Pourquoi suis-je ici? Pourquoi suis-je debout comme une idiote au milieu de la rue? Je pourrais très bien marcher quelque pas pour me rendre sur le trottoir, à l'abris des voitures, mais je décide plutôt de rester ici. C'est sûr que je risque un danger. Après tout, je me tiens au milieu d'une rue à 2h34 du matin, là où nul lampadaire n'illumine mon visage. Là où l'air frais des hivers canadiens vient geler l'intérieur de mes narines. Là où chaque battement de mon coeur se fait ressentir comme étant potentiellement le dernier. Je me tiens debout, bien droite, bien consciente de la stupidité qui s'écoule dans chacun de mes gestes et de mes idées maladroites, et je regarde l'obscurité éblouissante qui ne souhaite que m'engloutir. Pourquoi ne suis-je point dans la capacité de m'échapper? Je veux fuir, pleurer, hurler, mais j'en suis incapable.
Cette obscurité si profonde, mais si unique, m'enlaçant de ses longs bras maigres et osseux, ne me laisse nulle autre possibilité que de l'obéir, car si je n'en fait qu'à ma tête, je ne ferai que sombrer plus profondément dans ce néant. Je regarde droit devant moi, ne voyant rien, mais comprenant tout. Les bras de cette obscurité m'entourant le ventre montent doucement, lentement vers le haut de mon corps, jusqu'à atteindre la peau chaude, fine et délicate de mon cou. La nuit effrayante dépose chacun de ses doigts lentement, oh si lentement, sur la chair frêle de mon cou, m'arrachant une série de frisson me parcourant des pieds à la tête. Ses doigts gelés me serrent doucement la gorge jusqu'à m'empêcher de respirer correctement. La peau de mon cou devient douloureuse. Respirer l'air glacial me brûle l'intérieur des poumons.
Une larme s'écoule de mon oeil droit au moment où je sens les ongles de mon agresseur s'enfoncer dans ma chair. Pourquoi suis-je attaquée par cette obscurité? Ne pourrais-je pas me faire attaquer par la clarté, plutôt que de me faire étrangler par cette sombre nuit? Une seconde larme roule sur mes joues au moment où je réalise que les mains m'étouffant ne me laisseront jamais libre. Une dernière larme s'échappe d'un de mes yeux au moment où je pose un pied au sol, puis un autre, puis un autre, jusqu'à doucement avancer, marcher, courir, puis fuir, suivie de ma sombre douleur.