Chapitre 9 : Désespéré

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Je m'étais réveillé en sursautant de ma deuxième nuit à l'E.D.M. Je ne me rappelle plus exactement de quoi j'avais rêvé, mais je sais que ce rêve -ou plutôt ce cauchemar- avait laissé en moi un profond sentiment de solitude, de peur et de tristesse entremélé de désespoir. Je m'étais assis sur le bord du lit, retenant d'une main les lourds pans d'un des rideaux de nuits de mon lit, accablé, mon corps pendouillant lamentablement au bout de mon bras qui était le seul de mes membres à avoir encore un semblant de volonté. Je me sentais brisé de l'intérieur. Par quoi? Par les révélations macabres de cette horrible Mme Charon? Par ma récente mort? Par mon arrivée à l'E.D.M.? Je ne savais pas exactement. Sans doute un peu de tout ça à la fois. Ce qui était bien normal je pense au vu de ce que je venais de vivre.

De ma main libre je retenais ma tête lourde comme du plomb, tentant vainement de retenir mes larmes. Je me sentais dépassé, débordé de toute part. Qu'est ce que j'étais sensé faire ? Devais-je m'insurger, faire comme ces pseudos héros dans les romans et prendre les armes contre madame Charon ? Non, je ne le pouvais pas. Une simple conversation avec elle me faisait trembler de tous mes membres. Elle me terrifiait, et je n'étais pas capable de lutter contre ce sentiment de peur qui m'assaillait. J'étais assiégé.

- Il ne faut pas cédé au désespoir! Il faut je sois fort!

Combien de fois ai-je répété ces phrases stupides dans ma tête? Combien de fois ces mots m'ont donné la force de me relever et de garder la tête haute? Je ne peux même pas les compter. J'ai l'impression de ne pas avoir passer un jour à l'E.D.M. sans me les avoir intimer mentalement, ces enchaînement de son porteurs d'un espoir que je n'avais plus. Ces mots qui ressemblaient plus à ceux d'un héros de roman qu'au trouillard que je suis. Ces mots qui dans ma bouche était surjoués. Mais qui me donnaient l'impression d'être justement un de ces héros capable de tout.

L'eau qui perlait mes yeux avait quand même finit par rompre les digues, déversant tout mon désespoir sur le parqué ciré de la chambre. Les gouttes salés passaient entre mes doigts, distillant le stress et la peur, ne laissant que le vide de mon coeur et les milliers de questions qui frappaient contre mes tempes et mes lèvres, demandant à sortir de cette orifice creux dans lequel je les avais enfermés.

Parmi ces questions, il y avait bien sûr ce mot incertain qui revenait incessamment. Le pourquoi. Je voulais savoir. Je voulais comprendre. Je voulais aussi que toute cette mauvaise plaisanterie s'arrête une bonne fois pour toute. Je voulais voir Hina, mes parents, et mes amis. Je voulais avoir un repère quelqu'il soit. Avoir près de moi quelque chose de familier et rassurant.

Mon torse avait commencé à vibrer, affichant mon alarme matinal.

"J'avais dit "familier et rassurant"."avais pensé, essayant de plaisanter afin de me détendre un peu.

Peine perdue, le sarcasme avait résonné avec un ton plein d'amertume dans ma tête. La philosophie "mieux vaut en rire qu'en pleurer" n'avait pas l'air d'avoir beaucoup d'effet sur moi.

J'étais allé m'accouder à la fenêtre et me pris à adresser une prière muette à Izanami, déesse de la mort et de la création. Je n'étais bien sûr pas dans un temple et n'avait aucune offrande à lui adresser mais j'espérais que la déesse entende tout de même mes prières et me vienne en aide.

Repenser à la religion instaura un nouveau doute en moi.

Et si j'avais atterri à Yomi? Le royaume des morts?

J'avais repensé aux vieilles légendes que me racontait ma grand mère. 

Tu sais mon petit Shinichi, il ne faut rien manger qui vienne de Yomi. Sinon, ton corps serait enchaîné à jamais à cette terre où vivent nos ancêtres.

J'avais dégulti et comme si mon ventre était décidé à me porter malheur, il avait gargouillé, me délivrant un message de faim. J'avais lutté contre cette envie en la repoussant au plus profond de moi. La peur, encore. J'avais regardé au dessus des grattes ciels.

Comment est-ce que je peux penser qu'un complexe aussi technologique et futuriste et un lieu vieillot tiré d'une ancienne légende ne font qu'un?

Cette question à elle seule résumait l'ambiance particulière de l'E.D.M, ce lieu perdu entre passé et futur sans être dans le présent. Je me demandais quel était le but de ce lieu. Madame Charon m'avait dit que j'avais été choisi. Cela voulait dire que tous le monde ne venait pas à l'EDM ? Quels étaient les critères dans ce cas ? Peu importait. Au fond, je savais que de toute manière je n'aurais pas la réponse à ces questions tant que madame Charon n'en déciderait pas autrement.

J'avais passé mes mains sur mon visage, plaquant mes cheveux en arrière.

Qu'est-ce-que je vais faire maintenant ?

Mort, abandonné de mon monde, recueillit dans une citée dont je ne voulais pas, dépendant de la bonne volonté de Mme. Charon, manipulé par les événements, je n'avais en réalité pas beaucoup de choix.

J'avais passé cette troisième journée au sein de l'E.D.M. à réfléchir à une solution à mon décès afin de me sortir une fois pour toute de ce mauvais pas qui m'avait fait pénétrer dans un monde inconnu et sordide. Le monde de la mort. Enfin, je suppose que j'y ai réfléchi toute la journée. Je n'avais aucun repaire horaire lorsque j'étais là bas et je ne pouvais que me fier à l'alarme de mon cœur pour avoir l'heure, une fois par jour. J'étais perdu, totalement largué. Et je détestais ça.

J'avais toujours était quelqu'un de posé, qui analyse toujours chaque situation avec un calme olympien, raisonnant avec une logique implacable et arrivant toujours à trouver une issue à n'importe qu'elle impasse. Il était là le problème. Quelle issue donner à la mort ? Est-ce-que je ferai mieux de suivre Mme.Charon pour le moment et lui faisant croire que je croyais à ces histoires abracadabrantes ? Ou bien ferais-je mieux de me rebeller? Dans les deux cas -et même dans tout les cas- aurais-je le courage de me tenir à la voie que j'aurai choisi? Serais-je suffisamment fort?

J'avais regardé mon "translacoeur" comme l'avait appelé madame Charon. Cette étrange machine était mes chaînes. Et pourtant il s'agissait aussi de la seule et unique chose capable de maintenir mon corps en vie. Enfin, si l'on pouvait encore appelé ça un corps. Un fantôme, une âme plutôt.

Une série de coups avait résonné dans la pièce. On toquait à ma porte, me sortant soudainement de mes pensées. J'avais sursauté, puis m'étais levé, intrigué. Une fois la porte ouverte, j'avais découvert Hylda qui m'avait accueillit avec un sourire.

- Madame Charon m'a chargé de vous prévenir que Luke ne reviendra pas tout de suite dormir avec vous.

J'avais démarré au quart de tour et avait pressé la pauvre Hylda de questions sur l'état de Luke, et avait juré que si ça avait le moindre rapport avec Mme.Charon ou cette espèce de boîte de sardines ancrée dans nos torse, je ne répondais plus de moi.

Ça paraît presque enfantin dit ainsi, mais je me souviens d'avoir littéralement exploser et déversé toute ma colère sur ma Surveil-coeur, prétextant un sentiment d'inquiétude -pas totalement fictif- pour Luke. Prise au dépourvu elle m'avait simplement dit que je pouvais venir le voir quand je le souhaitais et m'avait tendu une carte avec marqué sur le blanc de son papier granuleux une adresse et une chambre avant de prendre rapidement congé, la peur au regard.

Je m'étais retrouvé seul comme un imbécile au milieu de ma chambre. J'avais serré les poings. Je m'en voulais d'avoir fait fuir la seule personne qui me semblait amicale. En réalité, je ne faisais qu'ajouter encore une raison pour me détester. Je détester ma faiblesse. Je détestais ce don que j'avais pour tout ruminer. Alors je ruminais encore plus. Je ruminais sur mon idiotie et ma naïveté.

Et les évènements qui ont suivi n'ont fait que confirmer ce que je pensais de moi même.

HackœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant