avec des mots qu'elle me donne un violent coup de poing dans le ventre. Le souffle me manque.

- T'es dans le même camp que la Voix ! Vous êtes alliées ! *bip* Tu fais partie des criminels ! *bip*

Une gifle s'écrase sur ma pauvre joue qui se colore en rouge. Mon genoux frappe l'estomac de mon adversaire.

- Fais gaffe Iris, elle peut te tuer comme elle a tué les autres !

Un nouveau poing atteint ma bouche qui se met à saigner. Je recule de quelques pas en gémissant. Personne ne fait rien. Un murmure rauque franchit mes lèvres ensanglantées :

- Julia...

C'est la seule personne qui peut arrêter ce combat, la seule personne qu'on écoute.

- Compte pas sur Julia ! Elle nous a abandonné avec Oryx et quelques autres.

Alors que j'allais lui donner une gifle, je m'arrête dans mon élan, abasourdie par cette déclaration. Iris en profite pour me faire tomber et je m'écrase mollement sur le sol. Julia nous a abandonnés. La seule personne en qui j'avais confiance ; celle qui était devenue comme notre chef ; celle qui nous permettait de croire que cette année, il resterait des survivants... Elle nous a abandonné. Oryx aussi.

Les poings d'Iris s'abattent sur moi mais je n'ai plus de force. L'averse s'arrête. Mon corps entier me fait mal. Mes yeux sont clos.

- Qu'est-ce qu'on en fait ?

De multiples idées sont proposées mais l'une d'elles revient fréquemment : me tuer.

- Au point où j'en suis... marmonnai-je.

- Où alors on l'abandonne dans le dédale du musée...

- Ça n'a aucune d'intérêt de la laisser en vie ! Elle a tué les autres ! C'est une tueuse !

Iris... Encore elle...

Alors qu'ils tentent de se mettre d'accord une pensée me traverse l'esprit : "Et si j'étais vraiment une tueuse ? Et si j'avais vraiment assassiné les autres ? Et si les criminels m'avaient fait oublié mes horribles actes ? Et si j'étais l'un d'eux mais que je ne m'en souvenais plus ?"

- Notre chère Dévouée Haley devient paranoïaque !

La Voix résonne dans ma tête mettant fin à mes questions toutes plus stupides les unes que les autres.

- On s'est mis d'accord, grommelle Iris en me pinçant sans délicatesse.

J'ouvre les yeux.

- Debout la Tueuse !

Je me relève. Mes pieds me portent difficilement.

- Avance !

Les Dévoués me font une haie d'honneur et je passe sous leur regard hargneux.

- On va t'abandonner dans le musée.

- Bandez-lui les yeux ! Ce sera bien plus marrant.

Deux garçons s'approchent de moi avec un morceau de tissu dans la main. Je hurle et me débat. Si j'ai les yeux bandés, je ne pourrai pas voir les Anges ! Et alors-là... Paniquée à cette idée, je donne des coups de pieds sur tout se qui bouge et gigote dans tous les sens, essayant de leur échapper.

- Elle est folle, dit quelqu'un.

J'ai peur qu'il ait raison...

***

Je ne vois rien.

Je n'entends que le bruit de mes pas.

Et le silence... Le silence incessant...

Je marche, les bras tendus devant moi.

J'ai déjà essayé d'enlever ce fichu bandeau mais impossible ! Ils ont dû faire une dizaine de nœuds...

Je continue de marcher ; consciente que, si je m'arrête, les Anges ont plus de chance de m'attraper. Alors je bouge. Je marche.

Soudain, quelqu'un - ou quelque chose - m'attrape.

Je fais ce que tout le monde ferait. Je crie.

Ne clignez pas des yeux !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant